Table ronde politique dans le cadre du Congrès du CMPR 2016

Interprofessionnalité: créer les bonnes conditions cadres dès à présent

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Édition
2016/14
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2016.01334
Prim Hosp Care (fr). 2016;16(14):257-258

Affiliations
a Chargée de la communication mfe, b Président de mfe

Publié le 27.07.2016

A l’avenir, il y aura de plus en plus de patients âgés et polymorbides, alors qu’il y aura de moins en moins de professionnels de santé pour assurer leur prise en charge. Pour faire face à cette situation imminente, il est nécessaire de trouver de nouvelles solutions. Ce sujet a fait l’objet d’un vif débat lors de la table ronde politique du Congrès du CMPR 2016.
A l’occasion du Congrès du CMPR de cette année, qui s’est tenu à Lucerne, des représentants de différents groupes professionnels du domaine de la santé se sont rencontrés lors de la table ronde de politique professionnelle. Marc Müller, président de mfe (Médecins de famille et de l’enfance Suisse), a lancé la discussion en s’appuyant d’emblée sur le sombre pronostic révélé par l’étude de l’Observatoire suisse de la santé (Obsan) de 2008 (www.obsan.admin.ch), selon laquelle il y aura à l’avenir de plus en plus de patients âgés et polymorbides alors que le nombre de professionnels de la santé ne cessera de diminuer. Marc Müller (fig. 1) a donc soulevé une question qui tombe sous le sens: «Comment pouvons-nous réagir à cette situation et créer l’équipe de santé du futur?» Tout le monde aurait reconnu la nécessité de collaborer à l’avenir sous une autre forme. Il a ensuite enchaîné avec d’autres questions: «Mais comment procéder concrètement? Comment les rôles et les tâches seront-ils répartis? Comment pouvons-nous nous défaire des anciens modèles?»
C’est de ces questions qu’ont discuté cinq professionnels de la santé sur la scène: Lorenz Schmid, pharmacien de Zurich et président de l’association des pharmaciens du canton de Zurich; Brigitte Zirbs, médecin de famille et membre du comité de mfe; Tresa Stübi, présidente centrale de l’Association suisse des assistantes médicales (SVA/ASAM); Roswitha Koch, responsable Développement des soins infirmiers de l’Association suisse des infirmiers et infirmières (ASI); Manuel Schaub, représentant politique des Jeunes médecins de premier recours Suisses (JHaS).
D’après Manuel Schaub, pour les jeunes médecins de famille notamment, le thème de la «phase de storming» (fig. 2) n’en serait pas un: «Chez nous, la question des compétences ne se pose même pas. Notre conception des rôles et notre vision d’avenir se fondent sur un travail d’équipe avec les autres professions du domaine de la santé.» D’une manière générale, les jeunes médecins de famille seraient très ouverts à la collaboration interprofessionnelle. L’important serait d’intégrer l’interprofessionnalité dès la période d’assistanat.
Figure 2 : Modèle de phase pour le développement de l’équipe d’après  Bruce Tuckman.
Pour les pharmaciens, la situation est différente. «Nous, pharmaciens, nous trouvons dans un champ de tension, tiraillés entre le conseil et le commerce de détail (80%). Ainsi, pour nous, la situation doit impérativement changer et notre formation offre d’ailleurs un potentiel suffisant à cet effet», a expliqué Lorenz Schmid.

Nouveauté: une communication 
d’égal à égal

Pour les assistantes médicales et les infirmières, l’interprofessionnalité est déjà une réalité depuis longtemps. Il y a cependant aussi eu des changements de ce côté. Ainsi, au cours de ces dernières années, les assistantes médicales et les infirmières ont adapté leurs formations respectives aux exigences futures. A côté des responsabilités supplémentaires qu’ils assument, l’autre nouveauté réside dans la communication d’égal à égal avec les autres acteurs. «Cela aussi, ça s’apprend», a déclaré Roswitha Koch.
D’après Brigitte Zirbs, il y a chez les médecins de famille certaines réserves à l’égard de l’interprofessionnalité. «Qui prend les commandes? A qui puis-je confier mes patients? Comment et où vais-je trouver l’équipe interprofessionnelle appropriée? Qui dispose de quelles compétences, et qui définit ces compétences?». Selon Brigitte Zirbs, ce ne seraient là que quelques-uns des points qui doivent être clarifiés. Du point de vue des médecins de famille, il est fondamental de ne jamais perdre de vue l’essentiel: le patient. Toutes les mesures interprofessionnelles devraient être choisies et mises en œuvre en se focalisant sur le patient.

Même la meilleure solution de cybersanté ne remplacera pas le contact personnel

Au sein du public, de grandes préoccupations relatives à l’administration et au financement correspondant se sont fait sentir. Avant tout dans le domaine ambulatoire, il faudrait garantir les structures et indemnisations nécessaires pour toutes les parties impliquées. Un auditeur a fait remarquer qu’il serait impératif de créer des principes et valeurs identiques, par ex. des cercles de qualité communs, et que l’adoption de règles les plus simples possibles aurait une influence positive sur la collaboration. Un autre membre du public a estimé que les solutions de cybersanté (e-heath) étaient déterminantes pour l’avenir de la collaboration interprofessionnelle et que cet instrument était incontournable et constituait la base fondamentale de la collaboration interprofessionnelle. Le public a également émis des inquiétudes concernant la mise en œuvre concrète de la collaboration. Comment et où se rencontre-t-on dans le contexte ambulatoire et comment ces dépenses sont-elles indemnisées? La meilleure solution de cybersanté ne devrait tout de même pas remplacer le contact personnel.

Le financement futur, un aspect 
déterminant

A l’issue de la manifestation, le public et les professionnels présents sur scène (fig. 3) étaient unanimement d’avis que les acteurs du domaine de la santé n’étaient pas les seuls à devoir agir, mais que le soutien actif de la sphère politique était également nécessaire. Pour aboutir à une collaboration fructueuse et pertinente à l’avenir, il faudrait simultanément créer les conditions cadres légales et lancer des projets «bottom-up». L’interprofessionnalité devrait à tout prix déjà être intégrée dans la formation, le financement devrait refléter correctement les cas complexes et, dernier point, mais non des moindres, tous les groupes professionnels impliqués devrait être rémunérés convenablement. A défaut de ne réunir l’ensemble de ces conditions, l’interprofessionnalité restera une tendance qui ne démarrera jamais véritablement.
Figure 3: Participants de la table ronde politique.
«Après la phase initiale de storming ou de confrontation, nous entrons à présent dans la phase de norming, qui est extrêmement importante. Ici et maintenant, il faut créer les conditions cadres afin que nous puissions le plus rapidement, positivement et efficacement possible passer à la phase de performing, pour le bien de nos patients», a conclu Marc Müller.
Sandra Hügli-Jost
Kommunikationsverantwortliche Hausärzte Schweiz, Geschäftsstelle
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