
Enseigner et rechercher
Une proportion grandissante
L’attrait de la Suisse pour les médecins étrangers
Étudiant-e-s en troisième année bachelor de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne
Introduction
En Suisse, une proportion grandissante de médecins sont détenteurs d’un diplôme décerné à l’étranger. Ainsi, ils représentaient 27,6% des médecins en pratique ambulatoire en 2016 [1]. La venue de ces médecins en Suisse résulte d’un équilibre entre des facteurs incitateurs, qui les attirent, et inhibiteurs, qui font barrière à leur venue. Nous nous sommes donc intéressés à ces différents facteurs dans le cas de l’arrivée d’un médecin de premier recours étranger en Suisse.
Méthodes
Pour ce travail, nous avons considéré comme médecin étranger tout médecin ayant un diplôme de formation de base obtenu à l’étranger. De plus, nous nous sommes uniquement intéressés aux médecins de premier recours installés en cabinet. Nous avons effectué une recherche de la littérature afin d’identifier les facteurs influençant la venue de médecins en Suisse et nous nous sommes intéressés aux formalités administratives nécessaires.
Ensuite, nous avons conduit des entretiens semi-dirigés avec des personnes sélectionnées de la manière suivante: quatre médecins de premier recours étrangers installés à Lausanne ayant fait reconnaître leur diplôme après 2000 (de façon à avoir des données relativement récentes), un représentant de l’Institut suisse de la formation médicale postgraduée et continue (ISFM), un représentant de la Société vaudoise de médecine (SVM) et le médecin cantonal vaudois. L’identification des médecins étrangers a été faite grâce au registre en ligne de la Commission des professions médicales (MEBEKO) [2]. Nous avons également sollicité une des sociétés privées active dans la venue de médecins étrangers en Suisse, mais celle-ci n’a pas souhaité s’exprimer sur son activité.
Résultats
Selon notre recherche de littérature, les facteurs favorisant l’immigration de médecins sont: la qualité de vie élevée, la rémunération plus importante, la haute qualité de la médecine, la sécurité du pays, la demande de soins et les opportunités d’emploi [3]. Parmi les obstacles possibles, on retrouve principalement la reconnaissance du diplôme de médecin par la Commission des professions médicales, qui est uniquement facilitée pour les médecins formés en Europe en raison des accords bilatéraux. Le titre post-gradué est quant à lui délivré par l’Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue (ISFM). L’Office du médecin cantonal octroie ensuite l’autorisation de pratiquer et de facturer.
Nous nous sommes entretenus avec quatre médecins, tous diplômés en France et arrivés en Suisse après l’an 2000, la plupart ayant été recrutés activement par différentes sociétés privées. Tous les médecins s’accordaient à dire que l’organisation du système de santé et de la pratique est très différente en Suisse par rapport à leur pays d’origine, alors que les connaissances médicales sont les mêmes du fait de l’uniformisation de la médecine via la littérature scientifique. Pour eux, le système de santé suisse est intéressant de par la rémunération, le remboursement par les assurances maladie et les possibilités d’examens complémentaires en cabinet, notamment pour certaines analyses de laboratoire. Pour ce qui est du cadre de vie et de l’exercice de la profession, la sécurité, le pouvoir d’achat élevé et la relation avec les patients, favorisée par la rémunération des consultations au temps plutôt qu’à l’acte, nous ont été mentionnés comme constituant des facteurs attractifs. Les facteurs personnels cités étaient surtout des raisons familiales.
Selon les représentants des différentes instances suisses, l’explication principale de la venue des médecins étrangers est celle de la rémunération. La qualité de vie ainsi que l’organisation du système de santé sont également citées. Concernant les barrières, la reconnaissance du diplôme peut être très difficile à obtenir si la personne a étudié dans un pays hors UE/AELE (Union européenne/Association européenne de libre-échange). La langue peut être à la fois un obstacle et un aspect facilitateur puisque la Suisse est plurilingue.
