Prévenir les erreurs médicales liées à la polymédication
Travail «immersion communautaire»: Quelles sont les mesures utilisées?

Prévenir les erreurs médicales liées à la polymédication

Lehre
Édition
2019/06
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2019.10065
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2019;19(06):172-173

Affiliations
Étudiant-e-s en troisième année bachelor de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne

Publié le 05.06.2019

Cette recherche avait pour but d’identifier les outils disponibles pour les ­professionnels afin de prévenir les ­erreurs médicales liées à la poly-­médication dans les établissements médico-sociaux (EMS).

Introduction

Cette recherche avait pour but d’identifier les outils disponibles pour les ­professionnels afin de prévenir les ­erreurs médicales liées à la poly-­médication dans les établissements médico-sociaux (EMS). La polymédication représente la prise quotidienne d’au moins 5 médicaments, vitamines et oligo-éléments inclus. Ce sujet représente un défi de santé publique: en effet, Helsana a publié en2017 une étude montrant qu’en Suisse, la population de plus de 65 ans consomme en moyenne 5,6 médicaments par jour et les patients en EMS 9,3 médicaments [1]. De plus, l’enquête menée par la fondation Sécurité des patients a mis en évidence qu’en un mois, 4,9% des EMS interrogés ont vécu l’hospitalisation d’un de leurs résidents éventuellement consécutive aux effets secondaires de ses médicaments [2].

Méthode

Nous avons réalisé une étude qualitative durant laquelle nous avons rencontré différents acteurs de Suisse romande impliqués dans le circuit des médicaments en EMS: une collaboratrice scientifique de la fondation Sécurité des patients, un gériatre responsable d’un EMS, un pharmacologue, le pharmacien chef d’une polyclinique médicale universitaire, deux pharmaciennes répondantes d’EMS, une infirmière cheffe d’EMS et le vice-directeur médical d’un hôpital universitaire. Nous avons procédé à des entretiens semi-structurés construits autour des thèmes identifiés à partir d’une revue de littérature scientifique. Ces entretiens ont été enregistrés, puis transcrits et synthétisés.

Résultats

Notre étude nous a permis d’identifier plusieurs étapes critiques: la prescription, la préparation et la délivrance du médicament.
Tout d’abord, les principaux dangers de la prescription proviennent des risques d’interactions entre certains médicaments et des médicaments potentiellement inappropriés pour la personne âgée. Pour ceux-ci, différentes listes de recommandations peuvent être utilisées, mais sont à considérer au cas par cas. Un autre outil utile à la prescription est le développement de cercles de qualité, obligatoires dans les EMS vaudois. Ils impliquent des rencontres entre le médecin répondant, le pharmacien responsable et l’infirmier chef de l’EMS, ayant pour but la revue systématique de tous les traitements en cours.
Concernant la préparation, le pharmacien responsable doit fournir et contrôler les commandes. Cependant, en cas d’effets secondaires imprévus ou de traitements compliqués, le pharmacologue, en sa qualité d’expert, sera contacté.
La délivrance représente une étape décisive car irréversible. Il existe des mesures simples contre d’éventuelles erreurs, telles que le stockage de la commande dans des casiers individuels verrouillés, l’étiquetage distinct des médicaments d’apparence similaire, les patients avec des noms de famille à consonance proche placés dans des chambres différentes, ou l’accès restreint aux hautes doses.
Pour finir, la communication entre les intervenants est déterminante. A l’arrivée d’un nouveau résident, «une table ronde» est organisée afin de mettre en place un plan d’accompagnement personnalisé. En outre, la loi votée en 2017 rend l’introduction d’un dossier électronique obligatoire dans les établissements de soins afin de centraliser les données médicales. Chaque intervenant dispose d’une aide informatisée pour améliorer la prise en charge (tab. 1) [3–4].

Discussion

Les chiffres d’Helsana montrent que les patients en EMS ont une quantité importante de médicaments, qui s’explique notamment par la polymorbidité des ­résidents, la comptabilisation des médicaments en libre-service et le fait qu’un nouveau patient sur deux vient directement de l’hôpital. Ce travail démontre que plusieurs outils ont déjà été mis en place pour la prévention d’éventuelles erreurs liées à la polymédication, mais que des améliorations restent à faire. En effet, suite à nos entretiens, plusieurs solutions semblent envisageables: des formations continues sur les effets indésirables des médicaments, une sensibilisation à la liste des médicaments potentiellement inappropriés, des prescriptions à durée prédéterminée, une amélioration et une homogénéisation des logiciels, un perfectionnement de la communication ou encore une facilitation de la déprescription.
Nous tenons à remercier tous les participants pour leur investissement et leurs informations, et également notre tutrice, la Dre Myriam Bickle Graz, pour son attentive supervision.
Dr. med. Jacques Gaume
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV)
Avenue de Beaumont 21 bis
Bâtiment P2
CH-1011 Lausanne
Jacques.Gaume[at]chuv.ch
1 Helsana. Rapport d’enquête sur les médicaments: Helsana-Arzneimittelreport für die Schweiz 2017. Rapport final. 2017.
2 Fondation Sécurité des patients. Rapport de données: progress! La sécurité de la médication en EMS. Rapport intermédiaire. 2018
3 Garcia-Caballero TM, Lojo J2, Menéndez C3, Fernández-Álvarez R3, Mateos R4, Garcia-Caballero A4. Polimedication: applicability of a computer tool to reduce polypharmacy in nursing homes. Cambridge University Press. 2018;30:1001–1008.
4 Wagner LM, Harkness K, Hébert PC, Gallargher TH. Nurses’ disclosure of error scenarios in nursing homes. Nursing Outlook. 2013;61:43–50.