Prendre du temps pour les personnes malades et sa propre santé
Journée des malades 2018

Prendre du temps pour les personnes malades et sa propre santé

Offizielle Mitteilungen
Édition
2018/04
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2018.01712
Prim Hosp Care (fr). 2018;18(04):60-61

Affiliations
Membre du comité mfe

Publié le 21.02.2018

Coup de téléphone mercredi matin à 8h30. Madame A. me demande de passer chez elle pour établir le certificat de décès de son mari. Je fais 30 km pour arriver au village où elle habite. «Hier après-midi encore, il était assis dans l’encadrement de la porte et observait le gibier sur le versant. Puis il a soudainement poussé un grand soupir et s’est effondré. J’ai pensé qu’il s’agissait d’un accident vasculaire cérébral. Il ne réagissait plus. La voisine m’a ensuite aidée à le coucher sur le canapé. Je me suis assise à côté de lui et j’ai tenu sa main. Il ne s’est plus réveillé. Je n’ai appelé personne, pas de médecin, personne qui aurait peut-être pu l’emmener à l’hôpital. Je savais qu’il ne le voulait pas. Il est mort dans la nuit, vers 1 heure.»
Monsieur A. était très âgé et dément depuis longtemps. Sa femme, encore robuste, s’occupait de lui. Pendant les 7 mois où j’ai travaillé à Meiringen, je ne l’ai vu en consultation qu’une seule fois. C’était un vieil homme aimable qui n’avait guère besoin d’un médecin, mais seulement de soins, de quelqu’un qui veille sur lui! Sa femme était là pour lui à toute heure du jour et de la nuit. En cas de besoin, la voisine l’aidait, et le service d’Aide et soins à domicile passait quelques jours dans la semaine.

Une bonne relation avec le patient ­constitue la base

Un cas typique pour ce village de montagne. Par chance, il avait encore sa femme, et un fils qui habitait le même village et pouvait le conduire chez le docteur lorsque cela était nécessaire. Les autres habitants du village n’ont pas d’enfants sur place, et sont trop âgés pour réellement s’aider les uns les autres. Il s’écoule souvent très longtemps avant que quelqu’un ne s’aperçoive que cela va de mal en pis. Les voisins, les amis, la famille éloignée ou le médecin de famille observent peut-être un délabrement croissant dans la maison et sentent que l’hygiène corporelle a été négligée. Mais face à cela, ils sont tous impuissants. Le sentiment de honte s’étend. Comment aborder la chose sans blesser mon interlocuteur? Je note à quel point il est essentiel d’établir au préalable une bonne relation avec mes patients, une relation qui puisse résister à ces moments pénibles. Une relation où il est clair que l’on n’a pas besoin d’éprouver de honte face à moi et que mon respect reste inaltéré. Le respect existe toujours, même lorsque le patient perd le contact avec la réalité et que l’estime de soi se perd. L’«autodétermination», tant voulue, devient toutefois difficile. Si, pendant la consultation, je parle à un patient des signes d’un laisser-aller croissant, tels que vêtements sales ou odeur corporelle, cela déclenche non seulement un sentiment de honte mais aussi la peur de perdre l’autonomie. Dans ces situations, il est difficile d’accepter une aide étrangère. C’est pourquoi de nombreuses personnes pensent que la famille devrait être là pour elles. Mais nombre de nos personnes âgées n’ont personne à proximité, ou bien les jeunes sont déjà trop occupés par leur travail et leurs propres enfants. Dans ce type de cas, nous avons une très bonne offre d’aide aux soins et au ménage grâce au service d’Aide et soins à domicile.

