Programme de promotion «Offres visant à décharger les proches aidants 2017–2020»

Recenser au cabinet médical les besoins de décharge des proches aidants

Arbeitsalltag

Affiliations
a Office fédéral de la santé publique, Berne; b Public Health Services, Berne; c Universitäres Zentrum für Hausarztmedizin beider Basel; d mfe Haus- und ­Kinderärzte Schweiz, Berne

Publié le 02.02.2021

Les résultats de la recherche montrent que, souvent, les proches aidants acceptent l’aide trop tard et les médecins sont les seuls professionnels à être en contact avec les proches de leurs patients. Un outil adapté aux praticiens devrait les aider à repérer à temps le besoin de décharge.

Introduction

Le Conseil fédéral a chargé l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) de mettre en œuvre le programme de promotion «Offres de décharge pour les proches aidants 2017–2020», qui avait pour objectif d’élaborer à l’intention des acteurs concernés des bases pratiques leur permettant d’organiser des offres adaptées aux besoins. Nous disposons maintenant des conclusions de 15 mandats de recherche sur différents thèmes, complétés par plus de 60 modèles de bonnes pratiques. Afin que les praticiens puissent bénéficier de ces acquis, l’OFSP a préparé des impulsions destinées au corps médical, aux soignants et aux travailleurs sociaux, ainsi qu’aux cantons et aux communes [1].

Résultats du programme de promotion

Nombre et âge des proches aidants

Selon les estimations tirées d’une enquête représentative auprès de la population, la Suisse, en 2018, comptait 600 000 proches aidants. Ceux-ci constituent un groupe hétérogène comprenant aussi bien des enfants que des personnes très âgées, les plus représentés étant cependant les hommes et les femmes entre 45 et 65 ans. Ils s’occupent le plus souvent, à côté d’autres tâches professionnelles et familiales, de leurs parents ou de leurs beaux-parents [2].

Accès aux offres de décharge et souhaits des proches

Différentes études montrent que de nombreux proches se rendent compte trop tard qu’ils ont besoin d’aide. Dans une bonne moitié des cas, ils ne trouvent pas d’offre de décharge qui leur convienne. Seul un quart des proches interrogés disent que la personne dont ils s’occupent sollicite des prestations d’aide et de soins à domicile. La majorité souhaitent de l’aide en cas d’urgence et des entretiens avec des professionnels. Souvent, ils ne réfléchissent à la prise en charge et aux soins qu’à la suite d’une crise. Des difficultés linguistiques rendent parfois difficile l’accès aux offres de ­décharge [2–4].

Prise en charge: tâches et importance

En Suisse, les proches exécutent de nombreuses tâches (cf. figure 1). Il est frappant de constater qu’il s’agit, dans plus de la moitié des cas, de tâches de professionnels (telles que coordination, aide médicale, soins de base). Ce constat vaut en particulier pour les proches ayant des difficultés financières qui vivent dans le même ménage que la personne dont ils s’occupent.
Figure 1: Prise en charge par les proches aidants: tâches par fréquence, en pourcentage. 
Source: Jeu de données d’Otto et al. 2019 B01a / N compris entre 1998 et 2019 / ­Graphique Bureau BASS SA, 2020.
La prise en charge peut avoir pour les proches aussi bien des effets positifs (p. ex. développement personnel, acquisition de nouvelles connaissances, être utile pour quelqu’un) que négatifs. Plus la prise en charge est intensive, plus les conséquences financières, psychiques et physiques risquent d’être négatives [5]. Il est donc nécessaire de repérer ces conséquences le plus tôt possible et de les prévenir par des offres adaptées.

Nouvel outil «Besoin de décharge de proches aidants»

Les médecins sont souvent les seuls professionnels à être en contact régulier avec leurs patients et les proches de ceux-ci. Quand le besoin de prise en charge augmente progressivement dans le cours d’une ou de plusieurs maladies, le risque est que tant les proches que les professionnels de la santé et du social repèrent trop tard le besoin de décharge [6].

