Suis-je prédisposé(e) aux maladies d’altitude?
Evaluation du risque individuel

Suis-je prédisposé(e) aux maladies d’altitude?

Lernen
Édition
2018/03
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2018.01681
Prim Hosp Care (fr). 2018;18(03):45-50

Affiliations
a Departement Innere Medizin, Universitätsklinikum, Heidelberg, Deutschland; b Medbase, Zürich

Publié le 07.02.2018

Quels sont les prédicteurs des maladies d’altitude, telles que le mal aigu des montagnes, l’œdème cérébral de haute altitude ou l’œdème pulmonaire de haute altitude? Et comment évaluer au mieux le risque de développement d’une maladie d’altitude aiguë?

Mal aigu des montagnes et œdème cérébral de haute altitude

Sur le plan clinique, le mal aigu des montagnes (MAM) se manifeste par des symptômes non spécifiques survenant 6 à 12 heures après une exposition aiguë à une altitude supérieure à 2000–2500 mètres. Les céphalées constituent le principal symptôme, qui peut être accompagné d’inappétence, de nausées ou de vomissements, d’abattement, de vertiges et de troubles du sommeil. Avec un comportement adéquat, ces symptômes disparaissent spontanément en 1 à 2 jours, mais en cas de poursuite de l’ascension, ils peuvent évoluer vers un œdème cérébral de haute altitude (OCHA), qui se manifeste par une ataxie et un trouble progressif de la conscience et peut être létal en l’espace d’1 jour. Le traitement du MAM consiste en une journée de repos, ainsi qu’en la prise d’antalgiques simples et éventuellement d’acétazolamide (Diamox®). En cas d’OCHA débutant, l’administration de dexaméthasone et la descente à plus basse altitude ou l’apport d’oxygène supplémentaire sont des mesures impératives et souvent vitales [1].
Dans une vaste étude épidémiologique menée chez 827 alpinistes à la cabane Reine Marguerite (4559 m) dans le massif du Mont Rose [2], trois facteurs déterminants indépendants et de force comparable ont été identifiés pour le MAM: la pré-acclimatation, la vitesse d’ascension et la prédisposition personnelle (fig. 1). D’autres facteurs, tels que l’âge, le sexe, le niveau d’entraînement (autoévaluation), la consommation d’alcool, le tabagisme et le poids corporel, n’ont montré aucune association significative avec la prévalence du MAM à 4559 mètres d’altitude. Ces résultats sont en très bonne corrélation avec des données recueillies auprès de 3158 touristes entre 1920 et 2956 mètres d’altitude dans des stations thermales des montagnes Rocheuses [3], à la seule différence près que ces dernières ont montré une influence significative du poids corporel sur le MAM. Cette disparité peut s’expliquer par le fait que la réalisation d’une étude auprès d’alpinistes à une altitude de 4559 mètres implique une sélection de la population d’étude en ce qui concerne les performances ­physiques et donc aussi le poids corporel. Une étude prospective ayant porté sur 1300 alpinistes et randonneurs a également identifié l’anamnèse relative à l’altitude ainsi que la vitesse d’ascension comme étant les principaux facteurs prédictifs [4]. L’influence de la pré-acclimatation n’a pas été analysée dans cette étude.
Figure 1: Prévalence du MAM à 4559 mètres d’altitude en fonction de la vitesse d’ascension, de la pré-acclimatation et de la prédisposition au MAM chez 827 alpinistes. L’ascension lente a été définie comme >3 jours à partir d’une altitude de 2000 mètres et la pré-acclimatation comme >4 jours au-delà de 3000 mètres dans les 2 mois précédents. Les alpinistes ont été classés comme n’ayant pas de prédisposition au MAM s’ils avaient rarement ou jamais de céphalées lors de séjours en altitude au-delà de 3000 mètres et un score d’anamnèse <4. Données issues de [2].
Etant donné que la pré-acclimatation et la vitesse d’ascension sont généralement connues lors d’une consultation concernant un séjour en altitude, l’évaluation du risque dépend du degré de prédisposition individuelle. Les informations relatives à l’état de santé lors de précédentes expositions à une altitude similaire, à la pré-acclimatation et à la vitesse d’ascension permettent d’évaluer le risque. Dans la mesure où de telles informations font souvent défaut, certains experts proposent des tests pour déterminer la tolérance à l’altitude [5]. Les principales approches pour la prédiction de la tolérance à l’altitude reposent sur les principes suivants:
– Les personnes qui sont malades en altitude présentent en moyenne, à une altitude donnée, une saturation artérielle en oxygène (SaO2) plus faible que les personnes non malades du groupe contrôle.
– Une faible stimulation hypoxique est un facteur contribuant à une plus forte hypoxémie en cas de MAM.

