L’éducation interprofessionnelle est une stratégie de fond, de longue haleine, qui prépare les futurs soignants à travailler ensemble.
«Depuis toujours les médecins de famille travaillent de manière interprofessionnelle. Ils collaborent avec de nombreuses professions en prodiguant des soins aux patients chroniques et multi-morbides. Ce n’est donc pas à eux qu’on va apprendre comment le faire!» Ce genre de propos erroné est encore répandu. C’est en écoutant Bryan Hodges qu’un nouvel éclairage nous a été donné en 2012 déjà. On peut expérimenter l’interprofessionnalité selon un modèle où les responsabilités et décisions sont partagées. La lecture de son ouvrage «Creating the Health Care Team of the Future» a été l’élément déclencheur d’un groupe de travail Interprofessionnalité (IP) au sein de mfe, composé de membres du comité et de délégués.
Succès et déceptions
Ces dernières années, lors de nos collaborations avec d’autres professions, nous avons expérimenté succès et déceptions. Nous sentions notre inexpérience pratique et ressentions le besoin de conceptualiser la collaboration interprofessionnelle. En 2015, Marc Müller et moi sommes allés apprendre de ceux qui expérimentent les soins interprofessionnels depuis plus de 15ans, à l’Université de Toronto.
L’équipe d’enseignants qui nous a coachés était composée d’un médecin de famille, d’un psychiatre et de deux logopédistes. Ils ont partagé non seulement leur expérience pédagogique mais également leur stratégie politique: comment promouvoir efficacement et de manière pérenne les soins interprofessionnels ambulatoires?
L’une des pièces maîtresses de leur stratégie, après un financement sain et sur le long terme, est l’IPE (IP Education). Il s’agit de mettre en contact précocement et tout au long de leur parcours les apprenants des différentes professions pour qu’ils tissent des liens sociaux. Par des modules de cours et des activités sociales communes, les étudiants apprennent à se connaître et à se respecter avant qu’ils ne soient trop imprégnés par leur identité professionnelle. L’éducation interprofessionnelle (IPE) est une stratégie de fond, de longue haleine, qui prépare les futurs soignants à travailler ensemble.
Pour inscrire de manière pérenne l’IP, il faut non seulement préparer l’avenir en formant les jeunes former à ces pratiques les professionnels actifs sur le terrain, les familiariser aux règles du travail interprofessionnel selon de nouveaux modèles de collaboration horizontale, mais également convaincre les décideurs politiques du bienfondé de l’IP. En effet, la société évolue vite, la population vieillit et les patients sont plus complexes. Les soins ambulatoires et le maintien à domicile correspondent à une demande des patients et à des exigences d’économie. Ces réalités s’inscrivent dans un contexte de restrictions budgétaires, de limitations des remboursements et surtout de pénurie de soignants (infirmières et médecins de famille principalement). Les jeunes peinent à envisager des professions de soins, mal reconnues, mal rémunérées, représentant une importante charge de travail. Ces dernières années on déplore de plus en plus de soignants et médecins formés qui choisissent de donner une autre orientation à leur carrière, ce qui coûte cher à la collectivité et fragilise le système de soins. La souffrance au travail érode le système, la charge professionnelle et psychologique est trop forte, elle provoque addictions, absentéisme et burnout. Notre système sanitaire doit donc non seulement former les jeunes et ceux qui sont en activité, mais encore assainir les conditions de travail. De nouvelles professions telles que les assistantes médicales coordinatrices de soins doivent encore trouver leur place dans l’équipe interprofessionnelle. Un travail interprofessionnel bien structuré fait partie de solutions à envisager.
«Teach the Teacher»
mfe a pris l’initiative de mettre en pratique l’expérience canadienne. La Suisse est à l’aube de l’ère des soins interprofessionnels, beaucoup reste à faire! Actuellement chacun crée son modèle, agit pour son profit sans se soucier de coûts et de cohérence. Nous pensons que la Suisse a besoin d’un modèle de soins IP coordonné, harmonisé et adapté à des systèmes cantonaux hétérogènes, pour faire face aux défis futurs. Avec votre aide et votre soutien nous voulons participer activement à la construction d’un modèle Suisse de l’interprofessionnalité. mfe a donc invité l’équipe d’enseignants de Toronto à partager avec les soignants suisses leur savoir-faire. Leur modèle d’enseignement a déjà été exporté avec succès dans plusieurs pays dont les Etats Unis, l’Australie et le Danemark.
La Suisse accueillera donc le premier cours pilote SWISS ehpic 2017, tenu en anglais, à Soleure du 22 au 24 mars 2017. Ce cours pilote a été configuré selon un modèle «Teach the Teacher». Les coûts de participation été calculés au plus bas, car nous voulons encourager les participants à s’engager d’une manière active, avec mfe, dans le développement et la promotion d’une formation interprofessionnelle Suisse de qualité et harmonisée. Notre but est de créer une équipe motivée qui nous accompagnera dans le développement d’une formation IP Suisse. Nous avons choisi pour cette première expérience d’être accompagnés par des parrains qui ont partagé leurs visions avec nous dans la phase de préparation: BIHAM (institut de médecine de famille de Berne, Professeur Nicolas Rodondi), l’institut de médecine de famille de Genève (Professeur Johanna Sommer), les Hautes Ecoles de Santé de Berne et de Genève, ainsi que le CIS (centre interprofessionnel de simulation, Dr Elisabeth van Gessel). Nous avons également sollicité le partenariat de certains réseaux et invité deux assureurs, Helsana et CSS, à partager cette expérience pilote avec le groupe et ainsi les encourager à promouvoir les modèles de soins interprofessionnels de qualité pour leurs assurés.
Nous vous attendons nombreuses et nombreux!
Vous êtes proche des patients, vous les accompagnez et soignez, vous êtes donc un bon candidat pour ce cours! Idéalement l’inscription se fera par groupe de 2 ou 3 personnes, de formations différentes, partageant un projet IP. Les professionnels concernés doivent être issus prioritairement des soins du secteur ambulatoire, médecins, pharmaciens, infirmières, diététiciennes, logopédistes, physiothérapeutes, assistantes coordinatrices de soins, psychologues, travailleurs sociaux, sages-femmes voire accompagnants spirituels. L’agence Medworld est responsable de l’organisation de ce cours. Pour participer il suffit que les candidats adressent à Medworld (formulaire d’inscription sur le site de mfe http://www.medecinsdefamille.ch) une inscription individuelle ou de groupe, accompagnée d’une lettre de motivation en anglais, exposant leur implication et leurs motivations pour l’IP, ainsi que l’esquisse d’un projet interprofessionnel qui sera élaboré plus en détail durant les 3 jours de formation et mis en pratique dans le cadre professionnel après le cours. Les membres du groupe donneront un feedback aux enseignants par téléconférence après 3 mois. 6 mois après le cours, lors du congrès de médecine de famille de la SGAIM du 14–15 septembre 2017 aura lieu une journée de synthèse, d’analyse des projets et du concept de formation.
Nous vous attendons nombreuses et nombreux et nous nous réjouissons de partager notre enthousiasme pour les soins interprofessionnels avec vous.
