Traitements de l’hépatite C au cabinet du médecin de famille
Avec le projet HepCare, c’est possible

Traitements de l’hépatite C au cabinet du médecin de famille

Arbeitsalltag
Édition
2020/02
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2020.10162
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2020;20(02):67-69

Affiliations
a Hépatite Suisse, Zurich; b Institut für Hausarztmedizin, Universität Zürich; c Arud Zentrum für Suchtmedizin, Zürich; d Praxis für Grundversorgung und Infektiologie, Basel

Publié le 05.02.2020

Les conséquences de l’infection par le virus de l’hépatite C sont nombreuses et vont bien au-delà des maladies hépatiques. Les personnes touchées doivent dès lors être dépistées et traitées activement. Le projet HepCare d’Hépatite Suisse aide les médecins de famille à mettre en œuvre eux-mêmes les nouveaux traitements de l’hépatite C, simples et hautement efficaces, dans leurs cabinets.

Un grand nombre de personnes atteintes d’hépatite C chronique ne ressentent pas de symptômes spécifiques. Dans de nombreux cas, les symptômes fréquemment associés à la maladie infectieuse, tels que la fatigue, les diminutions de performance, les douleurs articulaires et les troubles digestifs, ne sont pas mis en lien avec l’hépatite C. Ainsi, de nombreuses personnes infectées n’ont jusqu’à présent jamais été testées et ne sont pas traitées, l’infection remontant parfois à des années voire des décennies: elles sont donc exposées à une morbidité et une mortalité accrues.
Chaque année, 200 personnes décèdent de l’hépatite C, un chiffre comparable à celui des victimes de la route. L’hépatite C chronique est une maladie infectieuse systémique. Outre une cirrhose hépatique et un cancer hépatique, elle peut également provoquer un diabète, une affection rénale et des tumeurs malignes extra-­hépatiques. Le virus de l’hépatite C est capable de ­traverser la barrière hémato-encéphalique, ce qui explique en partie le symptôme le plus fréquent, à savoir la fatigue.
Un traitement précoce efficace permet de prévenir les symptômes éprouvants, ainsi que les risques de maladies subséquentes. La dernière génération de médicaments contre l’hépatite C est efficace dans plus de 95% de l’ensemble des cas. Le traitement consiste la plupart du temps en la prise quotidienne d’un petit nombre de comprimés (3 ou 1) pendant 8 ou 12 semaines, et le profil d’effets indésirables est très favorable.
Les patients guéris ressentent souvent une amélioration considérable de la qualité de vie du fait du traitement. Il n’est pas rare que les symptômes induits par l’hépatite C disparaissent déjà durant le traitement. De nombreux patients rapportent une augmentation durable de leurs performances et de leur bien-être général [1].

Traitement de l’hépatite C au cabinet du médecin de famille

Le traitement de l’hépatite C est devenu très simple. Les spécialistes entrent avant tout encore en jeu dans les situations complexes avec des comorbidités ou une ­insuffisance hépatique. La mise en œuvre du traitement de l’hépatite C par le médecin de famille permet d’éliminer les obstacles à l’initiation d’un traitement. En effet, il existe souvent une relation de confiance très étroite avec le médecin de famille, ce qui favorise le succès.
Traiter une infection par le virus de l’hépatite C est une activité médicale très gratifiante. Il n’existe probablement presque aucune autre maladie chronique où un si grand succès thérapeutique peut être atteint au moyen d’un effort relativement minime et d’un traitement facile à conduire. Le résultat est en règle générale un patient très satisfait et reconnaissant. Conduire soi-même le traitement est donc également attractif pour le médecin de premier recours.
Les médicaments sont une prestation obligatoire de la LAMal et les coûts, actuellement d’env. 30 000 francs, sont pris en charge par la caisse-maladie. Seule la prescription des médicaments est encore limitée aux spécialistes par l’OFSP, raison pour laquelle les médicaments doivent être prescrits par un gastro-entérologue, un hépatologue, un infectiologue ou un médecin spécialiste en addictologie.

Encadré 1: Eliminer l’hépatite C

Aussi bien l’Organisation mondiale de la santé (OMS) que la stratégie suisse de lutte contre l’hépatite ont pour objectif ­d’éliminer l’hépatite C, en tant que fardeau pour la santé publique, d’ici 2030. Cela signifie que les contaminations ainsi que la morbidité et la mortalité doivent être ramenées à un chiffre approchant zéro. Des calculs par modélisation montrent qu’il est possible de parvenir à cet objectif de façon rentable, et ce également pour la Suisse [2, 3]. Toutefois, pour atteindre cet objectif, un tiers de personnes touchées en plus devraient déjà avoir été dépistées et traitées en 2019 par rapport à l’année 2018.

