Il est particulièrement essentiel de mettre en relation des jeunes chercheurs en médecine de famille. C’est pour cette raison que la Journée de la relève académique en médecine de famille a été créée.
En 2011, les cinq instituts de médecine de famille des universités de Bâle, Berne, Genève, Lausanne et Zurich ont fusionné en tant que Swiss Academy for Family Medicine (SAFMed). Entre 2013 et 2016, la Conférence des Recteurs des Universités Suisses a soutenu SAFMed avec un budget de 5 millions de francs dans le cadre de son programme de promotion des projets de coopération et d’innovation, avec comme objectif un renforcement de la médecine de famille académique. Chaque institut s’est alors vu confier une tâche spécifique; l’institut de Zurich était ainsi responsable de la promotion de l’académisation de la relève scientifique.
Il a rapidement été clair qu’il était particulièrement essentiel de favoriser la mise en relation des jeunes chercheurs en médecine de famille. Une des mesures phares prévues devait être une manifestation dans le cadre de laquelle deux jeunes chercheurs de chaque institut pouvaient présenter leurs projets planifiés mais également les travaux accomplis, et en discuter afin d’apprendre les uns des autres et susciter une inspiration et une motivation mutuelles. Ainsi était née la Journée de la relève académique en médecine de famille (Tag des akademischen Nachwuchses in der Hausarztmedizin, TANHAM).
Le 24 janvier 2017, la 3e TANHAM s’est tenue à Berne. Au total, 11 jeunes chercheurs issus des instituts de Bâle, Berne, Lausanne, Lucerne, Genève et Zurich ont saisi l’opportunité de présenter leurs résultats de recherche.
Participants de la 3 e TANHAM à Berne le 24 janvier 2017.
Diversité des thèmes et méthodes de recherche lors de la 3e TANHAM à Berne
Les projets de recherche sont brièvement expliqués ci-dessous.
Le patient multimorbide et les attentes des patients vis-à-vis de la médecine de famille ont été au centre de trois projets. Une analyse représentative au sein du réseau des cabinets Sentinella, menée chez plus de 2500 patients consécutifs, a montré que chez 52% d’entre eux, au moins deux maladies chroniques étaient présentes et que, avec ses 27%, la proportion de patients sans maladie chronique était plus faible. Une analyse systématique menée chez 843 patients multimorbides pris en charge par le médecin de famille a révélé qu’en médiane, en plus de 11 consultations au cabinet médical, 34% des patients nécessitaient d’autres contacts pour des offres thérapeutiques paramédicales. L’analyse a en outre montré qu’en moyenne, 1,9 médecin spécialiste supplémentaire était impliqué, soulignant ainsi de façon saisissante non seulement le «poids de la maladie», mais également le «poids du traitement» chez les patients multimorbides.
Les résultats d’une enquête menée chez près de 200 patients portant sur les attentes vis-à-vis de la médecine de famille soulignaient eux aussi le «poids du traitement». Ainsi, pour une majorité des personnes interrogées, la prise en charge continue et orientée vers le patient au cabinet, la coordination des soins médicaux ainsi que la communication jouaient un rôle capital.
Outre la multimorbidité, certaines maladies étaient également au centre de l’attention des jeunes chercheurs. Une thèse était ainsi consacrée à la Qualité des soins des patients souffrant d’AOMI au cabinet médical. A l’aide de données de routine issues de dossiers médicaux électroniques, la chercheuse a analysé le profil de risque et les indicateurs thérapeutiques de plus de 1 200 patients atteints d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), tels qu’ils sont utilisés dans le système anglais du Quality and Outcomes Framework (QOF) en vue de la motivation des médecins de famille. L’analyse a révélé d’une part un bon respect des valeurs cibles de pression artérielle, et a d’autre part également mis en évidence des difficultés dans l’extrapolation à la Suisse d’indicateurs de qualités issus d’un autre système de santé.
La problématique des crampes du mollet a constitué le sujet d’un autre projet de recherche. Il a été montré que les crampes du mollet étaient non seulement fréquentes chez les patients, mais également associées à de douleurs majeures et des troubles du sommeil pertinents. Les expériences issues de cette étude observationnelle servent désormais à la planification d’une étude interventionnelle ayant comme objectif d’évaluer l’effet d’une physiothérapie ciblée.