Mesure de la saturation en oxygène pour la prédiction de la prédisposition

Les mesures de la saturation en oxygène en cas d’exposition définie de courte durée en hypoxie normobare ou hypobare montrent en moyenne des valeurs plus faibles chez les personnes prédisposées au MAM par rapport aux personnes non prédisposées. Ces différences entre de grands collectifs de sujets sont certes statistiquement significatives, mais le chevauchement des valeurs individuelles est si grand qu’il est impossible d’établir un pronostic fiable pour les sujets individuels. La figure 2 (moitié gauche) indique que c’est ­également le cas lorsque dans un collectif de 500 ­volontaires dont anamnèse relative à l’altitude est connue, seuls sont étudiés les cas qui peuvent être considérés comme extrêmes en ce qui concerne la prédisposition et la résistance au MAM [6]. L’important chevauchement des valeurs individuelles dans un collectif si sélectif corrobore le fait que la significativité statistique n’est ici pas associée à la pertinence clinique.
En raison de leur large diffusion et de leur faible prix, les oxymètres de pouls sont aujourd’hui même utilisés par les amateurs lors d’expéditions ou randonnées. Si de telles mesures sont réalisées, il convient de garder à l’esprit que même chez les personnes en bonne santé, il existe une grande variabilité interindividuelle de la SaO2 en altitude, et que la valeur normale ne dépend pas que de l’altitude absolue, mais également du degré d’acclimatation ventilatoire, c.-à-d. de la vitesse d’ascension et de la durée de séjour à cette altitude [7]. Pour cette raison, la valeur normale doit toujours être déterminée dans un groupe présentant des caractéristiques d’ascension comparables; en outre, les variations par rapport à la valeur normale déterminée doivent toujours être considérées dans le contexte clinique en tenant compte des causes de mesures erronées [8]. Les mesures d’oxymétrie de pouls peuvent aider à confirmer le diagnostic clinique de suspicion d’œdème pulmonaire, mais ne permettent pas d’établir de pronostic fiable quant au risque de MAM pour la suite de l’ascension. Cela a été montré dans des études prospectives menées avec des collectifs relativement petits pour des mesures à 3080 mètres d’altitude sur le mont Rainier [9] et à 4200 mètres d’altitude sur le mont McKinley (Denali) [10], ainsi que dans un vaste collectif de 1000 personnes à 2600 et 3400 mètres d’altitude [11].
Figure 2: La moitié gauche montre la saturation en oxygène (valeurs moyennes ± écart-type) mesurée par oxymétrie de pouls 20–30 min après exposition en hypoxie normobare (FiO 2 0,10–0,15) ou 20–30 min après arrivée à 2000–4500 mètres d’altitude après transport passif rapide. 63 personnes avec mauvaise et 83 personnes avec bonne tolérance à l’altitude, qui ont été sélectionnées parmi 500 alpinistes avec anamnèse relative à l’altitude connue. Données issues de [6]. La moitié droite montre la ventilation (valeurs moyennes ± écart-type) en hypoxie normobare (FiO 2 0,115) représentée sous forme d’augmentation de la ventilation en l/min par diminution d’un pourcent de la saturation, au repos et à l’effort avec 50% VO 2 max n = 128. Données issues de [13].

Mesures de la ventilation en hypoxie pour la prédiction de la prédisposition

Plusieurs groupes ont analysé le lien entre la réponse ventilatoire à l’hypoxie (RVH) et le MAM. Alors que les études ayant inclus jusqu’à 30 volontaires n’ont trouvé aucune association significative entre les deux paramètres [12], une étude prospective menée auprès de 128 alpinistes [13] a montré que le MAM était associé de façon significative à une plus faible réponse ventilatoire à l’hypoxie normobare (FIO2 = 0,115, ce qui correspond à une PO2 à 5000 mètres d’altitude) au repos et à l’effort. Les résultats de cette étude sont représentés dans la figure 2 (moitié droite) et montrent un chevauchement très important des valeurs individuelles, rendant ce test inadapté pour fournir un pronostic fiable au cas par cas. Bien qu’il y ait une significativité statistique, ces différences en termes de RVH en tant que paramètre isolé ne revêtent aucune pertinence clinique en ce qui concerne l’évaluation du risque.

