La médecine générale fait son show à Rio!
Un récit du congrès mondial organisé par la WONCA

La médecine générale fait son show à Rio!

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Édition
2017/12
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2017.01547
Prim Hosp Care (fr). 2017;17(12):239-240

Affiliations
Médecin-assistant en formation de médecine interne générale

Publié le 27.06.2017

Tous les deux ans, des milliers de médecins généralistes et autres idéalistes intéressés à le devenir, se réunissent en congrès mondial organisé par la WONCA. L’édition de novembre 2016 prenant place à Rio de Janeiro: quelques-uns ont laissé tomber leur veste en cuir de généralistes ou leur blouse blanche de médecin-­assistant pour faire le voyage depuis la Suisse. Récit.
Arrivés sur place, nous prenons la température de l’endroit, au propre comme au figuré. Nous finissons de parcourir le programme du congrès. Les choix sont ­difficiles car plus d’une centaine de sessions nous sont proposées. Conférences, séminaires, présentations de travaux scientifiques, tables rondes, activités culturelles, nous pourrions nous croire au congrès SwissFamillyDocs à Montreux. Même les palmiers sont présents!
Nous passons une semaine forte intéressante à rencontrer des dizaines de généralistes de tous horizons. Nous échangeons sur notre pratique, nos systèmes de santé, de formation, et surtout sur les différentes problématiques que rencontre la médecine de famille dans nos pays respectifs. Celles-ci s’avèrent étonnamment proches! On pourrait penser que la pénurie des généralistes, les maladies chroniques ou la surmédicalisation sont des problèmes de pays occidentaux, or il n’en est rien. Autre similitude frappante: une conférence sur le burn-out chez les généralistes, fait salle pleine à craquer… Les généralistes auraient-ils donc le courage d’affronter ce tabou?
A propos des facteurs d’attractivité de la médecine de famille chez les jeunes en formation, une grande table ronde est organisée [1]. On y apprend que l’enseignement donné par des généralistes est la meilleure façon de promouvoir une idée positive de la médecine générale. Cet enseignement doit être précoce, de qualité, fréquent, basé dans la communauté. Il faut promouvoir l’influence du «role model» et ouvrir à des ­opportunités académiques futures.
Entre-deux sessions, on essaie de trouver un café gratuit au stand d’une entreprise pharmaceutique, mais après avoir fait plusieurs fois le tour du congrès, aucune trace d’une telle compagnie! On m’explique alors que la société brésilienne de médecine de famille et communautaire refuse tout sponsoring de telles entreprises durant son congrès. Est-ce une bonne chose? En tous cas, cela permet une liberté de parole intéressante que Peter Gotzsche, Professeur à l’Université de Copenhague et directeur du Nordic Cochrane Centrer utilise de manière percutante pour présenter ses hypothèses sur la (sur-)utilisation des médicaments [2, 3]: «Chaque année un généraliste tue un patient et ne le sait pas». Cela permet de se poser des nouvelles questions sur la sécurité de la prise en charge de nos patients et sur ­l’influence des pharmas.
Les cérémonies d’ouverture et de conclusion du congrès ont donné lieu à deux moments forts. Situation politique oblige, le nouveau ministre de la santé fut copieusement hué et eut bien du mal à délivrer son discours. Au-delà de l’aspect étonnant pour quelqu’un d’habitué au consensus helvétique, cela a montré des jeunes médecins de famille passionnés, à la manière latine, par la défense de leur travail et de leur système de santé. La dernière plénière vit l’élection à la tête de la WONCA pour la première fois d’une femme, la Professeure Amanda Howe du Royaume-Uni. Félicitations à elle!
La veille du congrès, le Young Doctor Mouvement (YDM) tenait son propre événement. Les YDM, c’est l’équivalent des JhaS (Junge Hausärztinnen und -ärzte Schweiz) au niveau international [4]. Cela fût l’occasion de rencontrer des jeunes médecins de famille en formation venant de dizaines de pays. Les profils se répartissent entre ceux qui ont un Master supplémentaire en santé publique et qui sont passionnés par l’amélioration mondiale de la santé des populations, étant convaincus que cela passe par des soins primaires de qualité. D’autres sont très motivés pour améliorer leur pratique de futurs médecins généralistes. Les discussions s’enchainent tout d’abord sur nos programmes de formation respectifs et nos conditions de travail. La Suisse fait partie des pays où la formation est la plus longue avec ses cinq ans d’assistanat. De l’autre côté du spectre, les Brésiliens ont une formation de 2 ans. Celle-ci se déroule quasiment entièrement en cabinets et est supervisée en permanence par des médecins de famille. Est-ce là un système optimal? A discuter. Mais dans tous les cas les places de formations n’ont depuis lors aucune peine à prendre preneur et la couverture en médecins de famille correctement formés a drastiquement augmenté passant de 3,5 à 65,8% entre 2008 et 2016 dans l’état de Rio [5]. Médecine moins avancée? Lisez à ce propos le récit de mon stage d’une semaine dans un de ces cabinets d’une favela de Rio dans un numéro ultérieur du PHC [6].
Plusieurs heures de voyage en avion, une semaine sans gain financier consacrée à écouter des conférences, du soleil en novembre..., Que peut en retirer finalement le médecin suisse?
Face à un monde globalisé et des interlocuteurs de plus en plus supranationaux (entreprises pharmaceutiques et géants du web dans la gestion des données médicales), le fait de se fédérer pour offrir un contrepoids parait fort intéressant. De plus ces temps de rencontre et d’échange avec des professionnels venant de tous horizons permettent de confronter nos pratiques et d’améliorer nos systèmes de santé et la prise en charge de nos patients. Ces grandes réunions se révèlent quant à elles, être de formidables catalyseurs de motivations et d’enthousiasme!

WONCA

La WONCA est l’association mondiale des médecins de famille qui fût créée en 1972 par des organisations médicales de 18 pays. Elle a comme missions principales de promouvoir la médecine de famille à un niveau global, notamment auprès de l’OMS, d’encourager les mouvements d’académisation de cette spécialité ou encore de promouvoir l’accès à des soins de qualité pour tout un chacun.
Source: wonca.org
John Nicolet
Route de Bussigny 22
CH-1023 Crissier
john.nicolet[at]gmail.com
1 Sociedade Brasileira de Medicina de Família e Comunidade (SBMFC).
2 Gøtzsche Peter C, Smith R. Drummond Rennie. Deadly medicines and organised crime: how big pharma has corrupted healthcare. Radcliffe Publishing. ISBN 9781846198847. 2013.
5 Soranz, Daniel, Pinto, Luiz Felipe, & Penna, Gerson Oliveira. Themes and Reform of Primary Health Care (RCAPS) in the city of Rio de Janeiro, Brazil. Ciência & Saúde Coletiva, 2016;21(5):1327–38.
6 A lire dans un prochain numéro de PMC.