Intuition
Skill Training 10

Intuition

Arbeitsalltag
Édition
2020/11
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2020.10230
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2020;20(11):359-360

Affiliations
FMH en médecine interne générale, spécialiste en médecine psychosomatique SAPPM, Senior Editor PHC

Publié le 03.11.2020

Le manque de confiance en soi, l’incertitude et la difficulté ou même la peur de prendre des décisions ainsi que la pression excessive que génèrent des situations complexes sont un fardeau pour de nombreuses personnes à notre époque où tout va tellement vite.

L’intervention

«Votre système nerveux autonome peut être comparé à un ordinateur capable d’analyser vos expériences de votre vie en un clin d’œil - et bien plus rapidement que vous ne l’imaginez (par analogie avec les décisions très complexes pour lesquelles les ordinateurs sont utilisés aujourd’hui). Cela signifie – et c’est la bonne nouvelle –que vous pouvez réellement compter sur vos réactions végétatives et intuitives. Votre intuition n’est donc pas aléatoire, mais a sa source dans toute la richesse de vos expériences de vie.

L’indication

Le manque de confiance en soi, l’incertitude et la difficulté ou même la peur de prendre des décisions ainsi que la pression excessive que génèrent des situations complexes sont un fardeau pour de nombreuses personnes à notre époque où tout va tellement vite. Cela se traduit sur le plan somatique par toutes sortes de troubles fonctionnels et psychologiquement par un épuisement rapide, une humeur dépressive qui peut conduire au burnout. Les techniques d’entraînement de l’attention, de relaxation ou de méditation peuvent être utiles en pareilles circonstances, mais elles nécessitent de la pratique et n’ont donc pas une efficacité immédiate. En revanche j’ai pu expérimenter la très grande utilité d’un important courant de pensée dont la mise en pratique contribue immédiatement à accroître la confiance en soi et à renforcer son moi de manière créative.

La théorie

En tant que médecins généralistes, nous sommes habitués à accepter l’incertitude dans le cadre de notre travail. Ainsi, nous devons bien accepter - parfois douloureusement - que malgré la Evidence Based Medecine, il y a encore bien des incertitudes tant dans le diagnostic que dans la thérapie, et nous avons dû apprendre à les gérer de manière créative. Dans son article «La gestion de l’incertitude dans le quotidien de la médecine de ­famille» publié dans ce journal, A. Rohrbasser décrit très bien la situation [1]. Mais comment réagir face à des patients qui n’ont pas confiance dans leurs décisions, qui doutent constamment de ce qui est bien ou mal, pour qui chaque décision est une souffrance et qui ont le sentiment que chaque pas, dans quelque direction que ce soit, n’est le fait que du hasard et ne découle pas de leur propre volonté?
Dans l’étude de cas ci-dessous, je vais montrer quel étonnement et quelle libération cela a représenté pour mon patient de réaliser que son intuition, ses solutions immédiates et spontanées ne sont pas juste aléatoires et aveugles, mais résultent de tout une richesse personnelle, celle d’expériences accumulées d’elles-mêmes tout au long de sa vie. Notre soi-disant intuition n’est pas une girouette pointant au hasard et sans but dans une direction ou une autre, mais elle est le produit d’une mise en parallèle ultra-rapide d’expériences passées similaires. Avoir confiance en son intuition fait soudain éprouver au patient ses décisions comme «faites maison», rattachées à des vécus, singulières et personnelles et non pas aléatoires ou obéissant à des déterminismes extérieurs. Cela lui permet de se réapproprier son intuition, de s’éprouver sujet de son initiative pour prendre la direction librement choisie. Cela augmente sa confiance en lui, la force de son moi et donc son aptitude à prendre des décisions.

L’histoire

Un ingénieur de 35 ans qui voyage dans toute l’Europe souffre de la crainte de mettre d’autres personnes en danger. Il risquerait de heurter accidentellement quelqu’un en traversant un pont, en croisant une personne sur un bout de trottoir rétréci, ou même d’infecter quelqu’un par un germe pathogène – dont il redoute d’être porteur – en serrant sa main ou à l’occasion d’un partage de service de table ou de serviette. Ce à quoi personne ne pense, lui il s’en préoccupe massivement et ceci à longueur de temps. Il ne peut faire confiance ni à ses mouvements spontanés ni à ses pensées. Il vit tous ses mouvements comme une menace, une réaction aléatoire instantanée et imprévisible ou une réponse à un déterminisme extérieur. Jusqu’à présent, il est encore maître de ses sens, mais éprouve très vite un sentiment de confusion et de surmenage.
Mais un jour, il arrive à la séance de thérapie avec une intuition et il est plein de confiance en lui. Il aurait «lu» en rêve que son intuition n’est pas un simple sentiment aléatoire, mais qu’elle est basée sur ses propres expériences que son système nerveux autonome peut mettre à sa disposition sous une forme condensée, ­capable de le protéger du danger. Cette révélation le rassure beaucoup et débouche sur des possibilités ­inattendues de faire confiance et de s’appuyer sur son corps et ses décisions. Ce fut là une expérience clé qui a changé sa vie.

L’exercice

D’une part: Écoutez attentivement lorsque les patients vous parlent spontanément de ce que leurs rêves leur inspirent! Je ne veux pas dire que vous avez à entrer dans tous les scénarios oniriques, mais les rêves ne sont pas réservés aux psychothérapeutes! Utilisez le thème du rêve s’il semble pointer dans la direction dans laquelle vous travaillez avec votre patient. Freud appelait déjà les rêves la «via regia», que l’on peut traduire par la «voie royale», la clé qui, dans la vie psychique, peut ouvrir la porte de l’inconscient. N’hésitez pas à y aller lorsque l’inconscient de vos patients se confie à vous.
D’autre part: Interrogez les patients peu sûrs d’eux et demandez-leur dans quelle mesure ils font confiance à leur propre intuition, s’ils l’utilisent pour améliorer l’image qu’ils ont d’eux-mêmes ou, au contraire, s’ils la trouvent déconcertante. Si votre patient s’y montre réceptif, la référence à sa propre expérience de vie peut faire beaucoup pour l’aider et conduire à plus de stabilité et de confiance en lui. Tentez cela avec un ou deux patients. Faites vos propres expériences!

Skill Training

Avec la série Skill Training de Primary and Hospital Care, nous souhaitons présenter des aides à la ­communication simples, destinées au quotidien, sur lesquelles peut s’appuyer tout médecin de famille pour suivre de plus près l’axe psychosomatique-­psychosocial pendant la consultation. Vous êtes ­invités à laisser vos réactions et vos questions dans la fonction commentaire, située sous le texte, de la version en ligne de l’article, à l’adresse primary-­hospital-care.ch.
Une première série Skill Training a déjà été publiée en 2014. Vous pouvez la retrouver dans nos archives (primary-hospital-care.ch/fr/archives) en tapant le nom complet de l’auteur, Pierre Loeb et «skill», dans la barre de recherche.
Nous remercions François Thioly pour la traduction de cet ­article en français.
Dr. med. Pierre Loeb
Facharzt für Allgemeine Innere Medizin FMH,
spez. Psycho­somatische Medizin SAPPM
Winkelriedplatz 4
CH-4053 Basel
loeb[at]hin.ch
1 Rohrbasser A. La gestion de l’incertitude dans le quotidien de la médecine de famille. Prim Hosp Care (fr). 2018;18(05):82–4.