«Nous sommes des experts ­mutuels les uns pour les autres»
Interview avec Jürg Eidenbenz, pionnier et tuteur dans la formation de base et la formation continue des modérateurs de cercles de qualité

«Nous sommes des experts ­mutuels les uns pour les autres»

Aktuelles
Édition
2019/08
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2019.10121
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2019;19(08):228-230

Affiliations
Collaboratrice du Service de la formation continue et postgraduée de la SSMIG

Publié le 31.07.2019

Fin mai de cette année, la SSMIG a encore tenu un cours de base pour les futures modératrices/ les futurs modérateurs de cercles de qualité (CQ) issues/issus de différentes professions du domaine de la santé. Jürg R. Eidenbenz, tuteur et médecin de famille expérimenté, a initié les douze participants aux méthodes et au mode de fonctionnement des CQ. Dans cette interview, il passe en revue les connaissances transmises lors des cours d’une journée et demie et explique pourqoui les CQ ont autant d’importance pour le travail de l’amélioration de la qualité dans le domaine de la santé.

Commençons par une question simple et directe. A quoi servent les CQ et qu’ont-ils de particulier?
Jürg Eidenbenz: Le CQ est l’un des rares endroits où il est possible d’échanger de manière autonome avec des ­collègues ou d’autres professionnels comparables et équivalents sur le plan hiérarchique. Tous les aspects professionnels, tels que les questions et nouveautés spécifiques à la profession mais également les contraintes et les compétences relatives à la gestion du temps et d’autres défis, peuvent y être abordés. Il s’agit d’adapter des lignes directrices existantes ou d’en élaborer de nouvelles dans le cadre d’un processus de groupe. Grâce à une relation empreinte de confiance au sein du groupe, il est possible de déceler les «angles morts». Le travail à long terme au sein du CQ peut également servir à la prévention du burnout.
Quelles sont les connaissances transmises lors des cours de base de la SSMIG et quelles méthodes sont utilisées?
Le cours fournit un aperçu des principes théoriques du travail de qualité dans les professions du secteur de la santé. Les participants ont en premier lieu l’opportunité d’acquérir des compétences pratiques en tant que ­modératrice/modérateur. A cet effet, les participants s’exercent à des méthodes de modération éprouvées lors de jeux de rôle, suivis d’un retour d’information critique bienveillant.
En outre, les principales étapes du cycle Plan-Do-Check-Act, également appelé cycle PDCA ou Medical Audit, sont passées en revue sous l’angle théorique et pratique. Le jeu de rôle occupe l’avant-plan en tant que méthode didactique. Ainsi, chacun expérimente personnellement la fonction de modératrice/modérateur et de participant à un CQ. Un vécu qui, en plus du travail cérébral, contient bien des facettes du monde affectif. Les participants au cours découvrent comment la dynamique de groupe peut en partie être modulée par le modérateur, et que d’autre part, elle est forgée par un processus d’auto-détermination collectif. Un contenu spécifique du cours est l’apprentissage du processus de travail à long terme axé sur les objectifs et les solutions, se basant sur des thèmes centrés sur la patiente/le patient ainsi que sur leur interlocuteur professionnel au lieu de travail. En plus, les participants découvrent des astuces qui facilitent leur travail en tant que modératrices/modérateurs.

Portrait

Pendant 30 ans, Jürg Eidenbenz a exercé la profession de médecin de famille dans son propre cabinet, d’abord à Vevey puis à Binningen. Il a pendant de longues années été modérateur de CQ du groupe «Groupe de Rennaz, Qualité Continue».
Il a également acquis une solide expérience au Lesotho en tant que directeur du service de santé de base dans la coopération internationale en matière de santé. En tant que pionnier, il y a implémenté les principes des «soins de santé primaires» conformément à la conférence d’Alma Ata.
Pendant 20 ans, Jürg Eidenbenz a en outre été membre du comité de Medicus Mundi Suisse, puis de Medicus Mundi International. Il y a 6 ans, ensemble avec son épouse, il est à nouveau reparti en mission pour 3 ans en Afrique, cette fois-ci en Tanzanie. Il y a impulsé la création de «Peer Groups» d’agents de santé villageois.
Quels objectifs concrets ou visions concrètes peuvent être poursuivis dans le cadre des CQ?
L’objectif est de proposer une formation continue interactive ciblée, tout en développant et en maintenant une collégialité très précieuse – un échange dont nous, en tant que «combattants solitaires», avons besoin pour exercer notre profession au quotidien. Grâce au feedback des collègues au sein du CQ, nous sortons de l’isolement. Nous sommes des experts mutuels les uns pour les autres et acceptons aussi volontiers l’expertise des personnes traitées concernant leur santé. De nombreuses compétences que nous acquérons dans les CQ, comme par ex. la gestion des conflits, nous profitent également dans d’autres domaines de la vie (privée).
Quel rôle jouent les CQ pour le travail quotidien?
Les CQ sont des groupes lors desquels un travail réflexif centré sur le patient est accompli afin d’actualiser nos connaissances et d’optimiser nos compétences pratiques. Cela a une grande influence sur notre travail quotidien. Quiconque a participé activement à un CQ qui fonctionne bien durant des mois ou des années ne voudrait plus y renoncer. Qui plus est, nous sommes légalement tenus de fournir des efforts en vue de l’amélioration de la qualité. Certainement, bien des efforts dans cette direction avaient déjà été entrepris avant la création des CQ. La nouveauté est qu’avec les CQ, cela se déroule de façon systématique, explicite et méthodique. Il est ainsi possible de conférer une visibilité à des résultats significatifs, même s’ils sont principalement destinés à un usage interne et non pas universel.
Quelle est l’importance de l’interprofessionnalité dans les CQ?
Nos cours de la SSMIG pour les modérateurs de CQ réunissent souvent des professionnels issus de différentes professions, comme des spécialistes en médecine interne générale, des ergothérapeutes, des logopèdes, des orthophonistes, des physiothérapeutes, de chiropraticiens ou encore des coordinatrices en médecine ambulatoire.
Lors des jeux de rôle qui ont lieu pendant le cours, les participants s’exercent à la pensée circulaire au-delà de leur propre domaine de spécialité. Après le cours, les modérateurs interviennent toutefois pour l’essentiel dans des CQ spécifiques à une profession. L’interprofessionnalité dans la pratique y est alors mise en lumière en s’appuyant sur des situations de patients et des thèmes sélectionnés en lien avec le ­biseautage.

