La rougeole contre-attaque: motifs et enjeux du refus vaccinal
Travail «immersion communautaire»: Comment diminuer l’incidence de la rougeole?

La rougeole contre-attaque: motifs et enjeux du refus vaccinal

Lehre
Édition
2019/06
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2019.10064
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2019;19(06):174-175

Affiliations
Étudiant-e-s en troisième année bachelor de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne

Publié le 05.06.2019

La Suisse, où la couverture vaccinale pour certaines maladies comme le tétanos est bonne, semble avoir plus de difficultés à se protéger contre la rougeole.

Introduction

Eurofoot 2008: l’OMS met en garde les voyageurs désirant se rendre en Suisse de vérifier leur immunité contre la rougeole [1].
La Suisse, où la couverture vaccinale pour certaines maladies comme le tétanos est bonne, semble avoir plus de difficultés à se protéger contre la rougeole. Entre 2014 et 2016, la moyenne nationale de la couverture était de 87% pour les enfants de moins de 2 ans avec les 2 doses recommandées [2], alors que le seuil dit de l’immunité de communauté se situe à 95% pour cette maladie [3]. Cette étude vise donc à comprendre pourquoi ce pays développé n’arrive toujours pas à se couvrir complétement contre cette infection. Notre travail a consisté à déterminer les facteurs pouvant influencer les parents dans le choix de vacciner leurs enfants, notamment en interrogeant des professionnels de la santé de 2 cantons, Vaud et Tessin, afin de tenter d’expliquer la différence de couverture contre la rougeole entre ces 2 régions: pour deux doses à 8 ans, la couverture est de 97% pour Vaud contre 92% au Tessin [2].

Méthode

L’étude a consisté en une analyse qualitative de 14 interviews semi-directifs que nous avons réalisés et des statistiques disponibles.
L’échantillon d’acteurs interrogées comprenait deux pédiatres (un de chaque canton), trois infirmières scolaires vaudoises, deux médecins scolaires tessinois, un pédiatre spécialisé en vaccinologie, un épidémiologue, un médecin généraliste critique envers la vaccination, deux socio-anthropologues, un politicien et un juriste du domaine médical. Nous n’avions pas l’autorisation d’interroger des patients ou parents dans le cadre de ce travail.

Résultats

Deux catégories de parents d’enfants non-vaccinés ont été identifiées:
– Des personnes strictement opposées qui invoquent des convictions souvent religieuses et culturelles. Ils représentent une minorité et sont difficiles à convaincre.
– Des parents d’enfants non ou partiellement vaccinés (1 dose), qui n’ont pas d’a priori négatif mais qui ne vaccinent pas leurs enfants par oubli ou négligence.
Parmi les facteurs de réticences possibles (fig. 1), l’étude suggère qu’une partie de la population suisse est moins effrayée par la rougeole que par le passé et fait moins confiance au système de santé. La quantité d’informations disponible sur internet, fiables ou non, et peu maîtrisées par le public, joue aussi un rôle. Enfin, certains professionnels de la santé sont réticents face au vaccin, ce qui peut aussi influencer le choix de parents.
Figure 1: Facteurs influençant les parents suisses dans le choix de vacciner leur enfant contre la rougeole.
Concernant la différence de couverture entre les deux cantons, notre étude montre qu’elle pourrait s’expliquer par l’existence de divergences dans l’organisation de la vaccination en milieu scolaire :
– Vaud: Les écoles organisent des vaccinations et des séances d’information pour les élèves qui sont supervisées par le médecin et l’infirmière scolaire.
– Tessin: Il n’y a ni infirmières, ni séances de vaccination dans les écoles. Le médecin scolaire joue uniquement un rôle d’informateur.

Discussion

Les résultats de l’étude nous montrent qu’une information de qualité envers la population, par les autorités et les professionnels de la santé comme le médecin de premier recours, semble être un facteur crucial pour diminuer l’incidence de la rougeole. La stratégie d’élimination 2011–2015 de la Confédération a ainsi montré son efficacité et conduit à une augmentation du taux de vaccination [4]. La mise en place de moyens de communication modernes (réseaux sociaux) et une meilleure accessibilité à la vaccination (e.g., par les pharmacies) pourraient aussi être des solutions à long terme.
La comparaison entre les cantons montre également que la vaccination en milieu scolaire peut jouer un rôle important en permettant un rattrapage vaccinal des enfants en âge scolaire.
Finalement, l’étude suggère, d’après toutes les personnes interrogées, que l’instauration d’un système de vaccination obligatoire en Suisse ne serait pas forcément souhaitable, ni assurément efficace.
Nous tenons à remercier notre tutrice la Dre A. Fauvel, le Dr P.-A. Crisinel ainsi que toutes les personnes interrogées.
Dr. med. Jacques Gaume
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV)
Avenue de Beaumont 21 bis
Bâtiment P2
CH-1011 Lausanne
Jacques.Gaume[at]chuv.ch
1 Kiefer B, Une Suisse seule et rougeoleuse, RMS, 2008
2 OFSP [En ligne]. Berne; Carte de couverture vaccinale chez les enfants et adolescents comparaison 2014-2016 et 2005-2007, 2017 [cité le 26 juin 2018].
3 Altpeter E et al., Marked increase in measles vaccination coverage among young adults in Switzerland: a campaign or cohort effect?, Int J Public Health. 2018; 63: 589–599.
4 OFSP [En ligne]. Berne; Bilan de la Stratégie d’élimination de la rougeole; 2017 [cité le 26 Juin 2018]. Disponible: https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/aktuell/news/news-22-2-2017.html.