Back to the future?

Editorial
Édition
2022/10
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2022.10559
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2022;22(10):292

Publié le 05.10.2022

Il y a des évènements qui sont intimement liés à certaines périodes: les semailles, les récoltes, la chasse aux œufs de Pâques, le déballage des cadeaux de Noël ou, justement, les lamentations de santésuisse sur l’évolution des primes et des coûts avant la fixation des primes d’assurance-maladie pour l’année prochaine. Il en va de même en 2022. Pile aux premiers jours de l’automne, on entend les jérémiades sur la hausse indicible des coûts, surtout pour pouvoir justifier les revendications de primes encore plus élevées. Le fait que santésuisse agisse cette année de manière encore plus négligée que d’habitude est peut-être aussi symptomatique. D’une part, il y a les chiffres: les coûts de l’assurance obligatoire des soins (AOS) ont augmenté de 6,4%, dit-on. Et les primes devraient donc être plus élevées de 10%. Seulement, si nous regardons les chiffres du Monitoring de l’évolution des coûts de l’assurance-maladie (MOKKE), générés à partir des décomptes des caisses d’assurance-maladie, nous n’obtenons que 4,5% d’augmentation des coûts de l’AOS. Comme souvent, les chiffres ne sont pas absolus et univoques, et l’on prend volontiers ceux qui cadrent avec le concept politique du moment.
Quelles sont donc les conséquences de ces revendications d’augmentation des primes de 10%? Cela a pour principal effet d’attiser les peurs, et ce à une époque qui n’est pas épargnée par les incertitudes. En tant que ­médecins de famille et de l’enfance, nous sommes confrontés quotidiennement à l’annonce de mauvaises nouvelles et nous avons appris que le fait d’insister sur les peurs n’est certainement pas la meilleure solution pour aborder un problème. Mais justement, si l’on reste tétanisé depuis des décennies comme un lapin pris dans les phares, sans même se rendre compte que l’on fait soi-même partie de ces phares imaginaires, on ne trouve pas de solutions. Et il faudrait en réalité en trouver.
Comme la session d’automne du Parlement commence en même temps, les mêmes exigences sont formulées comme un mantra: il faut enfin réduire les coûts, les médicaments doivent être moins chers, le nombre de cabinets doit être réduit, les coûts de laboratoire doivent être diminués. Tout cela est malheureusement bien loin de la réalité: au vu de l’évolution démographique, la possibilité de réduire les coûts relève du domaine de l’utopie, même si l’on continue à faire certaines choses qui ne sont pas absolument nécessaires. En ce qui concerne les médicaments, nous avons un tout autre souci dans les cabinets médicaux: l’indisponibilité de nombreuses substances simples, bon marché et ayant fait leurs preuves depuis longtemps et, en particulier en pédiatrie, le retrait d’antibiotiques essentiels. Concernant les laboratoires, la révision est en cours, pourquoi ne pas attendre que les calculs soient corrects? Et fermer des cabinets: Mais dans quel monde vit celui qui claironne cela de but en blanc? Et qui continue d’affirmer sans preuves que chaque nouveau ­cabinet coûte 500 000 francs aux payeurs de primes? Inversement, nous devrions maintenant fermer nos cabinets et recevoir de l’argent pour cela, 250 000 francs pour chaque cabinet. Là aussi, nous avons des préoccupations tout à fait différentes, à savoir que nous puissions assumer les soins de premier recours. Malheureusement, santésuisse ne dit rien à ce sujet, car: les soins de premier recours ne sont pas l’affaire des assurances, mais des cantons.
A une époque où beaucoup de choses ne sont plus ce à quoi nous étions habitués, les déclarations non constructives des assureurs ne font qu’accroître l’insécurité. Le coronavirus a touché notre société, ouvert des fissures, provoqué des incertitudes qui sont parfois sérieuses, surtout chez nos jeunes. La guerre près de chez nous nous menace, nous en ressentons les conséquences avec l’insécurité en matière d’énergie, mais aussi dans la conception de notre vie quotidienne. Et tout cela à une époque où la Terre Mère lutte pour ne pas surchauffer et a besoin de notre soutien.
Il ne faut pas de «back to the future», c’est-à-dire toujours les mêmes refrains qui reviennent, mais des réflexions sur la pérennité des soins, pas seulement au niveau médical. Ensemble.
Responsabilité ­rédactionelle:
Sandra Hügli-Jost, mfe
Sandra Hügli-Jost
Responsable ­communication
mfe – Médecins de familleet de l’enfance Suisse
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