Témoignages de participants au cours

Christoph Schaub est médecin de famille dans un cabinet de groupe à Dübendorf, qui propose l’intégralité du spectre de la médecine de famille.
«Dans notre cabinet, il y a déjà un CQ établi. Je voulais en apprendre davantage sur la définition et les méthodes d’un CQ. L’objectif est bien sûr aussi de mettre en pratique les connaissances acquises. L’avenir montrera sous quelle forme et dans quelle fonction.»
Daniel Rodriguez est originaire du Tessin, a étudié la médecine à Bâle et a suivi une formation postgraduée en médecine de famille. Il y a environ 2 ans, il a repris avec sa femme un cabinet de médecine de famille à Küttigen.
«Jusqu’alors, mes expériences avec les CQ n’étaient pas très positives. Je voulais dès lors mieux apprendre à connaître la méthode. Je vois maintenant quelles sont les possibilités. J’ai appris comment il fallait créer un CQ pour qu’il soit profitable pour tous les participants. Il était également intéressant pour moi de remarquer que le modérateur ne doit pas tout faire tout seul. Le travail d’équipe avec le co-modérateur apporte un soulagement. Je me réjouis de mon premier CQ avec des médecins, mais également du travail dans des CQ interdisciplinaires avec des pharmaciens, pour pouvoir mettre en pratique les connaissances acquises. Je suis particulièrement intéressé par le développement à long terme d’un CQ.»
Isabelle Züger est employée par le canton de Schwytz, dans le service Logopédie, et elle travaille en tant que logopède en milieu scolaire à Einsiedeln. Après la maturité et un bachelor en logopédie, elle a encore fait un master en pédagogie spécialisée.
«J’ai obtenu des informations théoriques sur le travail en CQ et j’ai expérimenté directement comment fonctionne un CQ, c.-à-d. comment la théorie peut être mise en pratique. J’aimerais bien créer un CQ dans mon domaine d’activité, la logopédie, et je me verrais bien aussi l’étendre à un niveau interprofessionnel pour partager des intérêts et thèmes communs.»

La SSMIG offre des formations pour modératrices/modérateurs des CQ

La SSMIG (précédemment la SSMG) organise depuis près de 25 ans des cours de base pour modératrices/modérateurs des CQ, qui sont ouverts à différents groupes professionnels du secteur de la santé. Par ailleurs, la SSMIG s’engage dans l’association d’intérêts interprofessionnelle «Forum pour cercles de qualité», qui organise une fois par an une formation continue interactive et un échange d’expériences pour les modératrices/modérateurs de CQ formées/formés.
Prochains rendez-vous:
13.11.2019 OltenRencontre pour modérateurs des cercles de qualité «Appliquer pratiquement et ­modérer un PDCA»
15./16.11.2019OltenCours de base pour modératrices/modérateurs des CQ (langue du cours: allemand)
29./30.11.2019Estavayer-le-LacCours de base pour modératrices/modérateurs des CQ (langue du cours: français)
15./16.05.2020OltenCours de base pour modératrices/modérateurs des CQ (langue du cours: allemand)
13./14.11.2020OltenCours de base pour modératrices/modérateurs des CQ (langue du cours: allemand)
Informations complémentaires et inscription sur https://www.sgaim.ch/fr/qualite/qualitaetszirkel.html.
Simon Grossenbacher
Assistenz Geschäftsleitung
Schweizerische Gesellschaft
für Allgemeine Innere ­Medizin
Monbijoustrasse 43
Postfach
CH-3001 Bern
simon.grossenbacher[at]sgaim.ch