Le médecin de famille face aux influences et aux conflits
Expériences d’un médecin généraliste

Le médecin de famille face aux influences et aux conflits

Lernen
Édition
2017/22
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2017.01670
Prim Hosp Care (fr). 2017;17(22):0

Affiliations
Président de l‘Académie Suisse pour la Médecine Psychosomatique et Psychosociale

Publié le 21.11.2017

Lorsqu’il s’agit de la réintégration d’employés souffrant de troubles psychiques, les médecins de famille sont exposés à de nombreuses influences et à un risque de conflits. Une bonne collaboration avec les autres parties impliquées s’avère indispensable.
La réintégration des employés souffrant de troubles psychiques et confrontés à des problèmes psychosociaux sur le lieu de travail représente un véritable défi pour le médecin de famille. D’une part, le long et difficile processus de réintégration professionnelle est insatisfaisant pour le médecin de famille car les progrès sont trop lents; les consultations sont en outre nombreuses et longues. D’autre part, la réintégration chronophage est toujours associée à un très lourd pensum administratif.

Le médecin famille en zone de tension

Le médecin de famille, du fait de son rôle, se retrouve dans une zone de tension entre l’employé, l’employeur, l’assurance d’indemnités journalières, l’assurance-invalidité (AI), la caisse-maladie et les instances juridiques. Il s’agit là d’un rôle aux multiples facettes. Le médecin de famille est l’«avocat» du patient, médiateur, expert et opère le lien avec les spécialistes et les personnes délivrant les certificats. En règle générale, il a également une vision d’ensemble du cas et il est souvent le premier interlocuteur des personnes atteintes de troubles psychiques qui utilisent leurs symptômes physiques comme une «porte ouverte» vers les arrêts maladie. Contrairement au psychiatre, il est aussi moins stigmatisant.
Le médecin de famille est ainsi non seulement exposé à des influences très diverses, mais aussi à des conflits. Le respect du secret professionnel, imposé par la loi, n’en est qu’une composante. L’employeur perçoit souvent cela comme un refus de communiquer, ce qui vient renforcer un éventuel conflit préexistant entre l’employeur et l’employé.
En outre, si la situation est difficile sur le lieu de travail, on peut souvent s’attendre à un licenciement au retour de l’employé, ce qui complique – voire fait obstacle à – tous les efforts de réintégration.

La mise en avant des problèmes ­physiques

Le manque d’informations relatives au milieu professionnel du patient rend l’évaluation médicale difficile. Parfois, dans les régions rurales, le médecin de famille est même ami avec le propriétaire de l’entreprise, ce qui peut être ressenti par l’employé comme pénalisant. Pour ce dernier, le seul moyen de faire évoluer cette situation difficile est souvent l’arrêt maladie justifié par des symptômes physiques, qui sont souvent mis en avant par rapport à la souffrance psychique.
Les connaissances de fond concernant les problèmes de familles ou d’autres problèmes ralentissant l’évolution de la guérison impliquent le praticien dans d’autres conflits. Le rassemblement des différents thérapeutes requiert une bonne synergie et un bon réseau, surtout en ce qui concerne le psychiatre ou le psychologue traitant le patient. Le patient souffre aussi fréquemment de problèmes physiques, qui sont souvent perçus comme plus siginificatifs que les problèmes psychiques.

Ce que le médecin doit prendre en ­considération

En principe, le médecin devrait procéder à l’anamnèse du milieu professionnel de ses patients, c’est-à-dire s’informer précisément au sujet de leur activité et de leur condition mentale. La condition mentale doit faire l’objet de questions répétées. Ainsi, les tensions et problèmes sont identifiables plus tôt et d’éventuels jalons peuvent ainsi être posés à temps. Le médecin peut conseiller l’entreprise si tel est le souhait du patient.
Les examens ou investigations souhaités par l’employeur doivent être réalisés avec l’accord du patient et leur coût doit être pris en charge par l’employeur, et non par la caisse-maladie. Il convient ici de veiller à ce que le médecin de famille ne se retrouve pas dans un conflit de loyauté vis-à-vis du patient.
Des tables rondes incluant l’employé, l’employeur, les assurances sociales et d’indemnités journalières et les médecins traitants ainsi que les psychologues devraient être organisées et financées. Elles favorisent la communication entre le médecin de famille et l’employeur, et donc avec le patient.
Toutefois: Une réintégration bien planifiée et réglementée est vouée à l’échec si des tensions interpersonnelles existant sur le lieu de travail ne sont pas décelées et combattues.
Dr. med. Alexander Minzer
Facharzt FMH für Allgemeine Innere Medizin, Psychosomatische und Psychosoziale Medizin SAPPM, Präsident ­Schweizerische Akademie für Psychosomatische und Psychosoziale Medizin
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Alexander.Minzer[at]hin.ch