Comment prendre en charge la dépression chronique?

Fortbildung
Édition
2021/07
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2021.10625
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2021;21(07):

Publié le 06.07.2021

Le terme d’outil revêt une grande importance dans les descriptions que les médecins généralistes font de leur activité.

Introduction

Le terme d’outil revêt une grande importance dans les descriptions que les médecins généralistes (MG) font de leur activité. Aubert [1] introduit en 2013 l’idée de «boîte à outils» pour le MG. A côté des outils techniques (laboratoire, ECG, etc.) et des scores cliniques ou des échelles (que d’autres ont décrits comme tool kits [2]), Aubert inclut dans sa liste des outils communicationnels (tels que définis par Kurtz et Silverman [3, 4]) les stades de di Clemente1, les espaces de relation de Velluet2 [5] et les principes de la bioéthique. On retrouve cette vision dans le livre de Pasche et coll., Toolbox – pour la pratique du médecin de famille [6]. Dans un inventaire des développements de la psychosomatique durant ces trente dernières années, Allaz et Widmer décrivent des «outils pour la réflexivité en psycho­somatique», permettant un changement d’attitude du médecin [7]. Cette conception de l’outil par les MG peut être mise en perspective avec sa définition habituelle, telle qu’on la trouve dans le dictionnaire Larousse: «Objet fabriqué, utilisé manuellement ou sur une machine pour réaliser une opération déterminée.» Les MG élargissent donc le sens habituel de l’outil-objet vers des compétences ou des habiletés: tout objet-prolongement de la main, de l’oreille ou des yeux, comme toute façon de faire, tout processus, tend à être dénommé outil. Pour prendre la métaphore informatique, les outils selon la définition du Larousse seraient du «hardware» et les outils communicationnels du «software».
Notre recherche qualitative s’est intéressée à la dépression chronique en se focalisant sur la façon dont les MG se représentaient cette maladie, la prenaient en charge et collaboraient avec les psychiatres. Un volet parallèle a posé les mêmes questions à des psychiatres. Une première publication a rendu compte des représentations et de la prise en charge de la dépression chronique chez les MG [8], une suivante de la collaboration avec les psychiatres [9] et une troisième des parcours de soin dans la dépression chronique [10]. Cette dernière publication a mis en évidence trois types de patients en fonction de leur parcours: ceux qui sont facilement transférés au psychiatre, ceux qui demandent un travail préalable du MG et enfin les patients qui expriment leur dépression chronique essentiellement par des symptômes physiques et qui resteront rivés à leur plainte somatique sans possibilité d’élaboration [10].
Notre question de recherche sur la prise en charge de la dépression chronique n’a pas inclus d’emblée la notion d’outil. Nous étions intéressés à explorer comment le MG prend en charge la dépression chronique. Lors de nos discussions dans notre groupe de recherche interdisciplinaire (psychiatre, psychologue, sociologue, médecin généraliste, étudiante en médecine), la notion d’outil dans sa définition large paraissait évidente au MG mais problématique pour les autres: pour les non-MG, il semblait impossible de se passer de théorie ou du moins d’une représentation (une théorie derrière chaque outil).
Dans le présent article, nous examinons la place et les références au concept d’outil tel qu’il ressort des verbatim de MG s’exprimant sur la prise en charge de la ­dépression chronique.

Méthode

La méthode a été exposée en détail dans notre premier article [8]. Trois focus groups de MG ont été menés à l’aide d’une grille de questions ouvertes et quelques questions de relance. C’est à dessein que nous n’avons pas donné de définition de la dépression chronique aux participants, puisqu’il s’agissait précisément pour eux d’exprimer leurs représentations. L’échantillonnage était raisonné avec des MG de ville comme de campagne, jeunes et plus âgés, femmes et hommes, avec ou sans formation complémentaire en psycho­somatique. En tout, 22 médecins généralistes ont participé: 13 hommes et 9 femmes, 14 en ville et 8 en campagne ou petite ville, 12 en cabinet de groupe ou policlinique et 10 individuels, 10 avec formation en psychosomatique et 12 sans. Les âges allaient de 30 à 71 ans. La plupart étaient installés (durée d’installation de un à quarante ans), sauf 4 travaillant en policlinique ou en formation. Les focus groups ont été codés avec l’aide du logiciel MAXQDA [11]. Pour la partie sur la prise en charge, un codage en verbes d’action selon Charmaz [12] a été effectué. Autant que possible il prenait pour base les mots des médecins participants (in vivo coding). Un deuxième codage a été fait à partir des phrases où le mot outil était utilisé par les participants eux-mêmes. Il y a davantage de ­codes selon la méthode des verbes d’action mais ils ­incluent tous les codes où le terme ­outil était employé par les participants. L’accord intercodeurs a été réalisé dans le cadre de notre groupe ­interdisciplinaire.