Mesure de la performance aérobie pour la prédiction de la prédisposition

Dans des études prospectives, la consommation maximale d’oxygène (VO2max) et la performance maximale atteintes lors d’une ergospirométrie n’étaient pas corrélées avec les scores MAM obtenus lors d’expéditions et randonnées [13, 14]. A l’inverse, la variabilité de la ­VO2max explique 20% des franchissements de sommets [13], ce qui est considérable lorsque l’on pense au nombre de facteurs qui déterminent le succès du franchissement d’un sommet. L’entraînement d’endurance constitue donc une préparation judicieuse pour de telles entreprises, même s’il ne prémunit pas contre le MAM. Le résultat d’une ergométrie ne contribue pas à l’évaluation du risque de MAM, et la performance est généralement évaluable sans ergométrie grâce à l’anamnèse sportive. Les personnes pour qui grimper à plus de 4000 mètres d’altitude dans les Alpes n’est pas un problème peuvent également atteindre des altitudes de 5000–6000 mètres, avec une bonne acclimatation et en allant plus lentement que dans les Alpes.
En résumé, on peut retenir que la pré-acclimatation, la vitesse d’ascension et la prédisposition individuelle constituent les principaux prédicteurs de MAM. Le meilleur moyen d’évaluer la prédisposition est l’anamnèse; les tests de laboratoire ne sont pas judicieux pour apprécier la prédisposition en raison de leur manque de sélectivité (voir également paragraphe «Les tests d’effort en hypoxie sont-ils judicieux pour prédire la prédisposition aux maladies d’altitude sévères?»). Une bonne performance aérobie ne protège pas d’un MAM, mais constitue un prérequis essentiel pour l’alpinisme à haute altitude. Chez les alpinistes ­actifs, elle peut être déterminée par une anamnèse sportive, rendant ainsi superflue la réalisation d’une ergométrie. Etant donné que l’OCHA se développe généralement à partir d’un MAM d’évolution progressive, ces affirmations s’appliquent donc également à l’OCHA.

