La balle est à nouveau dans notre camp
Décision tarifaire du Conseil fédéral

La balle est à nouveau dans notre camp

Offizielle Mitteilungen
Édition
2017/16
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2017.01633
Prim Hosp Care (fr). 2017;17(16):304-305

Affiliations
Secrétariat général mfe

Publié le 30.08.2017

Le Conseil fédéral (CF) n’en démord pas: il intervient pour corriger les tarifs. Au 1er janvier 2018, les mesures prises de façon désormais définitive entrent en vigueur. Avec son intervention, le CF fait des économies et entend ainsi freiner la hausse des primes. La proposition qu’il a soumise pour consultation au printemps prévoyait 700 millions de francs d’économie. Aujourd’hui, il s’agit tout de même encore de 470 millions de francs. Cette correction de 230 millions est due à la prise en compte de revendications justifiées qui auraient été formulées lors de la consultation. Ceci montre que le CF a pris les réactions au sérieux, du moins en partie. Toutefois, l’intervention reste inappropriée sur de nombreux points, et il en ressort surtout une chose: la nécessité d’enfin réviser en profondeur les tarifs. Le fait que la médecine de famille puisse tirer des bénéfices de l’intervention sur quelques points majeurs n’enlève rien à ce constat.
Du point de vue de la médecine de famille, les principales corrections relatives au projet soumis par le CF en mars 2017 pour consultation sont les suivantes:
– Le nivellement des valeurs intrinsèques quantitatives: en principe, le CF y reste attaché. Le nivellement ne ­s’effectue cependant pas à 0.968, comme initialement prévu, mais un peu plus haut. Il est donc plus proche du facteur 1.0 (en réalité correct).
– Limites de facturations: la règle selon laquelle des ­limitations (déjà existantes dans le Tarmed actuellement en vigueur) s’appliquent aux médecins qui ­facturent par voie électronique est annulée. Les ­limitations temporelles seront donc applicables à tous, mais ne seront toutefois pas les mêmes pour tous les groupes de patients, comme le prévoyait le projet original: la règle est assouplie chez les enfants <6 ans et les personnes âgées >75 ans, de même que dans certains cas fondés pour d’autres patients, et ce en accord avec les assureurs. La facturation de la consultation de base est p.ex. limitée à 20 minutes; chez les enfants <6 ans et les ­personnes âgées >75 ans, elle est toutefois de 30 minutes. Dans d’autres cas ­fondés, la limitation à 20 minutes peut également être augmentée à 30 minutes, après accord avec ­l’assurance. La consultation de base reste combinable à d’autres positions, p.ex. pour les examens ou le conseil.
– Prestation en l’absence du patient: comme prévu dans le projet, la position doit être différenciée au moyen de plusieurs positions séparées bien délimitées, dans le but de rendre les actions du prestataire de soins transparentes. Actuellement, la limitation du Tarmed est de 60 minutes pour les prestations en l’absence du patient, par trimestre et patient, mais elle sera divisée par deux, ­c.-à-d. renforcée, et ce de la manière dont le projet de consultation initial le prévoyait. Mais ici aussi, le CF assouplit les règles d’utilisation, aussi bien pour les enfants <6 ans que pour les personnes âgées >75 ans. Pour ces groupes, la limitation reste en effet à 60 minutes par trimestre; pour tous les autres patients, elle peut être fixée à 60 minutes au lieu de 30, en accord avec les assureurs.
– Dérangement en cas d’urgence: dans le projet de mars 2017, il était prévu que le forfait pour dérangement en cas d’urgence ne puisse plus être facturé par les institutions ambulatoires qui orientent explicitement leur offre sur les urgences et les consultations sans rendez-vous. Ici aussi, le CF atténue ses plans. Le nouveau critère pour la facturation de cette prestation au cours de la journée sera à l’avenir la sévérité du cas (plus qu’en présence de trouble des fonctions vitales ou de lésion d’organes, ou dans l’impossibilité de les exclure). Ce qui continue à faire défaut, c’est le forfait pour cas urgents pour le cabinet, comme le demande mfe depuis des années.
Nous ne connaissons pas encore d’autres détails relatifs à l’ordonnance. Il reste à observer comment le CF la met en œuvre. Il n’est pas encore possible de prévoir quelles seront les répercussions de l’intervention tarifaire sur le travail quotidien des médecins et sur les soins médicaux en général. De la perspective du médecins de famille et du pédiatre on peut toutefois observer avec prudence les éléments suivants: les limitations strictes, comme elles étaient initialement prévues, ont été quelque peu assouplies par le CF. Il s’agit d’un point positif. Toutefois, il n’en reste pas moins que les limitations n’ont pas leur place dans le tarif en tant que tel. En toute objectivité, elles ne sont tout simplement pas justifiées. Le CF les ­justifie par l’augmentation du volume des prestations, en particulier en ce qui concerne les prestations en l’absence du patient, sans pour autant en avancer les preuves. S’il en était réellement ainsi, il serait alors nécessaire de procéder à des corrections ciblées, basées sur une surveillance différenciée, et non au moyen de limitations générales qui logent tout et tout le monde à la même enseigne. Il reste à voir comment fonctionnera dans la pratique la règle d’utilisation formulée ouvertement pour les patients entre 6 et 75 ans. mfe s’engage de toute évidence pour éviter la création d’un monstre ­bureaucratique et trouver un modus videndi en accord avec les assureurs, qui correspondrait précisément aux nouvelles prescriptions TARMED.