Résultats

Le tableau 1 résume les codes que nous avons définis sur la base des verbatims. Ils répondent à la question: Comment le MG prend-il en charge la dépression chronique? La réponse est un verbe à l’infinitif (Charmaz utilise un gérondif en -ing [12]) qui correspond à une ­façon de faire ou à une attitude à adopter. Nous avons décidé d’appeler outils ces savoir-faire et savoir-être. Ce faisant, nous adoptons la définition large de l’outil telle qu’on la trouve dans la littérature mentionnée en introduction. Les codes ont ensuite été regroupés en six catégories principales d’outils:
Tableau 1: Codes et verbatims (citations des 3 focus groups).
CatégorieSous-catégorieVerbatim
Outils de savoir-faire pour le diagnosticEtablir un diagnostic ­différentielDes gens qui sont déprimés ou fatigués, mais en fait c’est leur CPAP qui fonctionne moins bien [...] Je trouve qu’il y a des fois pas mal aussi d’intrications somatiques avec les troubles de l’humeur. FG2
 Eviter trop d’investigationsMais ces patients qui ont des sortes de somatisations, des douleurs pas claires, qu’on ne comprend pas, chez qui on multiplie les examens. Dans le fond, ces gens-là, à un moment donné, il faut s’arrêter. FG3
 Elaborer autour de la plainte somatiqueOn arrive à aborder un petit peu plus profondément le sujet. Qu’est-ce qui se passe à ­domicile, dans la famille, etc. Et puis à ce moment-là, ça devient un outil et peut-être qu’on peut par ce biais-là entrer un peu dans le fond du problème [...] FG3
Outils de savoir-faire pour la prise en charge du patientMettre un cadreJe mets un cadre [...] J’exprime clairement les choses en disant: voilà je vais me donner trois ou quatre séances avec vous pour faire le tour du problème. FG3
 Suivre régulièrementUn outil, je trouve que c’est l’agenda, parce que c’est vraiment… très important de fixer régulièrement des rendez-vous et si possible pour éviter des catastrophes entre deux. FG3
 Etre disponibleRépondre aux mails (des patients) quand ça va pas. FG2
 Valoriser les ressourcesIls ont encore des ressources des fois, ils ne s’en rendent pas compte. Et puis essayer de les aider à les retrouver. FG2
 Remettre en marcheOn leur demande que chacun prépare quelque chose comme un souper… canadien. Alors vous avez des personnes qui depuis des années n’ont plus fait un gâteau, ben, ils font un petit gâteau, ils l’amènent. C’est aussi un plaisir de montrer que je suis encore capable de faire la cuisine. FG1
 Expliquer les différentes ­possibilités de traitement«Voilà il y a différentes façons de vous aider. Il y a les médicaments, il y a le psychiatre, la prise en charge ici.» Et on regarde ce qu’ils veulent. FG3
 Prescrire un arrêt de travailMais aussi l’arrêt de travail. On a ce pouvoir-là. Les gens le savent, parfois le demandent et puis parfois, je pense que ça fait partie de notre panoplie. FG2
 Prescrire des médicaments pour une autre indicationSouvent il y a déjà une médication antidépressive qui a été introduite… sous le couvert du traitement de l’antalgie pour des douleurs chroniques et puis on espère qu’avec ça on ­soutient l’humeur aussi. FG2
 Prescrire des médecines complémentairesJ’ai beaucoup essayé de prescrire le millepertuis [...] ça me permet d’éviter de mettre des SSRI [...] FG2
 Dialoguer différemment avec le patientDonc, on peut avoir des outils de, soit de relaxation, soit de thérapies brèves, des choses comme ça qui nous donnent accès justement à une manière de dialoguer avec le patient. FG2
 Tenir compte de l’émotionLe médecin, c’est le stéthoscope et puis le paquet de mouchoirs. C’est les deux ­instruments qu’on utilise le plus, et moi je l’ai toujours écouté, et c’est vrai. C’est un outil que je vous conseille. FG3Moi j’utilise volontiers des outils TCC, Thérapie Cognitivo-Comportementale, surtout pour la gestion des émotions qui entourent cette dépression. Pis ça leur permet de mettre en mot justement qu’est-ce qu’ils sont en train de faire, qu’est-ce qu’ils ressentent. FG3
Outils de savoir-faire pour la prise en charge du contexteSoigner le contexteOn essaye de les mettre dans leur contexte et de soigner leur contexte pour que ce ne soit pas un déprimé en psychiatrie mais une personne qui passe un moment difficile ou qui a une vie difficile ou qui accumule des difficultés, mais que dans tout ce qui se passe autour ça change, ça bouge et ça peut évoluer. FG2
 Collaborer avec d’autres ­intervenantsIl y a quand même un bon réseau où on peut [...] déléguer certains aspects qui participent aux problématiques de la dépression chronique. FG1
Outils pour soi-mêmeEntreprendre des
formations
complémentaires
Il y a quand même des médecins généralistes qui vont mal, hein, je veux dire. C’est-à-dire s’ils ont pas fait de formations, s’ils ont aucun outil, s’ils ont pas des groupes de référence, vous mettez deux, trois patients comme ça dans leurs consultations, plus cinquante urgences et puis, là, ça va assez mal pour eux, hein, donc c’est un métier à risques, quand même. FG2
