Efficacité, adéquation et économicité

J’espère un nouveau départ

Editorial
Édition
2017/01
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2017.01486
Prim Hosp Care (fr). 2017;17(01):3

Affiliations
Président de l’ASMPP

Publié le 11.01.2017

Je souhaite un nouveau départ en ce qui concerne le thème de l’efficacité, l’adéquation et l’économicité (EAE) de notre médecine de premier recours. Un problème qui nous préoccupe de plus en plus au cabinet privé, surtout nous, les médecins de famille ayant reçu une vaste formation et présentant plusieurs certificats de capacité, qui traitons de nombreux patients atteints de maladies complexes et chroniques.
Que signifie efficace? Probablement que nous visons un effet mesurable. Mais pour qui doit-il être mesurable? Pour nous? Pour le patient? Ou pour la caisse d’assurance-maladie? Le traitement d’une pression artérielle difficile à réguler est-il performant avec le tout dernier médicament le plus efficace? Il s’agit d’un médicament onéreux de plus sur la liste déjà longue d’un patient, éventuellement même associé à de multiples effets indésirables. Efficace signifie ainsi pour la caisse d’assurance-maladie l’augmentation des coûts thérapeutiques journaliers, pour l’industrie, quant à elle, la hausse du cours des actions et pour le patient des primes plus élevées. Mais également le fait que la pression artérielle ait été abaissée de149/97 mm Hg à 120/75 mm Hg! Toutefois, si nous discutons un peu plus en détail avec le patient, ne lui prescrivons pas de médicament onéreux, lui proposons des stratégies pour faire face aux contraintes de sa situation psychosociale qu’il peut ensuite surmonter sans notre aide et diminuons ainsi la pression artérielle de «seulement» 149/97 mm Hg à 135/90 mm Hg, cela est plutôt considéré comme peu efficace. Aux yeux du superviseur, nous sommes rapidement suspectés de «gaspiller» un temps précieux avec le patient, voire même de le «surmédicaliser». A une époque où l’efficacité occupe constamment la première place, les longues discussions ne sont pas souhaitées. Et l’efficacité de l’activité médicale n’est pas non plus si facilement mesurable!
Que signifie adéquat? Je ne peux guère imaginer qu’un médecin n’agisse pas de manière adéquate – ne dit-on pas «la fin justifie les moyens»?
Et en ce qui concerne la question de l’économicité, il s’agit évidemment des ressources financières si limitées du système de santé. La médecine ne doit «rien» coûter. Aux yeux du superviseur, nous ne sommes économiques que si nous sommes peu coûteux. Ceci est mesuré sur la base des coûts par cas internes du cabinet par rapport au collectif. Les coûts générés par chaque patient doivent être faibles. Le médecin de famille travaille de manière économique lorsqu’il prend en charge le plus de patients possibles dans les plus brefs délais (idéalement, en discutant peu voire pas du tout), si possible sans effectuer d’analyses biologiques (moins j’en sais, mieux je me porte), en utilisant la radiographie et l’échographie du cabinet médical (œillères), avec des médicaments bon marché et préférablement sans physiothérapie. Lorsque, après une cinquième consultation rapide d’urgence, le patient peut enfin formuler son problème essentiel, il est, par manque de temps, adressé à grands frais à un spécialiste, invité à pratiquer une IRM ou à se rendre au service d’urgence de l’hôpital. Le médecin de famille «économique» n’a pas besoin de se soucier de ces dépenses, car elles ne peuvent pas lui être imputées. Le fait que cette forme de médecine de premier recours soit plus onéreuse et moins efficace que l’autre devrait être suffisamment connu. Pourtant, les critères EAE sont remplis, et ainsi communément acceptés, sauf bien entendu de la part du patient qui ne mérite pas une médecine à la chaîne.
Dans ces conditions, que caractérise le médecin de premier recours ayant reçu une vaste formation et disposant de capacités en psychosomatique, échographie et médecine manuelle? Il présente des coûts par cas élevés et attire rapidement l’attention des payeurs. Un «arnaqueur» coûteux qui doit défendre et justifier son travail avec le patient dans de longues et laborieuses déclarations adressées à Santésuisse, et qui peut bien craindre une procédure avec menaces de remboursement!
S’agit-il d’une situation de départ censée motiver les jeunes collègues à devenir médecins de premier recours généralistes? Certainement pas! Que tout cela a-t-il à voir avec le renforcement des prestations de soins de base? Je l’ignore complètement…
C’est la raison pour laquelle j’attends urgemment de la part de la politique, de la FMH et des superviseurs – dans l’esprit d’un nouveau départ – une modification constructive de l’évaluation EAE des médecins de premier recours ainsi qu’un engagement honnête pour le médecin de famille généraliste qui maintient la médecine à un niveau très élevé, mais malgré tout abordable, et assure une prise en charge de base de large portée, et ce pour une rémunération convenable! Car les banquiers ne nous ont-ils pas déjà appris qu’il convient, pour trouver des personnes qualifiées, de récompenser leur précieux travail en conséquence?…
Cela profite aux patients et, au bout du compte, à la population. Et ce à tous les niveaux.
Avec ce regard quelque peu critique et l’espoir d’un nouveau départ, je vous souhaite à tous de bien démarrer l’année 2017!
Dr. med. Alexander Minzer
Breitenstrasse 15
CH-4852 Rothrist
Alexander.Minzer[at]hin.ch