Œdème pulmonaire de haute altitude

L’œdème pulmonaire de haute altitude (OPHA) peut survenir en cas d’ascension rapide au-delà de 3000 mètres d’altitude. Il se manifeste initialement par une baisse des performances anormale pour l’altitude, une dyspnée d’effort et une toux, suivies d’une dyspnée de repos, d’une orthopnée et d’expectorations teintées de sang. L’OPHA est un œdème pulmonaire potentiellement mortel induit par la pression, non cardiaque, qui répond bien aux vasodilatateurs pulmonaires comme l’oxygène (→ redescente!), la nifédipine ou les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (PDE5) [1].
Les chiffres présentés dans le tableau 1 relatifs à la prévalence de l’OPHA indiquent que celle-ci dépend de l’altitude, de la vitesse d’ascension et de la prédisposition individuelle. Plus l’ascension est rapide et haute, plus l’OPHA est fréquent. Jusqu’à présent, l’influence de la pré-acclimatation n’a pas été étudiée de façon systématique. Des cas anecdotiques d’alpinistes ayant gravi le mont McKinley (Denali) qui, après un OPHA à 4200 mètres d’altitude et une redescente consécutive au camp de base pour se rétablir, ont franchi avec succès le sommet à 6195 mètres d’altitude, soulignent l’importance de la pré-acclimatation. En outre, des observations personnelles [15] montrent que les alpinistes ayant été plusieurs fois victimes d’un OPHA dans les Alpes après une ascension rapide sont en mesure ­d’atteindre sans problème des sommets jusqu’à 7000 mètres d’altitude lors d’expéditions, et ce sans médicaments, pour autant qu’ils ne grimpent pas de plus de 300–350 mètres/jour en moyenne à partir de 2000 mètres d’altitude, ou bien qu’il se soient préalablement acclimatés à des altitudes comprises entre 3000 et 5000 mètres. Ces observations suggèrent que la vitesse d’ascension et la pré-acclimatation sont déterminants autant pour l’OPHA que pour le MAM.
Tableau 1: Prévalence de l’œdème pulmonaire de haute altitude (OPHA).
 AltitudeAscensionPrévalence
Alpes4559 m2–4 jours 0,2%
Trek en Himalaya5450 m6 jours 2%
Alpes
(sans anamnèse OPHA)
4559 m22 heures 6%
Himalaya (soldats)5500 mAvion/voiture16%
Alpes
(avec anamnèse OPHA)
4559 m22 heures62%
Influence de la vitesse d’ascension, de l’altitude et de la prédisposition sur la prévalence de l’OPHA. Données issues de [22, 28, 29].
Des études portant sur la prophylaxie de l’OPHA avec des médicaments qui abaissent la pression artérielle pulmonaire (PAP) [16, 17] attestent que l’augmentation excessive de la pression dans les artères pulmonaires constitue un facteur physiopathologique décisif de l’OPHA. De nombreuses études ont montré que les alpinistes avec antécédents d’OPHA présentent une augmentation excessive de la PAP en cas de courte exposition à l’hypoxie (cité dans [18]), ce qui peut également être mis en évidence de façon non invasive au moyen d’une échocardiographie Doppler dans des conditions d’hypoxie normobare (fig. 3) [19]. Une augmentation excessive de la PAP en hypoxie se retrouve vraisemblablement chez env. 10% de la population caucasienne, comme le laisse supposer une étude multicentrique conduite en Europe de l’Ouest [20]. Dehnert et al. ont cependant montré que seules 4 personnes sur 29 (= 13%) présentant une PAP excessive en hypoxie et n’ayant encore jamais été en altitude développent un OPHA en cas d’ascension rapide à 4559 mètres d’altitude [21]. Les personnes avec antécédents d’OPHA et augmentation excessive de la PAP en hypoxie développent, quant à elles, un OPHA dans bien 60% des cas lors d’une exposition similaire (tab. 1) [22]. L’étude de Dehnert et al. [21] montre qu’outre l’augmentation excessive de la PAP en hypoxie, il doit exister encore d’autres facteurs participant à la prédisposition à l’OPHA. Pour cette raison, les mesures de la PAP en hypoxie ne permettent pas d’identifier de façon fiable les personnes prédisposées à l’OPHA.
Figure 3: Pression artérielle pulmonaire systolique déterminée par échocardiographie chez 19 personnes prédisposées et 18 personnes non prédisposées à l’OPHA, avant et après exposition de 2 heures en hypoxie normobare (FiO 2 = 0,12, PO 2 correspond à une altitude de 4500 mètres). La ligne en pointillés indique la valeur seuil de 41 mm Hg. Données ­issues de [19].
Pour résumer, on peut retenir que l’altitude absolue, la vitesse d’ascension et la prédisposition individuelle constituent les principaux déterminants de la survenue d’un OPHA. En règle générale, chez les personnes prédisposées, un OPHA peut aussi être évité à des altitudes allant jusqu’à 7000 mètres, et ce sans prophylaxie médicamenteuse, pour autant que l’ascension soit lente (en moyenne 300–350 mètres/jour à partir de 2000 mètres d’altitude). Bien que l’augmentation excessive de la PAP en hypoxie soit un facteur physiopathologique décisif de l’OPHA, il ne peut pas être utilisé pour identifier la prédisposition à l’OPHA à basse altitude car il existe certainement d’autres facteurs de cette prédisposition, qui ne sont pas connus précisément.

Les tests d’effort en hypoxie sont-ils judicieux pour prédire la prédisposition aux maladies d’altitude sévères?