Démarche à suivre

Pour faire face à ce problème, l’OFSP, de concert avec Public Health Services (PHS), a développé, à partir des données obtenues, l’outil intitulé «Besoin de décharge pour les proches aidants». Cet outil est destiné à aider les médecins actifs dans le domaine ambulatoire ou hospitalier à repérer à un stade précoce les proches ayant besoin d’être déchargés. Les auteurs et les médecins praticiens interrogés ont apporté des contributions importantes en ce qui concerne l’utilité de l’outil dans leur quotidien.
L’outil propose une démarche en trois étapes: 1. repérer à temps les facteurs de risque de surcharge majeure; 2. recenser les tâches à accomplir dans le cadre de la prise en charge; 3. estimer le besoin des proches en possibilités de décharge. Cette démarche doit être mise en œuvre et adaptée à chaque situation.
A son cabinet, le médecin peut aborder les trois étapes de la manière suivante:
– «Consultation entre quatre yeux»:
• situation 1: le médecin avec son patient1 (en l’absence des proches, autrement dit d’informations indirectes sur les tâches à accomplir du point de vue du patient)
• situation 2: le médecin avec son patient qui est en même temps un proche aidant (p. ex. mari ou femme d’un âge avancé)
– «Consultation entre six yeux»: consultation avec le patient en présence des proches
– Discussion de cas / table ronde interdisciplinaire ou interprofessionnelle impliquant les proches et le patient

Étape 1: Repérer

Pour évaluer s’il faut appliquer les procédures proposées, les médecins estiment d’abord les facteurs de risque susceptibles d’aboutir à une surcharge. En font partie:
– l’instabilité de l’état de santé de la personne aidée,
– la polymorbidité de la personne aidée ou ses comorbidités somatiques et psychiques,
– les tâches coûteuses en temps (p. ex. >10 heures par semaine),
– la situation de crise avec un risque de décompensation du réseau de prise en charge,
– les proches se plaignant d’être surchargés par les tâches,
– les problèmes de communication entre la personne aidée et les proches aidants,
– la situation financièrement précaire et l’appartenance au même ménage.

Étape 2: Recenser

À l’étape suivante, l’outil propose trois questions d’introduction:
1. Qui soutient, prend en charge ou soigne le patient?
2. Quelles sont les tâches des proches aidants?
3. De quelle importance est la charge et quelles sont les possibilités de décharge connues, ou comment les choses se sont-elles passées jusque-là?

Étape 3: Estimer

À la troisième étape, le médecin, après avoir approfondi systématiquement les questions 2 et 3, donne son estimation. Il documente les sept domaines de tâches, avec leur intensité, en cochant l’option correspondante dans une grille. À titre d’exemples, il note les offres de décharge possibles pour chacune des tâches.
Il discute ensuite de son estimation avec les proches ­aidants et, si possible, avec le patient, afin de définir les interventions nécessaires, qu’il signale au moyen d’un système de feux colorés.

Signification de la couleur des feux pour l’estimation et la discussion des interventions nécessaires.

Vert: tâches que, selon les résultats des études, les proches ne veulent pas céder et qui ont pour eux un impact positif [3].
pas d’intervention nécessaire actuellement, estimation à répéter par la suite le cas échéant;
Jaune: tâches pour lesquelles il existe des offres de ­décharge. Parmi elles, beaucoup sont payantes. Il est possible de demander des contributions des assurances sociales pour les financer (allocation pour impotent p. ex.).
surveiller l’évolution, recommander des premières mesures, prendre un rendez-vous pour un autre entretien;
Rouge: tâches correspondant à une lourde charge (p. ex. >10 heures) et/ou relevant des soins de base ou de traitement.
conseiller des mesures immédiates pour une décharge possible.
Pour les soins de base et les soins de traitement, le médecin doit inciter les proches et le patient à faire appel aux services d’aide et de soins à domicile. En cas de besoin, il peut établir une prescription au sens de l’art. 7 OPAS. Si les proches tiennent à accomplir eux-mêmes ces tâches, il doit s’assurer, pour être certain de la sécurité des soins, qu’ils sont formés pour cela et peuvent, en fonction de la situation, être préparés et conseillés par des professionnels.
Étape optionnelle: le médecin peut, en accord avec les proches, noter le vécu subjectif de la prise en charge au moyen d’outils permettant d’évaluer le stress psychosocial [8]. Il peut prendre comme exemple l’«Échelle de soins à domicile» de Grässel, ­téléchargeable en 20 langues (classé par langues et par ordre alphabétique) [9]. Le résultat peut être ­intégré dans l’évaluation globale de l’étape 3. Les éventuels examens et traitements supplémentaires des proches sont remboursables par leur assurance-­maladie.
Figure 2: Grille «Prise en charge: estimation des tâches, de leur intensité et de la nécessité d’intervenir».