Le CF maintient le nivellement des valeurs intrinsèques. Depuis des années, mfe défend l’opinion selon laquelle les différences en matière de valeurs intrinsèques quantitatives ne s’avèrent depuis longtemps plus justifiées et doivent être supprimées ou recalculées. Le CF a tenu compte de cette argumentation et a de ce fait envoyé un message fort aux partenaires tarifaires. Nous prenons également acte du fait que le facteur est désormais plus proche de 1.0 que ce qui avait été proposé en mars. Sur ce point aussi, le CF semble avoir été attentif lors de la consultation. Cela ne change toutefois rien au fait que, sans autre base de calcul ni argument solide, le facteur réduit le volume salarial global des médecins d’environ 1,5% à partir du Tarmed.
Depuis de nombreuses années également, les médecins de famille et de l’enfance exigent une confirmation de la plausibilité des prestations à l’acte dans le tarif, l’adaptation des minutages excessifs ainsi qu’un calcul précis de la productivité. Dans ce domaine, le CF procède désormais à des ­corrections isolées; il intervient donc aux bons endroits. Néanmoins, le réel bien-fondé de ces ­corrections n’est pas encore appréciable car aucune base de facturation n’a été présentée. mfe a toujours exigé de vérifier et d’adapter les prestations techniques. Elles doivent représenter et couvrir correctement les frais relatifs au personnel et aux infrastructures. Cela signifie que la prestation technique doit être abaissée là où elle est trop élevée entraînant des gains injustifiés, et elle doit être ajustée à la hausse là où elle est trop faible. Même si le CF a dorénavant ordonné des coupes dans les prestations qui sont à ses yeux trop élevées, il n’a pas encore procédé aux ajustements à la hausse nécessaires.
Que reste-t-il en fin de compte? Le projet de consultation présenté il y 6 mois prévoyait en moyenne une hausse de la rémunération des médecins de famille et de l’enfance en cabinet, et ce, en absolu et aussi par rapport à certaines spécialités. C’est en tout cas ce qu’avait anticipé le CF à l’époque, en premier lieu en raison du nivellement des valeurs intrinsèques quantitatives. Celles-ci devaient être nivelées sur la valeur actuellement en vigueur pour les prestations FMH 5, à savoir 0.968. Désormais, la correction est néanmoins plus haute. Ainsi, la meilleure rémunération des prestations des médecins de famille et de l’enfance devrait être effective au 1er janvier 2018. Toutefois en moyenne. Il reste à voir comment les autres interventions – et en particulier les limitations – se répercutent sur la nature et la qualité des soins des médecins de famille et de l’enfance. Néanmoins, les deux interventions tarifaires du CF de 2014 (le «Supplément pour prestations de médecine de famille au cabinet médical» reste en vigueur!) et 2017 améliorent nettement la situation financière des médecins de famille et de l’enfance et sont un signe politique fort quant au rôle de la médecine de famille et de l’enfance.
Le bilan de l’intervention tarifaire est mitigé à ce jour. Cette intervention procède point par point et s’oriente vers un maximum d’économie. Le fait que les valeurs intrinsèques quantitatives soient nivelées s’avère correct, que les médecins de famille et de l’enfance en profitent l’est aussi. En revanche, le fait que le nivellement soit en dessous de la valeur correcte 1.0 n’est pas approprié. Certaines corrections isolées faites par le CF sont pertinentes et rendent le Tarmed plus appropriés sur certains points. Mais le fait que les interventions ne soient réalisées que là où des coûts sont à réduire mais pas sur les points qui nécessitent un ajustement vers le haut nous semble inapproprié.
La révision globale du tarif reste donc nécessaire. Ce ­serait une bonne chose que l’intervention tarifaire du CF puisse pousser les partenaires tarifaires, et en particulier les assureurs, à prendre en main le travail qu’ils ont négligé pendant des années. L’association professionnelle mfe restera le partenaire de confiance qu’elle a toujours été et travaillera d’arrache-pied sur le nouveau projet de révision nommé Tarco. Le corps médical a montré au public qu’il y était disposé lors de l’apparition commune à la conférence de presse. Il l’a aussi montré aux membres de sa communauté en assumant une position de leader dans le processus de révision. Le chemin vers l’objectif «nouveau tarif» est long, mais il semble possible en partie grâce à la vaste reconnaissance politique de la médecine de famille et à la motivation des uns et des autres. Le corps médical et en particulier les médecins de famille et de l’enfance ont de toute évidence un poids politique. Il est désormais nécessaire de l’utiliser, de le transposer en ­volonté absolue d’organisation politique, en faveur d’une autonomie tarifaire partenariale. Avec le projet Tarco, le corps médical a la possibilité d’élaborer un tarif approprié et économiquement viable et de regagner une autonomie tarifaire en collaboration avec les partenaires tarifaires. Nous avons encore beaucoup de travail devant nous.
Nous vous informerons dès que nous disposerons des ­détails de l’ordonnance, via ce journal et par e-mail aux membres. D’autres renseignements se trouves dans la fiche d’informations de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).
Yvan Rielle
Secrétariat général mfe
Effingerstrasse 2
CH-3011 Berne
yvan.rielle[at]hausaerzteschweiz.ch