Le projet HepCare

Le projet HepCare d’Hépatite Suisse permet aux médecins de famille de conduire les traitements de l’hépatite C dans leur propre cabinet et ce, avec l’aide d’un ­réseau de spécialistes qui, dans le cas idéal, délivrent une ordonnance sur la seule base d’un consilium sur dossier et conseillent les médecins de famille en cas de questions.
Le médecin de famille remplit une liste de contrôle mise à disposition par le projet pour son patient atteint d’hépatite C et la fait parvenir au spécialiste. En fonction des valeurs transmises, le spécialiste détermine s’il doit voir le patient ou si les informations sur la liste de contrôle suffisent pour délivrer une ordonnance sur la base d’un consilium sur dossier.

Encadré 2: Qui tester?

Les personnes suivantes devraient être dépistées pour l’hépatite C:
– Anciens consommateurs et consommateurs actuels de ­drogues (par injection ou voie nasale)
– Patients qui présentent des transaminases accrues (même en présence d’une autre explication potentielle, par ex. consommation d’alcool)
– Personnes avec des tatouages ou piercings qui n’ont pas été réalisés dans des conditions stériles
– Receveurs de produits du sang en Suisse avant 1992
– Personnes séropositives au VIH
– Femmes enceintes
– Détenus et personnes ayant séjourné en prison par le passé
– Patients avec antécédents d’interventions médicales dans des pays à l’hygiène limitée
– Personnes originaires de pays hautement endémiques
En outre, les personnes nées entre 1950 et 1985 sont particulière­ment touchées par l’hépatite C et devraient être testées une fois au cours de la vie.
Personnes avec les symptômes persistants suivants:
– Forte fatigue
– Troubles de la concentration
– Douleur ou pression épigastrique
– Dépressions
– Douleurs dans les membres ou les articulations
Le spécialiste établit la prescription médicamenteuse ainsi qu’un rapport de consilium qui contient des informations détaillées sur les contrôles nécessaires pendant et après le traitement. En parallèle, une copie du rapport de consilium est transmise à la caisse-maladie avec une demande de garantie de prise en charge des coûts pour les médicaments contre l’hépatite C prescrits. L’établissement de l’ordonnance par le spécialiste évite que les coûts des médicaments soient comptabilisés au détriment de l’indice d’efficacité, d’adéquation et d’économicité du médecin de famille.
Dès que la garantie de prise en charge a été accordée, le patient en possession de l’ordonnance et de la garantie de prise en charge des coûts va chercher les médicaments à la pharmacie. Le traitement est débuté. Selon la fiabilité du patient, il peut être pertinent de délivrer les médicaments à des intervalles plus courts par l’intermédiaire du cabinet ou de la pharmacie (par exemple en cas de traitement concomitant par méthadone).
Pendant le traitement, un contrôle de laboratoire est réalisé après deux à quatre semaines. Douze semaines après la fin du traitement, l’ARN du VHC est mesuré afin de déterminer si le virus a durablement disparu, c’est-à-dire si le patient est guéri de l’hépatite C. Le médecin de famille envoie des copies des contrôles de laboratoire au spécialiste. De son côté, le spécialiste répertorie les traitements prescrits et leurs résultats sous forme anonymisée pour la direction du projet.

Formation

Du matériel d’information et un court film didactique soutiennent les médecins de famille dans leur compétence d’évaluation et de traitement de l’hépatite C. Pour les patients également, le projet met à disposition un flyer comprenant les principales informations sur l’hépatite C et le projet HepCare; ce flyer peut être disposé dans la salle d’attente ou délivré pendant la consultation. Sur demande, la direction du projet présente HepCare en détails dans le cadre de cercles de qualité ou de formations postgraduées de médecine de famille. Il est possible de se procurer gratuitement l’ensemble du matériel auprès d’Hépatite Suisse ou de le télécharger sur hepcare.ch.
Figure 1: Matériel d’information du projet HepCare pour les médecins de famille et les patients, téléchargeable sur hepcare.ch.
Le projet HepCare est financé avec le soutien de l’Office fédéral de la santé publique, de la Direction de la santé du canton de Zurich, de Swisslos canton d’Argovie et des entreprises Abbvie, Gilead et Mediservice.
PD Dr. med. ­
Philip Bruggmann
Hepatitis Schweiz
Schützengasse 31
CH-8001 Zürich
p.bruggmann[at]arud.ch
1 Younossi ZM, Stepanova M, Racila A, Afendy A, Lawitz EJ, Schwabe C, et al. Long-Term Benefits of Sustained Virologic Response for Patient-Reported Outcomes in Patients with Chronic HCV Infection. Clinical gastroenterology and hepatology : the official clinical practice journal of the American Gastroenterological Association. 2019.
2 Mullhaupt B, Bruggmann P, Bihl F, Blach S, Lavanchy D, Razavi H, et al. Progress toward implementing the Swiss Hepatitis Strategy: Is HCV elimination possible by 2030? PLoS One. 2018;13(12):e0209374.
3 Blach S, Schaetti C, Bruggmann P, Negro F, Razavi H. Cost-effectiveness analysis of strategies to manage the disease burden of hepatitis C virus in Switzerland. Swiss Med Wkly. 2019;149:w20026.