Fièvre chez l’enfant
Conseils pour la pratique

Fièvre chez l’enfant

Fortbildung
Édition
2019/07
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2019.10086
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2019;19(07):205-208

Affiliations
Kinderarztpraxis Olten; Berner Institut für Hausarztmedizin BIHAM

Publié le 03.07.2019

En situation d’urgence, au cabinet du médecin de famille ou encore au service des urgences adultes, la fièvre chez l’enfant est toujours encore une source d’inquiétudes. Bien que le réflexe d’envoyer directement l’enfant à l’hôpital pédiatrique soit compréhensible, une évaluation à l’aide de moyens simples peut souvent être réalisée sans problème par le médecin de famille. Cet article explique la mesure de la température corporelle, fournit une définition de la fièvre chez l’enfant et décrit son traitement empirique. S’ensuivent quelques conseils pratiques pour les examens supplémentaires, ainsi que des recommandations pour la prise en charge générale.

Définition

Dans la mesure où la capacité à réagir à une infection par de la fièvre n’est souvent pas encore complètement développée chez les très jeunes nourrissons, on parle déjà de fièvre en cas de température >38,0 °C au cours des deux premiers mois de vie; à partir de l’âge de 2 mois, c’est uniquement le cas à partir d’une température de 38,5 °C. La fièvre est exclusivement le symptôme d’une maladie, et elle ne renseigne donc aucunement sur le type ou la gravité de la maladie. De nombreuses connaissances dont disposaient les anciennes générations concernant la gestion de la fièvre et de la maladie se sont perdues, et il n’est donc pas surprenant que le médecin soit consulté plus rapidement et plus souvent qu’auparavant. Avec l’utilisation de «Google», les parents sont de moins en moins rassurés et de plus en plus exigeants. Cela représente un nouveau défi pour le médecin. De plus, la peur de manquer quelque chose lorsqu’il s’agit d’un enfant est perçue comme plus éprouvante sur le plan émotionnel que pour un adulte.

Mesure

La fièvre est définie comme une élévation de la température corporelle et elle se mesure à l’aide de différentes méthodes (mesure rectale, mesure frontale, thermomètre-sucette, mesure sublinguale, mesure axillaire).
Chaque méthode a des avantages et des inconvénients, mais certaines sont associées à un risque d’erreur moindre. La mesure rectale est parfaitement adaptée pour les nourrissons, elle est précise et elle peut s’effectuer en douceur. Grâce aux nouveaux thermomètres flexibles, la mesure ne prend que quelques secondes. La méthode axillaire est celle qui comporte le plus d’erreurs et elle n’est adaptée que sous certaines conditions chez l’enfant. La mesure de la température dans l’oreille est appréciée et souvent utilisée par les parents tout comme par les médecins. Cette méthode repose sur la mesure infrarouge au niveau du tympan. Le siège du centre de contrôle de la température corporelle (hypothalamus) étant étroitement lié au tympan par les vaisseaux sanguins, une mesure précise peut être obtenue si elle est correctement réalisée. Cependant, le conduit auditif des nourrissons est souvent encore trop étroit et il ne doit pas être bloqué par du cérumen. Au cabinet médical, la mesure de la température au niveau du front est également adaptée. Ces appareils sont trop onéreux pour l’usage privé, mais ils sont très précis et équivalents à la méthode rectale.

Traitement empirique

Traitement antipyrétique

Un traitement antipyrétique adéquat peut améliorer considérablement le bien-être et la qualité de vie de l’enfant malade. Il faut juger selon la situation et surtout selon l’état général de l’enfant s’il convient d’utiliser des médicaments ou bien des remèdes maison. Les compresses de vinaigre souvent utilisées par nos grand-mères sont particulièrement adaptées pour faire baisser la fièvre chez les enfants plus âgés dans un bon état général. Cette méthode ne convient que dans une certaine mesure pour les nourrissons, d’autant plus qu’ils ont souvent les extrémités froides en cas de fièvre et qu’ils sont souvent modérément coopératifs lors de l’application des compresses.
Pour les enfants, le paracétamol à une dose suffisante (20 mg/kg de poids corporel par dose, au maximum toutes les 6 heures) est le traitement médicamenteux de premier choix. Il existe d’innombrables préparations sur le marché sous toutes les formes galéniques possibles (suppositoires, poudre, comprimés, sirops, granules, comprimés orodispersibles, etc.), mais malheureusement, les indications de dosage sur les emballages des médicaments sont souvent imprécises et les doses trop faibles.
Comme deuxième recours et/ou en cas d’infection plus sévère, il est possible d’administrer de l’ibuprofène (à partir de 6 mois, 10 mg/kg de poids corporel par dose, au maximum toutes les 8 heures) ou du diclofénac (à partir de 12 mois, 1 mg/kg de poids corporel par dose, au maximum toutes les 8 heures). Pour ces principes actifs également, il existe diverses formes galéniques, le sirop Algifor® étant le plus connu des parents.

