Partie 5: prise en charge des personnes en situation de ­handicap
Directives médico-éthiques de l’ASSM

Partie 5: prise en charge des personnes en situation de ­handicap

Fortbildung
Édition
2020/10
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2020.10261
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2020;20(10):308-310

Affiliations
a Secrétaire générale adjointe de l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM); b Membre de la Commission Centrale d’Éthique (CCE) de l’ASSM; c Universitäres Zentrum für Hausarztmedizin beider Basel et membre de la CCE de l’ASSM.

Publié le 06.10.2020

Les directives de l’ASSM soulignent que la sexualité fait partie intégrante de la personnalité et que, même chez les personnes handicapées, l’autodétermination sexuelle doit être protégée.

Exemple de la pratique

Monsieur M.B., 24 ans, atteint du syndrome de Down, vit avec sa mère originaire de Turquie, son demi-frère de 5 ans et le père de ce dernier. La mère a rompu tout contact avec le père suisse de M.B. depuis 20 ans; M.B. n’a pas non plus de contact avec son père. Pendant les vacances d’été en Turquie, M.B. fait la connaissance d’une jeune femme de 18 ans, elle aussi atteinte du ­syndrome de Down. Ni le jeune homme ni son amie ne sont capables de vivre en autonomie. M.B. est amené tous les jours dans un atelier pour personnes handicapées par son beau-père; son amie a vécu jusque-là chez ses parents en Turquie et aidait sa mère aux tâches domestiques. Autant les parents de la jeune femme que la mère de M.B. soutiennent la relation entre les deux jeunes gens. Peu de temps après les ­vacances d’été, la jeune femme arrive en Suisse et vit depuis dans l’appartement de M.B. avec sa mère, son beau-père et son demi-frère. Elle dort dans la chambre de M.B. Sa mère s’adresse au médecin de famille pour demander que son fils ou sa partenaire soit stérilisé. Elle a constaté que les jeunes gens avaient des relations sexuelles. Elle-même était mal à l’aise à l’idée de parler de sexualité avec son fils et son amie. De tels sujets étaient évités dans sa famille. Les deux jeunes gens étaient manifestement incapables d’assumer la ­responsabilité d’un enfant. L’entretien avec le jeune couple a révélé leur réel désir d’avoir un enfant, mais également leur incapacité d’évaluer de manière réaliste leurs possibilités de s’occuper du bien-être d’un enfant.

Informations générales

Deux tiers des femmes atteintes du syndrome de Down sont fertiles et peuvent être enceintes. La probabilité qu’une femme atteinte du syndrome de Down conçoive un enfant atteint de ce syndrome avec un homme en bonne santé est de 50%. Les enfants sans trisomie 21 présentent également plus fréquemment des anomalies physiques et cognitives. On a longtemps supposé que les hommes atteints du syndrome de Down étaient stériles. Entretemps, des cas isolés d’hommes qui ont eu un enfant, ont été relatés [2].

Que disent les directives de l’ASSM [3] à ce sujet?