Sur la base de l’hypothèse selon laquelle les infections des voies urinaires non compliquées fréquentes, le plus souvent traitées de façon empirique au cabinet médical (sans test microbiologique de la résistance), sont sous-représentées dans le système de surveillance national des résistances antibiotiques, un projet de recherche ayant pour objectif d’étudier la situation actuelle des résistances en cas d’infection des voies urinaires au cabinet médical a été présenté. Grâce à la collaboration de l’ensemble des instituts SAFMed et au soutien des réseaux de médecins dans toutes les régions du pays, la réalisation de ce projet contribuera à élaborer des recommandations thérapeutiques basées sur les preuves en vue des médecins de famille.
Des résultats de recherche ont également été présentés concernant les aspects de la promotion de la santé et prévention. Une intervention menée sur 12 mois par des médecins de famille sur des enfants en surpoids a ainsi montré une réduction de poids réussie. Du point de vue du médecin de famille, les résultats relatifs au maintien et à l’implémentation de l’intervention étaient particulièrement pertinents. La majorité des médecins de l’étude a poursuivi l’intervention au cabinet après l’achèvement de l’étude; d’autres ont indiqué qu’ils souhaitaient recommander la procédure à d’autres collègues en cabinet médical.
D’autres travaux de recherche ont présenté pour la première fois le profil de risque des utilisateurs de la plate-forme en ligne «Swissheart-Coach», récemment lancée par la Fondation Suisse de Cardiologie. L’analyse des facteurs de risque démographiques et cardiovasculaires des plus de 1000 utilisateurs a montré que la plate-forme était plutôt utilisée par des personnes en bonne santé. Les résultats constituent une base de données précieuse pour continuer à clarifier le potentiel et la possible utilisation ciblée de ce nouvel outil.
Pénurie de médecins de famille, interprofessionnalité et formation postgraduée étaient d’autres thèmes au centre des préoccupations scientifiques. Ont ainsi été présentées d’autres données relatives à l’étude Work Force, une enquête nationale portant sur l’état d’esprit des médecins de famille exerçant actuellement en cabinet. Selon le vécu des participants à l’enquête, la pénurie de médecins de famille était comparable à la ville et à la campagne. Outre la promotion de la relève, des solutions interprofessionnelles s’avèrent également nécessaires pour remédier aux lacunes pronostiquées en matière de délivrance des soins. En rapport avec cette thématique ont été présentés les premiers résultats analysant les prérequis d’une collaboration interprofessionnelle efficace dans le cadre d’une revue de littérature systématique. Enfin, une évaluation de l’assistanat au cabinet médical via une enquête menée chez plus de 350 diplômés a révélé que la majorité d’entre eux a par la suite décidé d’embrasser une carrière de médecin de famille. Les compétences acquises dans le cadre de l’assistanat au cabinet médical constituaient ici un facteur de réussite essentiel dans le choix de l’activité de médecin de famille, aspect grâce auquel le projet de recherche a pu mettre en évidence le rôle primordial de l’assistanat au cabinet médical dans la promotion de la relève.
Mais qu’y a-t-il de nouveau dans ces résultats? La nouveauté, c’est que par la grande qualité des méthodes et analyses utilisées, ces résultats livrent une preuve valide du rôle de la médecine de famille dans un système de santé efficace. La valeur ajoutée de la recherche réside ainsi dans une base de données solide qui reflète les expériences accumulées au cabinet médical et qui pourra, espérons-le, constituer un avantage dans les discussions relatives à la politique de la santé.
Perspective
Les discussions et suggestions constructives suite aux présentations de projets ont été très appréciées. L’écho positif que l’offre TANHAM a trouvé auprès des jeunes chercheurs en tant que plate-forme d’entraînement et de mise en relation a motivé les organisateurs et directeurs des instituts SAFMed à renouveler cette offre l’année prochaine. Nous sommes convaincus que cette offre de participation à des projets de recherche peut augmenter l’attractivité de la médecine de famille. La recherche n’est pas une fin en soi, mais elle initie les étudiants et les assistants à la discipline via des mémoires et thèses.
Correspondance
Prof. Dr méd. Thomas Rosemann, PhD Prof. Dr méd. Oliver Senn, MPH Institut für Hausarztmedizin, Universität Zürich UniversitätsSpital Zürich Pestalozzistrasse 24 CH-8091 Zürich