Conclusions pour les praticiens

Le programme de promotion «Offres de décharge pour les proches aidants 2017/2020» a montré que:
– en Suisse, ce sont les proches qui assument une part importante de la prise en charge. Nombre d’entre eux apportent aussi de l’aide médicale et des soins, pour lesquels il existe des possibilités de décharge professionnelle;
– la nécessité de décharge est souvent repérée trop tard aussi bien par les proches aidants que par les professionnels;
– les outils spécifiques permettant de repérer à temps la nécessité de décharger les proches sont à peine connus dans le quotidien médical et donc peu ­utilisés.
Pour sensibiliser le corps médical et le soutenir, un ­outil simple a été créé qui permet aux médecins de repérer en quelques étapes la charge des proches aidants, de quantifier les différents aspects du soutien qu’ils ­apportent et d’en déduire les interventions nécessaires. Il ne faut toutefois pas oublier que cette tâche supplémentaire peut s’avérer coûteuse en temps pour les ­médecins. Elle peut toutefois être facturée dans le ­TARMED en vigueur et dans le projet TARDOC en tant que prestation de consultation ou comme prestation en l’absence du patient. Il reste à souhaiter que l’importance de cette tâche sera honorée par les agents payeurs.

Bon à savoir

La loi fédérale sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches entre en vigueur le 1er janvier 2021 [10]. Elle règle entre autres la poursuite du versement du salaire lors d’absences de courte durée pour prodiguer des soins à un parent ou un proche: au maximum trois jours par événement et jusqu’à dix jours par an. Il sera ainsi plus facile d’inviter des proches professionnellement actifs à une consultation. Une attestation est nécessaire pour que l’absence soit juridiquement valable envers l’employeur (p. ex. carte de rendez-vous datée et signée).
Lea von Wartburg
Responsable de la section Politique de la santé
Office fédéral de la santé publique
CH-3003 Berne
lea.vonwartburg[at]bag.admin.ch
 1 Office fédéral de la santé publique (2017): Programme de promotion «Offres de décharge pour les proches aidants 2017/2020» https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/strategie-und-politik/nationale-gesundheitspolitik/foerderprogramme-der-fachkraefteinitiative-plus/foerderprogramme-entlastung-angehoerige.html Consulté le 14.7.2020.
 2 Otto U, Leu A, Bischofberger I, et al. (2019): Besoins des proches aidants en matière de soutien et de décharge – enquête auprès de la population. Rapport final du mandat G01a du Programme de promotion «Offres de décharge pour les proches aidants 2017/2020» https://www.bag.admin.ch/bag/de/home/strategie-und-politik/nationale-gesundheitspolitik/foerderprogramme-der-fachkraefteinitiative-plus/foerderprogramme-entlastung-angehoerige/programmteil_1_wissensgrundlagen1.html
 3 Kaspar H, Arrer E, Berger F (2019). Soutien aux nouveaux proches aidants et dans les situations de crise et d’urgence. Rapport final du mandat de recherche G04 du Programme de promotion «Offres de décharge pour les proches aidants 2017/2020».https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/strategie-und-politik/nationale-gesundheitspolitik/foerderprogramme-der-fachkraefteinitiative-plus/foerderprogramme-entlastung-angehoerige/programmteil_1_wissensgrundlagen1.html
 4 Zeyen P, Guggenbühl T, Jäggi J, et al. (2020). Accès aux offres de soutien: analyse des obstacles pour les proches aidants. Rapport final du mandat de recherche G06 du Programme de promotion «Offres de décharge pour les proches aidants 2017/2020». https://www.bag.admin.ch/bag/de/home/strategie-und-politik/nationale-gesundheitspolitik/foerderprogramme-der-fachkraefteinitiative-plus/foerderprogramme-entlastung-angehoerige/programmteil_1_wissensgrundlagen1.html
 6 Brügger S, Sottas B, Kissmann S, et al. (2020): Compétences des professionnels dans le domaine sanitaire et social qui sont nécessaires pour le contact avec les proches aidants. Rapport final du mandat de recherche G08 du Programme de promotion «Offres de décharge pour les proches aidants 2017/2020». https://www.bag.admin.ch/bag/de/home/strategie-und-politik/nationale-gesundheitspolitik/foerderprogramme-der-fachkraefteinitiative-plus/foerderprogramme-entlastung-angehoerige/programmteil_1_wissensgrundlagen1.html.
 8 Domeisen F, Hechninger M, Fringer A (2020). Sammlung von Instrumenten des Selbstassessments für betreuende Angehörige. [Traduction f prévue pour fin septembre] Dans le cadre du Programme de promotion «Offres de décharge pour les proches aidants 2017/2020». https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/strategie-und-politik/nationale-gesundheitspolitik/foerderprogramme-der-fachkraefteinitiative-plus/foerderprogramme-­entlastung-angehoerige/praxisimpulse.html
10 Office fédéral des assurances sociales (2019). Loi fédérale sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches. https://www.bsv.admin.ch/bsv/de/home/sozialpolitische-themen/familienpolitik/vereinbarkeit/betreuende_angehoerige.html Consulté le 12.7.2020.