Le métier exige de la polyvalence

Un peu médecin de famille? Cela ne va pas du tout!

Editorial
Édition
2017/14
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2017.01605
Prim Hosp Care (fr). 2017;17(14):263

Affiliations
Membre de la rédaction, rédacteur en chef

Publié le 26.07.2017

Etre un peu médecin de famille, cela ne fonctionne pas. Nombre de nos patients viennent nous voir non pas pour se divertir (évidemment, il y a des exceptions), mais par nécessité. Nous devons leur apporter une réponse engagée.
Actif à temps partiel, compagnon, sportif amateur, jardinier du dimanche, un peu politicien local, et un peu de tout – vive la société à options. Les jeunes médecins préfèrent se réserver les options à court terme et redoutent la responsabilité de l’indépendance professionnelle. Les médecins plus âgés voguent vers la retraite anticipée afin de profiter encore de leur «golden age» autrement qu’en assurant des consultations épuisantes. La prospérité autorise de si nombreuses variantes dans une vie, et oui, je l’admets volontiers: avoir une vie si diversifiée et en profiter est génial.
Mais qu’en sera-t-il lorsque nous-mêmes deviendrons un peu vieux et un peu patient? Aimeriez-vous que les médecins ou les soignants s’occupent un peu de vous si vous étiez plus qu’un peu malade? Aimeriez-vous que de nombreuses personnes (peut-être aussi quelques robots) s’occupent un peu de vous? La médecine fractionnée a ses inconvénients, et un principe du «chronic care» est précisément qu’en tant que patient, nous ayons une personne de confiance sur le long terme, qui s’engage pour notre santé.
Bien entendu, je n’écris pas contre les collègues qui, outre leurs responsabilités familiales, s’engagent à temps partiel en tant que médecins. La plupart d’entre eux sont hautement engagés et, par rapport aux bourreaux de travail en blouse blanche, ils sont plus compétents socialement et peut-être aussi plus détendus, plus heureux? Etre un peu médecin de famille signifie se consacrer comme un à-côté aux soins de premier recours des patients, et cela ne va pas du tout. Le métier nécessite de l’engagement professionnel et humain, pendant toute la période où nous nous occupons de patients. Le métier implique un engagement total pour la relève, pour un enseignement auprès des patients, afin d’assurer des soins de premier recours de qualité à l’avenir. Etre médecin de famille, c’est dire publiquement ce qui est nécessaire pour conserver l’attractivité du métier. Etre médecin de famille, c’est également représenter ce type de médecine à travers la recherche, dans sa performance comme dans ses zones problématiques, afin d’améliorer la qualité de la prise en charge et de continuer à développer la médecine de famille en tant que discipline autonome. Un engagement qui ne peut être accompli que partiellement (ou plutôt devrais-je dire un peu) dans les instituts universitaires: c’est avant tout la contribution des cabinets qui est nécessaire. Là où se pratique la médecine de famille.
Comme vous le voyez, la polyvalence initialement décrite peut également s’appliquer au métier de médecin de famille, et savourer pleinement le métier dans toutes ses facettes est un véritable enrichissement. J’espère que vous êtes quelque peu conforté(e) dans le fait que vous n’êtes pas un peu médecin, mais bien plus. Les patients vous en sont reconnaissants, et pas qu’un peu!
Dr med. Stefan Neuner-Jehle
MPH, Institut für ­Hausarztmedizin
Pestalozzistrasse 24
CH-8091 Zürich
sneuner[at]bluewin.ch