 Apprendre à gérer l’écho des émotionsC’est quelque chose qui est difficile à gérer quand on débute [...] les émotions des patients qui nous envahissent et qui entrent en écho avec les nôtres. FG3
 Soigner le soignantSoigner le soignant pour être capable d’éviter la fatigue compassionnelle qui existe par ­rapport à ces patients qui sont multiplaintifs, qui ne sont pas forcément très adhérents au traitement et qui sont pas très positifs aussi. FG3
 Parler pour aller mieux ­(supervision)Effectivement des fois on n’en peut plus et puis les Balint c’est vraiment très utile. Parce qu’on peut parler, puis on va mieux, on aborde le patient différemment, et le patient va mieux souvent après qu’on ait parlé au Balint. FG3
Outils de savoir-êtreTenir compte de son ­expérience vécueLe fait d’avoir suivi des patients sur vraiment dix, quinze ans, on a une expérience, un vécu avec des dépressions qui sont pas, enfin, qui sont totalement différentes de ce qu’on a pu imaginer quand on avait la définition dans DSM. C’est du concret, du vécu, des émotions en plus des formations. FG2
 S’adapter au patientJ’avais l’impression qu’il n’y avait pas une règle comme ça, c’est plus en fonction de chaque patient. FG3
 AccompagnerMais moi, je voulais dire que les suivre c’est pas rien faire. C’est assez important de le dire, parce que voilà, ils sont dépressifs chroniques, je ne fais rien. Non. Je les accompagne. FG1
 Tenir sur la duréeParce que c’est vraiment souvent ça, il faut tenir… sur la longueur. FG3
 Renoncer à guérirIl faut accepter notre incapa… il faut accepter qu’on n’arrive pas à les guérir. FG1
Boîte à outilsAvoir de nombreux outilsNous on a de la chance par rapport au psy, on a vraiment un avantage, on a plein d’outils en fait, mais pour tenir sur la longueur. FG3
 Valoriser l’éclectismeEvidemment on ne peut pas faire ça comme un psychothérapeute qui ne fait que ça. On ­utilise beaucoup de petites choses, un moment. Des fois on arrête, on laisse de côté, après on les reprend. Ça permet d’éviter souvent les médicaments, ça, en tous cas de les repousser, ou de [...] FG3
FG: focus groups  
1. Outils de savoir-faire pour le diagnostic. Etablir un diagnostic différentiel, éviter trop d’investigations et élaborer autour de la plainte somatique. Il s’agit donc surtout pour le MG de ne pas fermer son diag­nostic, d’élaborer la plainte somatique en investiguant en profondeur, et de ne pas suremployer les investigations techniques. On s’étonnera peut-être de ne trouver que trois outils de savoir-faire pour le diagnostic. La plupart des questions de diagnostic, en effet, se sont majoritairement retrouvées sous la rubrique de la représentation de la dépression chronique, que nous ne considérons pas ici, et peu sous celle de la prise en charge [8].
2. Outils de savoir-faire pour la prise en charge du ­patient. La définition du cadre de la prise en charge revêt une grande importance avec une explicitation claire des possibilités et de ce que le MG va faire, en étant disponible, avec des rendez-vous réguliers. Le MG doit tenir compte de l’émotion et la mettre en mots. Des outils spécifiques tels que la relaxation, la thérapie brève ou la thérapie cognitivo-comportementale permettent aux MG de dialoguer différemment avec le patient. Il s’agit de valoriser ses ressources cachées et de lui montrer ce qu’il est encore capable de faire. La prescription des arrêts de travail ou des médecines complémentaires s’ajoute à celle des antidépresseurs, que certains MG introduisent parfois sous couvert de l’antalgie.
3. Outils de savoir-faire pour la prise en charge du contexte. S’appuyer sur un contexte susceptible de changer permet de sortir du diagnostic chronicisant («un déprimé en psychiatrie» FG2), tout comme le fait de collaborer avec d’autres professionnels.
4. Outils pour soi-même. La prise en charge des dépressifs chroniques est une lourde charge pour le médecin à laquelle il ne peut faire face qu’avec une bonne formation complémentaire. Ainsi, le médecin est-il encouragé à apprendre à gérer les émotions qui l’envahissent, à prendre soin de lui-même et à échanger avec ses pairs.
5. Outils de savoir-être. Les outils de savoir-être découlent d’une prise de conscience du médecin qui doit se considérer lui-même comme un outil de la prise en charge, tout en évitant la fatigue compassionnelle. Plusieurs MG évoquent le fait de renoncer à guérir le patient à tout prix afin de l’aborder différemment en l’accompagnant, en s’adaptant à lui, mais aussi en étant capable, en tant que MG, de «tenir» sur la durée.
6. Boîte à outils. L’idée est ressortie que, contrairement au spécialiste, le MG tient à sa disposition une boîte à outils, dont il utilise les nombreux éléments de façon éclectique, selon la situation clinique, afin d’être au plus près des besoins du patient.