Les directives de l’ASSM soulignent que la sexualité fait partie intégrante de la personnalité et que, même chez les personnes handicapées, l’autodétermination sexuelle doit être protégée [4]. Un handicap peut constituer un préjudice au développement de la sexualité sur les plans physique, mental ou psychique, dans la mesure où il peut compliquer, par exemple, la prise de conscience des conséquences et des risques potentiels liés à une activité sexuelle.
Afin que les personnes handicapées puissent vivre leur sexualité de manière autodéterminée et épanouie, un accompagnement adapté à leurs besoins est indispensable à un grand nombre d’entre eux. Ceci représente un défi majeur pour les assistants sociaux, les médecins et les infirmiers en charge de personnes handicapées. L’accompagnement et le soutien reposent sur la discussion sur des sujets tels que la contraception, le désir d’enfant ou une grossesse non désirée, la prévention des infections sexuellement transmissibles et des abus sexuels. Une approche individuelle adaptée aux ressources de la personne doit être adoptée pour déterminer les aspects de la sexualité qui pourraient être problématiques pour le couple ou les domaines dans lesquels ils ont besoin d’un soutien. Selon la situation, un accompagnement du couple par un pédagogue sexuel est recommandé.
Lorsque la capacité à s’occuper de manière autonome du bien-être d’un enfant semble incertaine ou inexistante, il faut essayer d’introduire une contraception optimale et d’obtenir, par le biais d’un accompagnement et de conseils [5], un renoncement volontaire au désir d’avoir des enfants. Parallèlement, les possibilités de soutien d’une parentalité par l’entourage doivent être clarifiées et encouragées. Dans cette situation, la prise en charge médicale doit inclure la possibilité d’un conseil génétique.
La stérilisation destinée à éviter une grossesse respectivement à empêcher la capacité de procréer représente une atteinte sévère à l’intégrité physique et ­psychique. Conformément à la loi sur la stérilisation [6], une stérilisation ne peut être pratiquée qu’avec le consentement éclairé d’une personne capable de discernement. Les constatations ayant permis au médecin traitant de conclure à la capacité de discernement de la personne concernée doivent être consignées dans le dossier médical. Dès lors, l’évaluation de la capacité de discernement joue un rôle essentiel [7]. La loi interdit la stérilisation de personnes mentalement déficientes de manière permanente. Elle prévoit toutefois une exception pour les personnes, âgées de 16 ans au moins et incapables de discernement de manière permanente: l’intervention doit être pratiquée, toutes circonstances considérées, dans l’intérêt de la personne concernée. Elle ne peut être envisagée que lorsque la conception et la naissance d’un enfant ne peuvent être évitées par d’autres moyens de contraception adéquats ou par la stérilisation volontaire du ou de la partenaire capable de discernement, ou lorsque la conception et la naissance d’un enfant sont à prévoir et que la séparation d’avec l’enfant après la naissance est inévitable, car la responsabilité parentale ne peut pas être assumée. L’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte doit consentir à l’intervention et la méthode opératoire avec la meilleure perspective de rétablissement de la fertilité doit être choisie.
Les directives de l’ASSM soulignent, à ce sujet, que la mise en œuvre pratique est difficile. Elles déconseillent la stérilisation de personnes durablement incapables de discernement, car dans la plupart des cas, une contraception efficace est possible sans porter une telle atteinte à l’intégrité physique.
Il s’agit, parmi les nombreux moyens de contraception existants, de proposer la méthode la mieux adaptée à l’individu. Lors du choix de la méthode, il faut veiller
– à sa compatibilité avec d’éventuels problèmes physiques et/ou médications;
– à ce qu’elle permette une utilisation autonome et ­aisée ou que l’entourage puisse éventuellement garantir le soutien nécessaire;
– en ce qui concerne son utilisation et ses effets secondaires, à ce qu’elle corresponde aux attentes et besoins individuels de la personne concernée, et que celle-ci les accepte.

Conclusions

Dans l’exemple présenté ci-dessus, la priorité est de discuter avec les jeunes gens et de leur communiquer que l’éveil de la sexualité est normal. Il est important qu’ils obtiennent des informations précises et compréhensibles sur la sexualité, les risques des contacts sexuels et la possibilité d’une grossesse. Si le couple souhaite discuter avec le médecin sans la présence des parents, ce souhait doit être respecté.
Une consultation gynécologique spécifiquement orientée ou, selon la situation, un conseil psychosocial et une éducation sexuelle peuvent également s’avérer utiles. Les discussions concernant le désir d’enfant et les moyens de contraception doivent être menées ouvertement, en encourageant dans toute la mesure du possible l’autodétermination du couple. Selon la situation, différents moyens contraceptifs peuvent être envisagés, notamment ceux qui sont efficaces sur une longue période (stérilet, contraceptif hormonal). Il n’est pas conseillé d’utiliser une contraception hormonale à prendre quotidiennement ou l’utilisation d’un moyen contraceptif par l’homme, car cela exige une application autonome et conséquente. Une stérilisation – telle qu’elle est souhaitée par les parents dans cet exemple – est une intervention trop invasive et ne peut être envisagée dans le cas de ce couple.
Les auteurs remercient Dr phil. Daniela Ritzenthaler, pédagogie thérapeutique et éthicienne, pour sa contribution précieuse au présent texte.
PD Dr. med. Klaus Bally
Universitäres Zentrum
für Hausarztmedizin
beider Basel
Mitglied ZEK der SAMW
Rheinstrasse 26
CH-4410 Liestal
klaus.bally[at]unibas.ch
1 Pfister E. L’acceptation et l’implémentation des directives de l’ASSM dans le quotidien médical et infirmier. Bull Med Suisses 2010;91:13/14.
2 Parizot E, Dard R, Janel N, Vialard F. Down syndrome and infertility: what support should we provide? J Assist Reprod Genet 2019;36(6):1063–7.
3 Traitement médical et prise en charge des personnes en situation de handicap Directives médico-éthiques de l’ASSM, 2008.
4 Cf. également la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées qui reconnaît à toutes les personnes handicapées en âge nubile le droit de se marier et de fonder une famille sur la base du libre et plein consentement des futurs époux.
6 Loi fédérale sur les conditions et la procédure régissant la stérilisation de personnes du 17 décembre 2004.
7 La capacité de discernement dans la pratique médicale. Directives médico-éthiques de l’ASSM 2018, en particulier le chapitre 3.4. Patients en situation de handicap mental.