Quelle prise en charge?

Cancer du poumon chez les personnes âgées en Chine

Lehren und Forschen
Édition
2018/09
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2018.01742
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2018;18(09):154-155

Affiliations
a Étudiant-e-s en troisième année bachelor de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne;
b Étudiantes en troisième année bachelor de la Haute école de santé La Source, Lausanne.

Publié le 09.05.2018

Introduction

Le cancer du poumon est la première cause de décès sur le plan mondial; actuellement le plus grand nombre de nouveaux cas sont diagnostiqués en Chine [1]. L’incidence du cancer du poumon y est particulièrement importante chez les personnes de plus de 65 ans [1, 2]. Lors de cancer du poumon, la médecine traditionnelle chinoise (MTC) est souvent proposée en association à la médecine occidentale (MO) [3, 4]. À travers notre étude, nous avons souhaité identifier les principaux facteurs influençant le choix du traitement, ainsi que déterminer la place du patient et de la famille dans la décision thérapeutique.

Méthode

Nous avons réalisé une étude qualitative, en menant des entretiens semi-structurés auprès de professionnels de la santé et d’étudiants universitaires à Wuxi (Chine). Les participants ont été sélectionnés par nos partenaires de la faculté de médecine de l’Université de Jiangnan: 2 directeurs d’établissements médicaux, 14 médecins (7 oncologues, 2 pneumologues, 3 MTC, 1 neurologue, 1 généraliste), 6 infirmières, 1 pharmacien, 1 thérapeute en réhabilitation et 6 étudiants en soins infirmiers et en pharmacie). Les entretiens ont été réalisés individuellement (n = 18) ou en «groupes naturels» (n = 5; 4 groupes de 2 et 1 groupe de 4) dans un hôpital communautaire, une pharmacie et des hôpitaux MTC (n = 3) et conventionnel (n = 1). Les questions, élaborées en anglais, ont été traduites en mandarin par des étudiantes infirmières locales. Les données récoltées ont été classées par thèmes dans une grille d’analyse.

Résultats

A Wuxi, la famille occupe une place cruciale dans la prise en charge des personnes âgées. Le diagnostic du cancer du poumon est initialement communiqué par les médecins aux proches directs et non pas au patient (fig. 1). Il est de règle que la famille ne révèle pas la nature exacte de la maladie à leur parent âgé. Ces mensonges bienveillants («white lies») sont légitimés par l’équipe soignante et la famille du patient, et c’est en partenariat qu’ils finalisent le choix du traitement. Le plus souvent, il s’agit de combiner la MO et la MTC.
Figure 1: Décision thérapeutique.
Parmi les facteurs déterminants influençant le choix du traitement des personnes âgées atteintes d’un cancer du poumon, nous avons relevé le type de spécialisation des professionnels de santé, le contexte culturel, les propriétés inhérentes du traitement, ainsi que les caractéristiques biopsychosociales du patient telles que sa fragilité, ses comorbidités et le stade du cancer.

Discussion

Il ressort de nos entretiens que les professionnels de la santé s’accordent à combiner la MO et la MTC. Il s’agit de maximiser l’efficacité thérapeutique tout en diminuant le niveau de stress induit par la maladie. Nos résultats soutiennent les arguments publiés dans la littérature: la majorité des patients ont recours à la MTC lors d’un traitement oncologique de MO [3]. Le cancer du poumon à un stade avancé contre-indique le recours à une chirurgie radicale [1, 2, 4]. L’emploi parallèle de la MTC vise à maintenir la meilleure qualité de vie possible pour le patient.
Le bien-être mental du patient est un élément primordial pour la famille et l’équipe soignante. Ces derniers vont employer des «white lies» car ils désirent que le patient ait une image vague de sa situation. La philosophie de la MTC stipule en effet que les émotions négatives accélèrent l’affaiblissement immunitaire du patient et diminuent l’espérance et la qualité de vie [3]. Notons cependant que les personnes interviewées avouaient également vouloir adopter une plus grande transparence vis-à-vis des patients. Il serait donc intéressant d’investiguer le point de vue de ces derniers.
Notre étude comporte deux limitations majeures. D’une part, la majorité des hôpitaux que nous avons visités étaient des hôpitaux MTC. D’autre part, certaines informations ont pu être mal interprétées ou perdues du fait de la barrière linguistique.
Direction générale de l’enseignement supérieur du Canton de Vaud, Haute école de la santé La Source, Université de Lausanne, Dr Gaume & M. Kampel, Prof. Baumann & Mme Righetti, Prof. Yuyu & Prof. Shao Jing, ainsi que nos traductrices.
Dr. phil. Jacques Gaume
Responsable de recherche
Coordinateur du module B3.6 – Immersion ­communautaire
Département universitaire de médecine et santé ­communautaires CHUV
Avenue de Beaumont 21 bis, Bâtiment P2
CH-1011 Lausanne
Jacques.Gaume[at]chuv.ch
1 Hong QY, Wu GM, Qian GS, Hu CP, Zhou JY, Chen LA, et al. Prevention and Management of Lung Cancer in China. ­Cancer. 2015;121:3080–88.
2 Xu W, Towers AD, Li P, Collet J-P. Traditional Chinese medicine in cancer care: perspectives and experiences of patients and professionals in China. Eur J Cancer Care. 2006;15:397–403.
3 Zhao J. Chinese Medicine in the Treatment of Cancer: The Principle of «Restoring Equilibrium through Fine-tuning». Wuxi: Carmen Poon. 2016.
4 Tang WR, Yang SH, Yu CT, Wang CC, Huang ST, Huang TH, et al. Long-Term Effectiveness of Combined Treatment with Traditional Chinese Medicine and Western Medicine on the Prognosis of Patients with Lung Cancer. J Altern Complement Med. 2016;22:212–22.