Qui fera tourner la boutique à l’avenir?
Thématique la relève dans les soins primaires

Qui fera tourner la boutique à l’avenir?

Editorial
Édition
2020/11
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2020.10313
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2020;20(11):324

Affiliations
Rédacteur en chef Primary and Hospital Care; directeur Chronic Care, Institut de médecine de famille, Zurich

Publié le 03.11.2020

Dans ce numéro thématique, vous trouverez un recueil d’articles dignes d’être lus sur le thème très pertinent de la relève médicale dans notre domaine de spécialité. Les patientes1 souhaitent bénéficier d’une médecine de premier recours facilement accessible, continue et empreinte de confiance, telle qu’elle est pratiquée par les médecins de famille dans le modèle medical homes. Les politiciens de la santé et les contribuables souhaitent une médecine financièrement abordable, telle que la proposent les systèmes fortement axés sur la médecine de premier recours. Les deux sont toutefois uniquement possibles si la pénurie déjà perceptible de médecins de famille s’améliore. Dans leur article sur l’étude Workforce, Andreas Zeller et Stéphanie Giezendanner se penchent sur la question de savoir si un renversement de tendance est déjà en vue. Mary McCarthy, vice-présidente de l’Union Européenne des Médecins Omnipraticiens / Médecins de Famille (UEMO), décrit les facteurs qui augmentent ou au contraire diminuent la satisfaction des médecins de famille par rapport à leur travail à l’échelle européenne.
Une des questions clés est de savoir comment parvenir à motiver les jeunes médecins à opter pour la voie de la médecine de famille. Dans son article, Michael Harris expose les solutions trouvées par le système de santé anglais. Markus Schmid et Roman Hari présentent un modèle de formation dans lequel les étudiants assistent à une consultation de médecine de famille simulée, mais très proche de la réalité. A cet égard, le modèle de rôle que nous, médecins établis, leur montrons est déterminant: si nous nous plaignons du stress et de nos revenus injustement bas, cela les refroidira à coup sûr. Mais si les étudiants peuvent vivre les temps forts de notre travail, ils seront «appâtés»: avoir de l’influence sur le destin des patients; avoir son mot à dire concernant l’environnement de travail et le rythme de travail; proposer un diagnostic par étapes rationnel et une médecine appropriée sans exagération; découvrir la chaleur humaine et les histoires uniques des patients. Dans sa rétrospective sur son parcours de praticien, Daniel Gelzer souligne précisément cet aspect relationnel et l’engagement humain en tant qu’éléments centraux de la prise en charge, qui sont non seulement profitables aux patients mais sont aussi enrichissants pour nous, médecins. La SSMIG et les Swiss Young Internists décrivent dans leur article comment ils font passer de tels messages positifs dans leurs campagnes et parviennent à motiver de jeunes collègues à s’engager dans la voie de la médecine interne générale.
La pédiatrie souffre elle aussi d’une pénurie de relève. Les collègues Geiser, Holtz et Wehrli décrivent l’intérêt de l’assistanat au cabinet pédiatrique et la manière dont il peut être intégré dans le cursus de formation. Le cri d’appel qu’ils lancent à la fin pour un effort en matière de politique professionnelle est absolument justifié et il est repris par le JHaS Think Tank des Jeunes médecins de premier recours Suisses, qui réclament un «assistanat au cabinet pour tous» durant la formation postgraduée pour devenir spécialiste en médecine interne générale ou en pédiatrie. L’association professionnelle mfe Médecins de famille et de l’enfance Suisse s’investit elle aussi depuis des années avec engagement et succès pour cette cause: la promotion de la ­relève constitue un point essentiel de sa mission.
Que pouvez-vous personnellement faire en tant que praticien chevronné? Eh bien, inscrivez-vous en tant que maître de stage auprès de l’institut de médecine de famille de votre région. Votre engagement sera triplement payant. Premièrement, il est plaisant de former des jeunes. Deuxièmement, cela vous permettra peut-être de trouver une successeuse pour votre cabinet. Et troisièmement, si vous deviez plus tard un jour vous-même être dépendant de soins, vous apprécierez de ­bénéficier d’une prise en charge médicale de premier recours fiable!
Pour finir, une citation prégnante tirée de l’article de Mary McCarthy sur l’essence de la médecine de famille – incarnons-la aux yeux de nos étudiants et assistants: «It is a discipline that stretches the mind and ­expands the heart. No other branch of medicine is so ­holistic, so mindful to keep the patient in the centre of the process, so broad in its applications.»
Prof. Dr. med. ­Stefan ­Neuner-Jehle
MPH, Institut für ­Hausarztmedizin
Pestalozzistrasse 24
CH-8091 Zürich
Stefan.Neuner-Jehle[at]usz.ch