Examens

Les enfants malades ne se rendent pas d’eux-mêmes chez le médecin. Ils y sont amenés par leurs parents et ne veulent rien savoir du pédiatre. Il faut donc souvent faire preuve d’un peu de patience et de créativité lors de l’examen, mais quelques astuces peuvent s’avérer utiles. Comme l’enfant a un grand besoin de sécurité, il est préférable de l’examiner sur les genoux des parents. Les enfants donnent rarement une seconde chance, ce qui signifie qu’il faut être rapide et pouvoir compter sur la coopération des parents (par ex. bonne tenue de l’enfant lors de l’inspection des oreilles, etc.). Distraire l’enfant, par ex. à l’aide d’une boîte à musique ou d’un jouet, peut être très utile. Le cérumen peut être retiré simplement à l’aide d’une petite curette auriculaire, si la vue sur le tympan est masquée.

Examens complémentaires

Sur la base d’une bonne anamnèse actuelle et d’un examen clinique approfondi, un diagnostic de suspicion est posé. Si l’examen ne laisse aucun doute (par ex. en cas d’otite moyenne aiguë), alors le diagnostic de suspicion est le diagnostic définitif.
Si ce n’est pas le cas, des examens supplémentaires sont nécessaires pour confirmer le diagnostic et éventuellement éliminer les potentiels diagnostics différentiels. En pédiatrie, des examens mini-invasifs, comme un prélèvement de sang capillaire, une analyse d’urine et une radiographie, suffisent dans la plupart des cas. Si un diagnostic ne peut toujours pas être posé après ces examens complémentaires, le patient est orienté vers une clinique pour procéder à des tests supplémentaires.

Analyses de laboratoire

Hémogramme

Pour déterminer l’hémogramme et la protéine C réactive (CRP), un prélèvement de sang capillaire est suffisant. Prélever du sang veineux à titre de réserve pour éventuellement pouvoir prescrire des analyses supplémentaires en cas de suspicion n’est pas justifié en cas d’infection aiguë chez l’enfant. Les prélèvements de sang veineux doivent être bien planifiés, préparés (par ex. patch Emla®) et justifiés.
Les prélèvements de sang capillaire peuvent être utiles pour faire la distinction entre une infection virale et bactérienne. Dans l’idéal, l’hémogramme et la CRP doivent pouvoir être évalués. Cependant, un prélèvement sanguin peut également s’avérer difficile chez l’enfant. Ici aussi, certaines astuces peuvent être utiles comme se réchauffer les doigts, bien tenir l’enfant, le distraire, ou encore tourner la main (fig. 1).
Figure 1: Astuces pour le prélèvement de sang capillaire. A: préchauffer; B: tenir; C: tourner.

Analyse urinaire

Le recueil d’urine chez les nourrissons et les jeunes enfants peut s’avérer particulièrement difficile. Pour collecter l’urine des enfants qui ne vont pas encore aux toilettes, la méthode de référence est le sondage urinaire. Il s’agit d’une méthode complexe dans la pratique quotidienne, qui n’est pas réalisée par tout le monde. Il est également possible de collecter l’urine par «clean catch»: pour ce faire, les parents attendent une miction spontanée de l’enfant et la recueillent dans un récipient stérile. Cette méthode peut aussi s’avérer chronophage et elle n’est pas toujours réalisable. Par conséquent, il est possible d’opter en tant que première méthode de dépistage pour le recueil d’urine à l’aide d’un petit sac. Ici aussi, quelques astuces simples peuvent aider à raccourcir quelque peu la durée de ce processus. Chez les nourrissons et jeunes enfants fébriles qui ne peuvent pas encore aller aux toilettes, il est judicieux d’attacher une poche urinaire dès l’arrivée au cabinet. Cela permet parfois d’éviter d’attendre longuement la miction de l’enfant.
Un nettoyage minutieux est indispensable avant la fixation de la poche urinaire et cette dernière ne doit pas être laissée en place plus d’1 heure. Au besoin, il convient de fixer une nouvelle poche, en gardant à disposition un récipient à urine au cas où l’enfant urinerait lors du changement de poche. Un chiffon froid sur l’abdomen, des bains de pieds froids, la prise de température rectale, souffler sur les jambes, stimuler les points de pression sur la plante des pieds ou laisser l’enfant boire peuvent éventuellement favoriser la miction chez le nourrisson et réduire considérablement le temps d’attente (fig. 2).
Figure 2: Mesures qui peuvent favoriser la miction chez les jeunes enfants. A: souffler; B: bain de pieds froid; C: point de pression.

