Annonce de diagnostic en Chine
Une histoire de famille?

Annonce de diagnostic en Chine

Lehre
Édition
2020/04
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2020.10202
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2020;20(04):128-129

Affiliations
a Etudiant-e-s en troisième année de bachelor de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne; b Etudiant-e-s en troisième année de bachelor de la Haute école de la santé La Source, Lausanne

Publié le 31.03.2020

A l’heure où les notions de patient partenaire et de droit à l’information sont des concepts priorisés dans les soins en Suisse, il est commun dans de nombreux pays d’Asie de pratiquer la non-divulgation thérapeutique.

Introduction

A l’heure où les notions de patient partenaire et de droit à l’information sont des concepts priorisés dans les soins en Suisse, il est commun dans de nombreux pays d’Asie de pratiquer la non-divulgation thérapeutique [1]. En Chine, afin de préserver le patient aussi bien de l’impact psychologique que somatique de ­l’annonce d’un diagnostic grave, ce dernier est souvent d’abord révélé à sa famille qui détermine ensuite s’il est favorable de le transmettre au patient ou non [1]. Ainsi, selon une étude sur 232 onco­logues en Chine, seuls 41% ­annonceraient le diagnostic d’un ­cancer en stade terminal directement au patient [2]. La loi chinoise stipule pourtant que le patient a le droit à l’information. Cependant, deux autres lois mentionnent que le soignant doit prévenir les effets néfastes des informations qu’il dispense et qu’il a le droit à la rétention d’information [3]. Au vu de ces apparentes contradictions et du peu de littérature sur le sujet, notre question était la suivante: À Wuxi, une ville de l’est de la Chine près de Shanghai, quels facteurs influencent la décision d’annoncer un diagnostic à la famille du patient plutôt qu’au patient lui-même?

Méthode

Nous avons effectué une étude d’approche qualitative composée de 25 entretiens semi-structurés. L’échantillon était constitué de médecins en médecine occidentale (n = 10) et en médecine traditionnelle chinoise (n = 4), d’étudiantes en soins infirmiers (n = 4) et en médecine (n = 3), d’infirmières en médecine occidentale (n = 3) et d’une avocate. Une traduction anglais-mandarin a été assurée par des étudiantes infirmières de l’université de Jiangnan. Les données récoltées ont été classées par thème dans une grille, nous permettant ensuite d’identifier les résultats saillants par analyse de contenu par lecture croisée.

Résultats

Notre analyse a montré que lors de l’annonce d’un diagnostic, le médecin (qui est le membre du corps soignant auquel revient la décision) prend en considération des caractéristiques propres à la maladie et au patient (fig. 1). Concernant la maladie, il l’annoncerait d’abord à la famille lorsque son issue est fatale ou que la situation est urgente, tandis que le patient serait mis au courant en premier lorsqu’elle est commune, stable ou chronique. La situation la plus citée par les répondants était celle du cancer. Les caractéristiques du ­patient principalement prises en compte étaient son état psychologique, ses connaissances médicales, son âge et sa volonté d’être informé. Les connaissances des ­soignants interrogés quant au cadre légal étaient imprécises. La plupart des répondants ont cité le droit du ­patient à l’information mais ont souligné une marge d’interprétation relativement large.
Figure 1: Représentation schématique de la prise de de décision pour l’annonce de ­diagnostic en Chine.

Discussion

Notre étude semble indiquer que les médecins, confrontés à une législation sujette à interprétation, se réfèrent à leur propre jugement lors de l’annonce d’un diagnostic. Les principaux facteurs influençant leur décision sont la sévérité de la maladie et l’état psychologique du patient. La majorité des personnes concernées par la non-divulgation sont atteintes de cancers, qui représente une des plus grandes peurs dans la ­population locale, probablement du fait qu’il est la première cause de mortalité en Chine [4].
Les limites de notre étude sont la traduction et la présence de tierces personnes durant nos entretiens. Cependant, le spectre varié des professionnels interrogés ainsi que la prise en compte de plusieurs maladies concernées par la non-divulgation sont des forces de notre étude.
En conclusion, cette pratique nous rappelle que l’idée selon laquelle l’entière transparence est bénéfique au patient [5] est propre à notre culture et nous sensibilise à d’autres réalités dont il s’agit de tenir compte lors de la prise en soins de patients issus d’autres horizons.
Nous remercions chaleureusement Dr Gaume & Mme Borloz, Mme Baumann & Mme Righetti, Prof. Yuyu et nos traductrices, ­Direction générale de l’enseignement supérieur pour leur soutien et leur aide ­indispensable.
Jacques Gaume
Responsable de recherche
Privat-docent 
Service de médecine des addictions
Département de psychiatrie
Rue du Bugnon 23A
CH-1011 Lausanne
Jacques.Gaume[at]chuv.ch
1 Wang D, Peng X, Guo C, Su Y. When clinicians telling the truth is de facto discouraged, what is the family’s attitude towards disclosing to a relative their cancer diagnosis? Support Care Cancer. 2013;21(4):1089–95.
2 Jiang Y, Li J, Liu C, Huang M, Zhou L, Li M, et al. Different attitudes of oncology clinicians toward truth telling of different stages of cancer. Support Care Cancer. 2006;14(11):1119–25.
3 Ni YH, Alræk T. What circumstances lead to non-disclosure of cancer-related information in China? A qualitative study. Support Care Cancer. 2017;25(3):811–6.
4 Xue D, Wheeler JL, Abernethy AP. Cultural differences in truth-telling to cancer patients: Chinese and American approaches to the disclosure of ‘bad news’. Prog Palliat Care. 2011;19(3):125–31.
5 Kazdaglis GA, Arnaoutoglou C, Karypidis D, Memekidou G, Spanos G, Papadopoulos O. Disclosing the truth to terminal cancer patients: a discussion of ethical and cultural issues. East Mediterr Health J. 2010;16(4):442–7.