Discussion

Notre étude a permis de mettre en évidence six catégories principales d’outils dans la prise en charge de patients souffrant de dépression chronique en médecine générale. Les analyses des FG ont identifié des outils de savoir-faire pour 1. le diagnostic, 2. la prise en charge du patient, et 3. du contexte mais aussi 4. pour le MG lui-même. De plus, 5. des outils de savoir-être ont été identifiés, tout comme l’idée que 6. les MG ont à disposition une «boîte à outils». Nos résultats peuvent être mis en perspective avec l’étude de Bonjour et coll. [13], intitulée: «Comment le médecin généraliste induit le processus du changement chez son patient: l’exemple de la douleur chronique». Cette étude concluait que les MG «utilisaient des outils plutôt que des théories apprises durant leurs études et leur formation post-graduée». Ces outils étaient réunis en quatre catégories générales, déclinées en 12 sous-catégories, à savoir
1. investiguer ce qui a trait au problème pour induire le changement;
2. être attentif à la relation avec le patient;
3. respecter le rythme du patient et
4. s’appuyer sur le contexte.
Avec leur représentation de la dépression chronique «entre souffrance psychosociale et plaintes somatiques» [8], les MG de notre étude définissent une entité incluant certainement aussi la douleur chronique et les symptômes médicalement inexpliqués. Il n’est donc pas étonnant que l’on retrouve des outils analogues à ceux décrits par Bonjour [13], quoiqu’exprimés différemment.
Choisir le bon outil dans la boîte à outils. (© Adil Abdrakhmanov | Dreamstime.com).
Les outils que nous décrivons sont des façons de faire ou d’être, ancrées dans des situations vécues, plus proches des tours de main de l’expérience concrète que des directives. Elles ne sont ni des recommandations générales telles que celles établies par la Wonca [14] et ne se constituent pas en tool kits, cet ensemble de scores et d’échelles comme ceux de la Fondation Mac­Arthur [2]. Cependant, nous pouvons tout de même identifier certaines convergences ou divergences avec cette littérature. Les médecins de nos focus groups ont fait preuve de modération dans leur vision et leur prescription des médicaments antidépresseurs [8]. En cela, ils sont bien dans la logique de la Wonca qui promeut les interventions non médicamenteuses dans le domaine de la santé mentale [15] et la prévention quaternaire qui évite la surmédicalisation [16]. Par rapport aux consensus d’experts, la dimension de psychoéducation n’a pas été retrouvée dans notre étude sur la ­dépression chronique, tout comme dans l’étude de Bonjour et coll. [13]. Certes, nos participants proposent d’expliquer les différentes possibilités de traitement ou, en abordant la sphère émotionnelle, d’avancer avec le patient dans la construction conjointe d’une explication de ses troubles, mais ils peinent à entrer dans ce que Launer [18] a appelé la co-construction du diagnostic, qui s’inscrit dans le mouvement de narrative-based primary-care. Selon cette approche, la psychoéducation ne peut commencer que quand il y a accord entre le médecin et son patient sur l’étiologie; or, certains de nos MG disent peiner à aborder la question du diagnostic de dépression chronique avec ceux de leurs patients qui expriment leur souffrance essentiellement par des plaintes somatiques. La Wonca considère à l’opposé que «les médecins généralistes doivent fournir une explication tangible et ciblée dans le langage du patient et dans son modèle culturel sur ce qui cause les symptômes». Avec sa proposition de sept modèles explicatifs des symptômes médicalement inexpliqués [17], la Wonca nous offre un outil des plus utiles pour inter­agir avec le patient dans la consultation et co-cons­truire le diagnostic.