Prise en charge

Fièvre avec foyer infectieux

Les affections telles que l’otite moyenne, la scarlatine etc. ne requièrent en soi pas d’analyses de laboratoire, leur diagnostic est clinique et elles peuvent à la ­rigueur être confirmées par un test rapide (streptocoques A).

Fièvre sans foyer infectieux

Chez les nourrissons et les enfants en bas âge, il est fréquent qu’aucun foyer infectieux ne soit trouvé à l’examen clinique. En cas de diagnostic de suspicion de fièvre sans foyer infectieux, il est nécessaire de réaliser des examens supplémentaires afin de pouvoir faire la distinction entre infection bénigne et maladie gave. Cela inclut impérativement une analyse urinaire, car les infections urinaires ne sont pas rares, en particulier chez les filles, et elles peuvent avoir une évolution grave (pyélonéphrite, urosepsis) (fig. 3). Même si l’examen urinaire montre une valeur pathologique, seule une culture positive prouve une infection des voies urinaires chez l’enfant. Selon l’âge et l’état général de l’enfant, on n’attendra cependant pas les résultats de la culture, mais on débutera déjà une antibiothérapie.
Figure 3: Recherche des causes de la fièvre. A: hémogramme et CRP; B: analyse d’urine.

Exemple de cas 1

Anamnèse: Fille de 7 mois, avec une fièvre allant jusqu’à 39,5 °C (mesure rectale) depuis la veille au soir. Administration d’1 dose de Dafalgan® 150 mg pour un poids de 7800 g. Sommeil perturbé, pleurs fréquents, un peu plus tranquille dans les bras des parents, vomissement à une reprise (biberon de la nuit), au matin 40,11 °C, ne voulait plus du biberon.
Examen clinique: Etat général diminué, température rectale de 39,9°C, saturation en oxygène de 99%, pouls de 146/min, poids corporel de 7790 g. En dehors d’une gencive légèrement enflée et rouge au niveau des dents du milieu de la mâchoire inférieure, examen clinique sans particularités. Fièvre sans foyer infectieux.
Laboratoire: Analyse de sang capillaire et analyse d’urine.
Diagnostic: Forte suspicion d’infection urinaire fébrile (diagnostic différentiel: pyélonéphrite). Confirmation par culture d’urine, croissance de 105 E. coli.

«Mauvais» pressentiment

Les enfants gravement malades, qui présentent un état général très diminué, sont apathiques et sujets aux convulsions et/ou déshydratés, suscitent un «mauvais» pressentiment chez le médecin. Il faut y prêter attention et transférer l’enfant à la clinique, éventuellement par ambulance.

Exemple de cas 2

Anamnèse: Garçon de 3 ans, fièvre élevée allant jusqu’à 40 °C depuis la veille, dort beaucoup, ne veut pas se lever, pleure à chaque mouvement, ne boit plus et ne mange plus.
Examen clinique: Etat général fortement diminué, température auriculaire de 40,2 °C, saturation en oxygène de 97%, pouls de 132/min. Patient apathique, yeux fermés, tachycardie, méningisme considérable, pas de pétéchies, pas d’exanthème, pas d’autres anomalies à l’examen clinique.
Evaluation: Forte suspicion de méningite. Transfert à l’hôpital en ambulance.
Rapport de l’hôpital: Méningite à méningocoques B.

Conclusion

Avec une bonne anamnèse et un examen clinique approfondi, le foyer infectieux peut souvent être identifié. Toutefois, si celui-ci n’est pas évident, des examens mini-invasifs, tels qu’un hémogramme, une analyse d’urine et/ou une radiographie, aident souvent à différencier une infection bénigne d’une infection grave. Ces examens permettent même souvent de poser ou d’exclure un diagnostic. La fièvre sans foyer infectieux impose systématiquement une analyse d’urine chez les jeunes enfants, car les infections urinaires ne sont pas rares et peuvent avoir une évolution grave.
Brigitte Niederer
BIHAM
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