Santé 2050: quelle place pour l'interniste généraliste?
Série d’articles: «Organisation de l’avenir de la Medécine Interne Génerale»

Santé 2050: quelle place pour l'interniste généraliste?

Offizielle Mitteilungen
Édition
2017/22
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2017.01672
Prim Hosp Care (fr). 2017;17(22):0

Affiliations
a Chef du Département de médecine du CHUV, Lausanne; b Directeur de l’Institut universitaire de médecine de famille (IUMF), Policlinique médicale universitaire, Lausanne

Publié le 21.11.2017

Définir les enjeux des années à venir reste la meilleure manière d’imaginer le rôle de l’interniste généraliste du futur. Ainsi, et de manière non exhaustive, nous avons voulu discuter de certains défis de notre société, que notre communauté ­médicale devra relever.
L’augmentation du nombre de seniors va exploser dans les années à venir et il est anticipé une augmentation de 72% des personnes âgées en 2040 dans le canton de Vaud. Ce chiffre reste conservateur et se vérifiera certainement dans tous les cantons suisses. Pour les plus de 80 ans, l’augmentation devrait même avoisiner les 100%...
1 Avec le tsunami des baby boomers, il faut intégrer les chiffres déjà connus en 2017: la moitié des personnes de plus de 65 ans souffrent d’une maladie chronique et les cinq principales affections dont elles souffrent sont d’origine cardiovasculaire, oncologique, respiratoire, auxquelles il faut ajouter la démence et le diabète. Aujourd’hui, cela représente plus de 80% des décès. La multimorbidité reste la règle: un quart des 65 à 79 ans en souffrent. 41% des seniors de plus de 80 ans présentent en outre une perte d’autonomie, 37% d’entres-eux ont été hospitalisés en 2015 dans le canton de Vaud.
2 Les prises en charge des patients se complexifient. Les thérapies innovantes dans le domaine oncologique, ainsi que les technologies d’interventions cardiovasculaires sont appliquées de manière croissante chez les personnes âgées et ont un impact sur la survie en général. Malheureusement, les troubles cognitifs et la démence restent d’une triste actualité et continueront à se manifester pleinement chez les survivants des multiples affections chroniques ­citées plus haut.
3 La médecine de précision (génomique) va offrir de nouvelles opportunités de diagnostics précoces et ainsi permettre de prendre des mesures de prévention. Les questions de restitution d’informations complexes et de suivis médicaux seront très souvent sous la responsabilité des internistes généralistes, évidemment en partenariat avec les différentes spécialistes.
4 Ces différents développements technologiques, associés à une approche, certes souhaitable, de soins centrés sur le patient renforcent cependant une individualisation accrue des prises en charge. Cela peut néanmoins représenter un danger non négligeable pour l’équité des soins, voir pour la cohésion sociale. Qu’accepterons-nous d’investir comme ressources pour un individu au détriment d’autres? C’est une question brûlante.
5 Malgré les multiples efforts politiques pour préparer une relève en Médecine Interne Générale, le nombre de médecins de premier recours restera probablement insuffisant pour répondre à l’ensemble des besoins pressentis dans les années à ­venir.
6 Une recherche d’efficience accrue dans toutes les prises en charge devient la règle. La santé fait l’objet de pressions économiques énormes considérant ses coûts croissants. Toutes les mesures visant à l’économicité, à réduire les durées moyennes de séjour et les prises en charge ambulatoires iront en augmentant. Les dépenses en matière de santé ne vont pas diminuer, bien au contraire des efforts toujours plus importants vont être demandés aux intervenants hospitalo-ambulatoires ces prochaines années.
7 Le diable se cachant dans les détails, les enjeux fondamentaux des prises en charge ne sont pas seulement liés aux aspects strictement cliniques, mais également dans les domaines de la coordination et de la continuité des soins. L’arrivée des nouvelles technologies, dossier électronique du patient en tête, ne sont en effet que d’imparfaits substituts à une continuité relationnelle essentielle dans un ­environnement sanitaire de plus en plus complexe et fragmenté.
Ces constats permettent d’esquisser le profil de l’interniste généraliste des années à venir. Il sera un acteur incontournable de la politique de la santé et au cœur de ces enjeux. Il doit et devra, plus que jamais, être le garant d’une bonne coordination des soins, du respect des mesures d’équité à l’accès au système de santé et travailler sur toutes les mesures qui visent à créer de nouveaux modèles de soins, plus efficaces et efficients. Les enjeux seront d’assurer des transitions optimales pré- et post hospitalières, ainsi que des interfaces entre spécialistes et généralistes, d’optimaliser les efforts visant à une délégation des compétences médicales aux partenaires de soins et sans oublier de développer une recherche de qualité en médecine interne.
Considérant l’importance d’une relève en Médecine Interne Générale, la formation au niveau ambulatoire et hospitalier sera au cœur du travail des internistes dans les années à venir. Plus en amont, il sera également primordial de renforcer l’enseignement de la médecine interne générale et de la médecine de famille dans le cursus des études de médecine. La récente publication du document de référence fixant les objectifs pour la formation médicale pré-graduée en médecine (Profiles) est un atout dans ce sens.
Les défis sont donc extraordinaires, mais offrent de très belles opportunités de développement aux jeunes internistes généralistes. Il s’agit pour eux d’être innovants et de créer des nouveaux modèles de soins, en intégrant la féminisation de la profession, le concept de jobsharing et le travail à temps partiel, tout en favorisant l’excellence du travail interprofessionnel et multidisciplinaire.
En conclusion, l’interniste généraliste sera la pierre angulaire du système de santé, avec une responsabilité essentielle en matière de coordination des soins, dans la relation médecin-malade-système de santé et plus généralement dans le partage de décisions complexes. Ceci n’est pas seulement vrai dans la continuité des soins en médecine ambulatoire où la place de l’interniste généraliste est déjà relativement reconnue, mais également en milieu hospitalier où l’interniste généraliste devient le garant d’une continuité des soins au sein même de l’hôpital. L’intégration des différents partenaires de soins, tels que les gériatres et les spécialistes en soins palliatifs sera un passage obligé dans les années à venir.
Gérard Waeber
Nicolas Senn
Bruno Schmucki
Kommunikation, SGAIM
Schweizerische Gesellschaft
für Allgemeine Innere
Medizin
Monbijoustrasse 43
Postfach
CH-3001 Bern
bruno.schmucki[at]sgaim.ch
Prise en charge socio-sanitaire des séniors à l’horizon 2040. Prospective Statistique Vaud – 09.2017