Défi et solutions possibles

Le patient multimorbide - défi et solutions possibles

Editorial
Édition
2018/06
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2018.01690
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2018;18(06):93

Affiliations
Rédacteur en chef; responsable Chronic Care, Institut für Hausarztmedizin, Zurich; Médecin de famille à Zoug

Publié le 21.03.2018

Chère lectrice, cher lecteur,
La multimorbidité est un problème médical qui prend de l’ampleur et représente un défi pour le système de santé et la société. La Société Suisse de Médecine Interne Générale (SSMIG) s’en est saisie et a organisé un symposium à ce sujet fin 2017. Dans numéro spécial, Primary and Hospital Care aborde ce thème sous différents angles, pour ainsi dire de façon interprofessionnelle: ­y sont exposés les points de vue d’un médecin de famille, d’un gériatre et d’une spécialiste en sciences infirmières.
Les patients multimorbides sont de plus en plus fréquents: l’espérance de vie augmente à la faveur du progrès de la médecine et de la prospérité. Les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses et avec la vieillesse, les maladies s’accumulent. Au cabinet du médecin de famille, un cinquième des patients âgés de 70 ans est atteint de trois maladies ou plus; cette proportion s’élève à un sur dix dans la population générale. A partir de 80 ans ce sont presque un tiers des patients du médecin de famille et un cinquième des habitants qui sont dans cette situation [1]. Toutefois, le nombre élevé de maladies par patient n’est pas le seul problème. Pensez aux nombreuses interactions des maladies entre elles, aux conflits apparaissant dans le cadre du traitement et à cette complexité presque insaisissable.
Les patients multimorbides décèdent plus précocement, surtout lorsqu’ils reçoivent peu de soutien social. A l’échelle du système de santé, les patients multimorbides sollicitent plus fortement les institutions de santé ambulatoires et stationnaires que le patient moyen, ils sont plus souvent hospitalisés, reçoivent une polypharmacie et génèrent plus de frais. Ils représentent un défi pour notre système de santé, qui est certes considéré comme performant mais reste l’un des plus chers à l’international. La demande de modèles de soins intégrés permettant de prendre en charge les patients multimorbides de façon plus efficace (et donc plus rentable) se fait entendre.
Souvent, la perspective du patient lui-même est oubliée. Le patient multimorbide typique est de sexe ­féminin, âgé, peu mobile voire infirme, limité par ses maladies sur le plan fonctionnel et en permanence accaparé par le traitement de ses affections. Il est accablé par la douleur, abattu, débordé et esseulé. Entre les ­praticiens, il s’agit d’un patient difficile et chronophage pendant les heures de consultation. Malgré tout, ou plutôt a fortiori, il mérite une attention particulière et une prise en charge «familière» (medical home) parmi cette offre de soin au demeurant fractionnée.
Au vu de nos ressources personnelles et temporelles limitées, pouvons-nous nous le permettre? Oui, si nous concevons la prise en charge de façon interprofessionnelle: en tant qu’équipe dans laquelle ce n’est pas seulement le savoir-faire purement médical ou lié aux soins qui est déterminant, mais également le soutien social et organisationnel. Et n’oublions pas les aidants issus de la famille et du cercle d’amis du patient, qui méritent une reconnaissance et un soutien particuliers. Les prestataires de services, les organismes payeurs et les politiques sont maintenant dans l’obligation de ­développer, tester et financer des modèles de prise en charge interprofessionnelle innovants pour les patients multimorbides! Le temps presse, car nous voulons éviter une prise en charge insuffisante de ces ­patients particulièrement vulnérables.
Dr. med. Stefan Neuner-Jehle
MPH, Institut für ­Hausarztmedizin
Pestalozzistrasse 24
CH-8091 Zürich
sneuner[at]bluewin.ch
1 Données issues de la banque de données de médecine de premier recours FIRE (2017) et de l’Observatoire suisse de la santé Obsan (2013).