Discussion
Les facteurs incitatifs mentionnés dans nos résultats montrent que la Suisse est un pays attrayant pour les médecins étrangers, ce qui est confirmé par la proportion importante qu’ils représentent actuellement. Cependant, nos résultats sont limités par le fait que seuls 4 médecins sur les 50 que nous avons contactés aient souhaité répondre à nos questions, ainsi que par la présence d’une seule nationalité dans notre échantillon. De plus, la littérature spécifique à la Suisse abordant cette thématique était très limitée, montrant un besoin de recherche sur ce sujet. En investiguant cette question, on découvre que cette immigration engendre aussi d’autres problèmes qui sont la dépendance dans laquelle elle place la Suisse vis-à-vis des politiques de gestion des ressources humaines des pays d’émigration [4], ainsi que le vol de cerveaux [3].
Remerciements
Nous tenons à remercier notre tutrice, Yolanda Müller, ainsi que toutes les personnes ayant accepté de nous accorder un entretien.
Crédits
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Adresse de correspondance
Dr phil. Jacques Gaume
Responsable de recherche
Coordinateur du module
B3.6 – Immersion
communautaire
Département universitaire
de médecine et santé communautaires
CHUV
Avenue de Beaumont 21 bis
Bâtiment P2
CH-1011 Lausanne
Jacques.Gaume[at]chuv.ch
Références
1 Hostettler S, Kraft E. Statistique médicale 2016 de la FMH. Bulletin des médecins suisses, 98(13):394–400, 2017.
2 Office fédéral de la santé publique. Registre des professions médicales - Medregom (Internet). Disponible: https://www.medregom.admin.ch/fr
3 Martineau T, Decker K, Bundred P. Briefing note on international migration of health professionals: levelling the playing field for developing country health systems. Liverpool: Liverpool School of Tropical Medicine. 2002.
4 Jaccard Ruedin H, Widmer M. L’immigration du personnel de santé vers la Suisse. Neuchatel : Observatoire suisse de la santé. 2010
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Module d’immersion communautaire de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL
Pendant 4 semaines, les étudiant-e-s en médecine de 3ème année de l’UNIL mènent une recherche dans la communauté sur le sujet de leur choix. L’objectif de ce module est de faire découvrir aux futur-e-s médecins les déterminants non-biomédicaux de la santé, de la maladie et de l’exercice de la médecine: les styles de vie, les facteurs psychosociaux et culturels, l’environnement, les décisions politiques, les contraintes économiques, les questions éthiques, etc. Par groupes de 5, les étudiant-e-s commencent par définir une question de recherche originale et en explorent la littérature scientifique. Leur travail de recherche les amène à entrer en contact avec le réseau d’acteurs de la communauté concernés, professionnel-le-s ou associations de patient-e-s dont ils analysent les rôles et influences respectives. Chaque groupe est accompagné par un tuteur ou une tutrice enseignant à la Faculté de biologie et de médecine de UNIL. Les étudiant-e-s présentent la synthèse de leurs travaux pendant un congrès de deux jours à la fin de module. Six travaux sont des travaux interprofessionnels réalisés avec des étudiant-e-s infirmier-e-s de la Haute école de la santé La Source, dont deux voient aussi la collaboration d’étudiant-e-s en anthropologie de la Faculté des sciences sociales et politiques, avec le soutien financier de la Direction générale de l’enseignement supérieur du Canton de Vaud. Quatre travaux parmi les plus remarquables sont choisis pour être publiés dans Primary and Hospital Care.
Module dirigé par Pr. Jean-Bernard Daeppen (responsable), Dr Jacques Gaume (coordinateur), Pr. Patrick Bodenmann, Pr. Bernard Burnand, Dre Aude Fauvel, Mme Sophie Paroz, Dr Daniel Widmer et Pr. Madeleine Baumann (HEdS La Source).