Un rôle communautaire pour les pharmacies?

Assurer le retour des médicaments non utilisés

Lehren und Forschen
Édition
2017/17
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2017.01595
Prim Hosp Care (fr). 2017;17(17):329-330

Affiliations
Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne

Publié le 13.09.2017

Introduction

Les médicaments achetés et non utilisés (MNU) sont des déchets spéciaux [1]. Légalement, ils ne doivent être remis qu’à un centre habilité à les réceptionner (ex: pharmacies, déchèteries) [2] et non pas jetés à la poubelle, dans l’évier ou les toilettes (fig. 1). Les pharmacies vaudoises n’ont toutefois pas l’obligation d’accepter ce retour, et les coûts d’élimination sont à leur charge [3]. Un retour systématique des MNU en pharmacie pour élimination ou une éventuelle réutilisation permettrait de réduire leur impact environnemental, leur mésusage et le gaspillage mais nécessite une population informée [4]. Nous avons donc exploré les connaissances et motivations d’un échantillon de la population et de pharmaciens et médecins vaudois quant au retour des MNU en pharmacie. Nous voulions notamment savoir s’il s’agissait à leurs yeux d’un rôle communautaire des pharmacies et quels étaient les moyens mis en œuvre ou souhaités afin d’encourager ce retour.
Figure 1: Le parcours du médicament.

Méthode

Par des entretiens semi-structurés, nous avons interrogé 7 personnes de la population (d’âge, de sexe et d’état civil divers), 5 pharmaciens et 4 médecins vaudois. Nous avons également rencontré un représentant de la Direction générale de l’environnement du Canton de Vaud, de la Coopérative romande de sensibilisation à la gestion des déchets, de la Société Vaudoise de Pharmacie, la Pharmacienne cantonale, un fondateur des Pharmacies du cœur à Genève, une experte en écotoxicologie, un responsable d’une chaîne de pharmacies et un médecin récupérant des MNU exerçant hors du canton de Vaud. La société de valorisation des déchets spéciaux CRIDEC nous a répondu par email et nous sommes passés dans 5 déchèteries.

Résultats

Plus de la moitié de l’échantillon de la population savait qu’il pouvait retourner ses MNU en pharmacie. Les pharmaciens interrogés pensaient que la population était bien informée au vu des MNU retournés, mais les médecins étaient d’avis contraire. Nous avons noté que l’élimination ne se faisait pas toujours correctement, y compris par les professionnels.
Notre échantillon de population ramenait ses MNU principalement pour en limiter l’accès aux enfants et l’impact environnemental. Il serait motivé par une possible réutilisation. Les pharmaciens et les médecins pensaient que le retour des MNU limitait les mésusages et assurait une élimination adéquate.
Le retour des MNU était perçu comme un rôle communautaire des pharmacies, le pharmacien étant un professionnel du médicament.
Concernant la promotion du retour des MNU, notre échantillon de population se disait peu informé. Les pharmaciens et parfois les médecins donnaient des ­informations. La chaîne de pharmacie disposait des ­affiches dans ses officines.
La population interrogée souhaiterait être plus informée lors de la prescription, à la vente, par des publicités, un logo sur l’emballage, etc. Les pharmaciens souhaiteraient une meilleure répartition des coûts, du volume des MNU et une aide au tri. Les médecins pensaient qu’ils pourraient plus informer. Vendre à l’unité, adapter la taille d’emballage et une meilleure collaboration médecin-pharmacien afin d’augmenter l’adhérence au traitement étaient souvent mentionnés pour limiter les MNU.
Nous avons relevé d’autres problèmes comme le refus du retour par certaines pharmacies, l’absence de points de collecte systématiques dans les déchèteries et une information peu visible, parfois contradictoire ou fluctuante dans le temps.

Discussion

Nous constatons que notre échantillon de population est en partie informé et désirerait l’être plus. L’élimination n’est pas toujours adéquate, y compris par les professionnels. Le retour est globalement accepté comme un rôle communautaire des pharmacies, les coûts ne devant cependant pas être à leur seule charge. L’information n’est pas toujours accessible et claire, ni l’exécution du retour facilitée. Il serait donc souhaitable de réunir les acteurs des systèmes de santé et d’élimination des déchets afin d’uniformiser, clarifier et promouvoir l’information, répartir les coûts d’élimination et éventuellement soutenir la réutilisation locale des MNU non périmés.
Dr. phil. Jacques Gaume
Responsable de recherche
Coordinateur du ­module B3.6 – Immersion communautaire
Département universitaire de médecine et santé ­communautaires CHUV
Avenue de Beaumont 21 bis, Bâtiment P2
CH-1011 Lausanne
Jacques.Gaume[at]chuv.ch
1 Buletti M. Elimination des déchets médicaux [Brochure]. Berne: Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage; 2004;43p.
3 Lehoczki A. Médicaments non utilisés par les patients: évaluation des retours en pharmacie et perspectives [Travail de diplôme non publié]. Genève: Faculté des sciences de l’Université de Genève; 2007.
4 Tong AY, Peake BM, Braund R. Disposal practices for unused medications around the world. Environ Int. 2011;37(1):292–8. doi: 10.1016/j.envint.2010.10.002