Quand cela ne va plus: prendre du recul

Pour ce qui est de son mari, Madame B. avait fait une moins bonne pioche que Madame A. Depuis longtemps déjà, leur mariage n’allait plus. Il la tourmentait comme il le pouvait. Et pour cela, elle le haïssait. Mais il n’était pas question de séparation. Elle faisait le ménage pour lui, car elle ne pouvait s’imaginer autre chose. Conscience du devoir. Promesse de mariage. Ils faisaient chambre à part depuis longtemps. La journée, il était assis au salon. Comme elle ne pouvait pas supporter d’être dans la même pièce que lui, elle était à la cuisine, ou dans le jardin. Et cela lui a valu d’avoir les plus belles têtes de salade de la vallée. Mais les hivers étaient difficiles. Et longs. Le service d’Aide et soins à domicile prenait en charge autant de soins qu’il était possible. Mais quelqu’un devait être là 24h/24. Préparer les repas, faire la vaisselle, maintenir le logement propre et aider le vieil homme à aller aux toilettes plusieurs fois par jour et pendant la nuit… Elle était cette personne! Jusqu’à ce que cela n’aille plus, qu’elle veuille mettre fin à tout cela, qu’elle veuille s’ôter ou lui ôter la vie. Sa fille, qui vit dans l’Unterland, a promptement fait le déplacement après un coup de téléphone de sa mère et l’a emmenée en urgence en consultation à mon cabinet. Nous avons décidé ensemble qu’elle devait couper court à cette situation sur le champ. Elle a accepté d’être admise à la clinique psychiatrique pour prendre du recul et traiter en même temps sa dépression. Pendant les 4 semaines de son séjour, elle s’est véritablement épanouie. Sa bonne humeur et sa créativité ont refait surface. Elle a noué de nouvelles amitiés partout. Pour lui, la situation s’est décompensée. Tout seul, il n’y arrivait pas. Il a dû entrer en établissement médico-social. Lorsqu’elle est rentrée chez elle, dans cette maison vide, elle s’est sentie vide elle aussi. Elle a tout d’abord dû apprendre à trouver ses repères au quotidien. Par chance, nous avons un service psychiatrique d’Aide et soins à domicile, qui lui rendait visite régulièrement. Entre-temps, son mari est décédé à l’établissement médico-social. Elle est encore tiraillée entre un sentiment de libération et une mauvaise conscience. Le jardinage et les nouvelles amitiés qu’elle a nouées l’aident à surmonter cette épreuve.
Les soins à domicile, c’est ce que la plupart des personnes souhaitent pour elles-mêmes. C’est chez soi que l’on se sent le mieux, et la vie dans une institution est en outre plus coûteuse. Mais ces soins peuvent consommer l’énergie de celui qui les prodigue. Les soins consacrés à une personne vivant sous le même toit, impliquant une présence continuelle et d’innombrables services de plus ou moins grande ampleur dispensés 24 h/24, 7j/7, sont particulièrement accablants et épuisants. Même lorsque l’on aime ses proches, ce qui n’était pas donné à Madame B., l’épuisement causé par les soins continuels peut ronger cet amour. Les ­services d’aide et les cliniques de jour constituent des offres permettant de remédier à cette condition. Mais les voisins, les paroisses ainsi que chaque volontaire peuvent également être d’une grande aide. Soyons-en conscients et soutenons les proches prodiguant des soins!

mfe soutient la Journée des malades 2018 en tant que membre de l’association

Le 4 mars 2018, à l’occasion de la «Journée des malades», des manifestions et actions seront conduites dans toute la Suisse. Avec la devise «Prendre le temps: pour toi, pour moi, pour nous», l’association souhaite en 2018 inviter la population à prendre du temps, non seulement du temps pour les personnes malades et handicapées, mais aussi du temps pour sa propre santé. Dans le quotidien professionnel et privé, cela relève souvent du défi. Dans le même temps, l’engagement de tous ceux qui prennent régulièrement du temps pour le soin et l’assistance des autres doit être apprécié à sa juste valeur. Sans eux, de nombreuses personnes malades et handicapées ne pourraient pas rester chez elles.
Derrière la Journée des malades se cache l’association du même nom, qui souhaite sensibiliser la population une fois par an à un thème particulier du domaine «santé et maladie».
Les intéressés peuvent voir quelles activités auront lieu où et quand sous la rubrique «Manifestations» du site internet. L’inscription de vos propres activités s’effectue également sur le site: www.tagderkranken.ch
Sandra Hügli-Jost
Responsable communication, mfe – Médecins de famille et de l’enfance ­Suisse,
Secrétariat général
Effingerstrasse 2
CH-3011 Berne
Sandra.Huegli[at]hausaerzteschweiz.ch