Dans une étude prospective monocentrique menée pendant 17 ans avec 3994 personnes qui souhaitaient séjourner à plus de 4000 mètres d’altitude pendant 2 jours, l’anamnèse a été recueillie et un test d’hypoxie au repos et à l’effort a été réalisé, avec mesure de la ventilation, de la fréquence cardiaque et de la saturation en oxygène [4]. Les principaux facteurs de risque de maladie d’altitude sévère (définie comme un OPHA, un OCHA ou un MAM) entraînant une limitation significative de l’activité sont représentés dans le tableau 2. Grâce à des paramètres qui peuvent être recueillis au moyen de l’anamnèse, il est possible d’atteindre une précision prédictive de 0,84 en cas d’anamnèse relative à l’altitude connue et de 0,72 en l’absence de celle-ci. L’inclusion de la ventilation et de la saturation en oxygène mesurées lors du test d’effort augmente la précision de 8% chez les personnes avec anamnèse relative à l’altitude connue, pour atteindre 0,91. En l’absence d’anamnèse relative à l’altitude, cette augmentation est de 24%, pour atteindre 0,89 [23]. Les auteurs de cet article de revue estiment que la recommandation de réaliser de tels tests [5] n’est pas judicieuse, même chez les personnes chez qui il n’y a pas d’anamnèse relative à l’altitude. En voici les raisons [24]:
Le modèle de prédiction de Canouie-Poitrine et al. [23] repose sur des données monocentriques avec un taux de réponse de seulement 22%, et sur une évaluation uniquement subjective des volontaires. De plus, les répercussions des recommandations basées sur les résultats aux tests de personnes n’ayant aucune expérience de l’altitude ne sont pas clarifiées, et les prophéties autoréalisatrices ou faux sentiments de sécurité sont possibles. Aussi longtemps que les répercussions de ces tests de laboratoire n’auront pas été comparées à celles du procédé state of the art décrit dans le paragraphe suivant et que le rapport bénéfice/coût de ces tests n’aura pas été déterminé, ces examens ne devraient pas avoir lieu en dehors d’études contrôlées. Enfin, il convient de garder à l’esprit que les maladies d’altitude sévères peuvent généralement être prévenues par le traitement adéquat d’un MAM débutant. Pour cette raison, les tests de laboratoire à basse altitude ayant pour but de prévenir les maladies d’altitude sévères ne sont au fond pas nécessaires. Il est bien plus essentiel de fournir aux personnes en quête de conseils des ­instructions pour éviter un MAM (voir paragraphe «Recommandations pour la procédure pratique»).
Tableau 2: Facteurs de risques de maladies d’altitude sévères au-delà de 4000 m.
 Odds ratio ajusté
MAM à l’anamnèse12,9 (7,0–23,7)
RVH à l’effort <0,79 6,7 (3,8–11,6)
Ascension >400 m/jour 5,9 (3,8–9,2)
Chute SaO2 à l’effort ≥22% 2,5 (1,5–4,1)
Anamnèse de migraine* 2,3 (1,3–4,1)
Destination Ladakh, Aconcagua, Mont Blanc 2,2 (1,1–4,5)
FC/SaO2,à l’effort 2,1 (1,4–3,3)
Activité physique régulière* 1,6 (1,0–2,5)
Sexe féminin* 1,6 (1,0–2,4)
Age <46 ans 1,6 (1,0–2,4)
Abréviations: RVH = réponse ventilatoire à l’hypoxie en l/min par chute de 1% de la saturation en O2; FC/SaO2 = chute de la fréquence cardiaque par chute de 1% de la saturation en O2. Les valeurs entre parenthèses indiquent l’intervalle de confiance à 95%. * Décrit les paramètres pour lesquels on trouve des résultats contradictoires dans la littérature. Données issues de [4].

Dépistage génétique pour évaluer les risques

On a jusqu’à présent analysé une multitude de gènes codant pour des protéines qui sont impliquées dans la vasoconstriction pulmonaire hypoxique, la régulation du système rénine-angiotensine-aldostérone, la synthèse ou libération de l’endothéline, la synthèse de NO, la formation ou neutralisation de radicaux libres de l’oxygène et la régulation du système nerveux végétatif. Quelques polymorphismes qui pourraient être associés à un MAM ou un OPHA ont été trouvés [25]. En règle générale, les études ne permettent pas de tirer des conclusions fiables car le nombre de volontaires est insuffisant. Les effets des polymorphismes individuels sont la plupart du temps faibles et les résultats des ­différentes études sont souvent contradictoires. Pour résumer, nous pouvons dire que la prédisposition au MAM ou à l’OPHA est due à des causes polygéniques et que les modèles sous-jacents des polymorphismes ne sont pas identifiés. Ainsi, le développement de puces géniques qui pourraient permettre d’identifier les personnes présentant une prédisposition est encore loin de voir le jour.

Recommandations pour la procédure pratique

Afin de conseiller les alpinistes et les randonneurs, il convient d’exclure ou de prendre en compte les maladies préexistantes pouvant altérer la tolérance à l’altitude. De plus, il convient d’estimer, sur la base de l’anamnèse sportive, si la réserve de performance est suffisante pour l’entreprise planifiée. On procède à une évaluation des risques selon le tableau 3 [26], à partir de l’anamnèse relative à l’altitude recueillie de façon minutieuse et du profil d’ascension prévu, et en tenant compte des éventuelles démarches de pré-acclimatation. En cas de risque modéré, et plus impérativement en cas de risque élevé, des mesures visant à réduire ce risque doivent être recommandées. Elles consistent en une amélioration de la pré-acclimatation, en des modifications du profil d’ascension ou en une prophylaxie médicamenteuse, telle que décrite par Bartsch P et al. [26] ou dans les recommandations de la Wilderness ­Medical Society [27]. Enfin, il convient de s’assurer que les symptômes des maladies d’altitude et les mesures ­thérapeutiques correspondantes soient connus par les personnes concernées. Le cas échéant, elles peuvent être renvoyées à des sites internet, tels que www.medex.org.uk, qui comprennent des informations essentielles pour les amateurs, disponibles dans de nombreuses langues.
Tableau 3: Evaluation du risque de maladies d’altitude aigües.
Faible risque: – Ascension lente (≤500 m/jour au-delà de 2500 m)
 – Pas d’anamnèse de MAM, OCHA ou OPHA lors de précédentes expositions comparables
 – Ascension >500 m/jour au-delà de 2500 m chez les personnes pré-acclimatées (séjours <3000 m au cours des semaines précédentes)
Risque modéré: – Anamnèse relative à l’altitude inconnue et ascension >500 m/jour au-delà de 2500 m
 – Anamnèse relative à l’altitude inconnue et ascension au-delà de 3000 m en 1 jour
Haut risque– Anamnèse relative à l’altitude inconnue et ascension très rapide (nettement plus de 500 m/jour) et altitude finale >4000 m
 – Anamnèse de MAM, OCHA ou OPHA lors d’expositions précédentes comparables
D’après [26]. Les altitudes indiquées se rapportent à l’altitude de sommeil.
Il est particulièrement important d’être conscient du fait qu’un faible risque ou une prophylaxie médicamenteuse n’excluent pas la survenue d’une maladie d’altitude aigüe et qu’il convient, dans ces cas également, de procéder selon les directives pertinentes afin d’empêcher la survenue d’une maladie d’altitude sévère:
1. Jours de repos et traitement symptomatique en cas de MAM débutant;
2. En cas de persistance des symptômes de MAM malgré le jour de repos et le traitement symptomatique, descendre;
3. En cas de symptômes de MAM, ne jamais grimper à une altitude de sommeil plus haute;
4. En cas de suspicion d’OPHA ou d’OCHA débutant, descendre immédiatement lorsque cela est possible;
5. Ne jamais laisser une personne malade seule.

Résumé pour la pratique

L’altitude absolue, la pré-acclimatation, la vitesse d’ascension et la prédisposition individuelle sont les principaux prédicteurs du mal aigu des montagnes (MAM), de l’œdème cérébral de haute altitude (OCHA) et de l’œdème pulmonaire de haute altitude (OPHA). Les données anamnestiques sont le meilleur moyen d’évaluer la prédisposition aux maladies d’altitude aiguës. Les mesures de la saturation en oxygène ou de la ventilation en hypoxie aiguë ne sont pas judicieuses pour l’évaluation de la prédisposition à un MAM en raison de leur sélectivité insuffisante. Bien que l’augmentation excessive de la pression artérielle pulmonaire (PAP) en hypoxie soit un facteur physiopathologique décisif de l’OPHA, il ne peut pas être pris en considération pour l’indentification de la prédisposition à l’OPHA à basse altitude, car d’autres facteurs (inconnus) jouent un rôle dans la pathogenèse de cette maladie. Jusqu’à présent, aucune étude n’a été menée afin de savoir si les tests en hypoxie sans anamnèse relative à l’altitude conduisent à une amélioration de la prédiction et à une diminution plus importante des maladies d’altitude par rapport aux consultations sans tests d’hypoxie. Dès lors, les tests d’hypoxie ne peuvent pas être recommandés en dehors des études contrôlées. Il n’y a pas lieu de déterminer les polymorphismes génétiques pour l’évaluation de la prédisposition individuelle en raison du manque de pertinence. Une bonne performance aérobie ne protège pas du MAM et de l’OPHA, mais constitue un prérequis essentiel pour l’alpinisme en haute altitude (>4000 mètres). Le risque individuel peut être estimé à partir de l’anamnèse relative à l’alpinisme, de la pré-acclimatation planifiée et du profil d’ascension, et des mesures correspondantes peuvent être formulées.
Prof. Dr méd. Peter Bärtsch
Departement ­Innere ­Medizin
Universitätsklinikum
INF 410
DE-69120 Heidelberg
peter.bartsch[at]med.uni-heidelberg.de
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