On ne retrouve pas par ailleurs d’outils de monitoring de la dépression clairement définis dans nos données. La Fondation MacArthur [2] fournit une grille basée sur les symptômes permettant d’évaluer l’évolution de la dépression ainsi que des documents pour référer le patient au spécialiste selon une liste de critères. On trouve aussi des critères de référence sur le site de la Wonca [17]. Ces outils très formels pourraient s’améliorer en tenant compte de la fixation d’objectifs atteignables [13] et de la définition du cadre de la prise en charge mise en évidence dans notre étude (fréquence des séances, durée, disponibilité, etc.).
L’apport de notre recherche permet d’aller un peu plus loin dans le souhait de la Wonca de créer une pratique réflexive où le médecin de famille connaît ses limites, cherche de l’aide si nécessaire et se préoccupe de sa propre santé mentale (point 6: Reflective practice [19]). Nos participants mettent clairement en lien l’épuisement du médecin avec le suivi sur la durée de situations difficiles, qui entrent avec peine dans les catégories DSM, qui impliquent de tenir sur la longueur et d’accompagner, voire d’être mis en échec, en vivant soi-même les émotions du patient. Cette fatigue compassionnelle, selon les MG de notre étude, nécessite une supervision de type Balint, par exemple, qui permette d’accepter son incapacité à guérir, et de passer du cure au care.

Conclusion

Tout métier a des principes d’action, en médecine les recommandations cliniques y participent, elles sont suivies ou adaptées en fonction des situations et nécessitent de choisir le bon outil dans la boîte à outils. Cela fait du médecin un artisan, plus qu’un soldat qui exécute des recommandations cliniques; il en comprend mieux la matière que la lettre.
Correspondance:
Dr méd. Daniel Widmer
DMF-Unisanté
2, avenue Juste-Olivier
CH-1006 Lausanne
drwidmer[at]belgo-suisse.com
 1 Aubert J. The extraordinary development of a toolbox in general medicine. Technical, clinical and communication tools. Revue Médicale Suisse. 2013 Oct 16;9(402):1917–20.
 2 MacArthur Foundation’s Initiative on depression and Primary Care. Depression Management Tool Kit. https://www.integration.samhsa.gov/clinical-practice/macarthur_depression_toolkit.pdf
 3 Silverman J, Kurtz SM, Draper J. Skills for Communicating with Patients. 3rd ed. London, New York: Radcliffe Publishing; 2013.
 4 Kurtz SM, Silverman J. The Calgary-Cambridge Referenced Observation Guides: An Aid to Defining the Curriculum and Organizing the Teaching in Communication Training Programmes. Medical Education. 1996 March;30(2):83–9.
 5 Velluet L. Le médecin, un psy qui s’ignore, médecine de famille et psychanalyse. Paris, Budapest, Kinshasa: L’Harmattan; 2006.
 6 Pasche O. Toolbox – pour la pratique du médecin de famille. Chêne-Bourg: RMS; 2019.
 7 Widmer D, Allaz AF. Outils pour la réflexivité en psychosomatique. Rev Med Suisse. 2017 Jan 25;13(547):189.
 8 Linder A, et al. Les médecins généralistes face à la ‘dépression chronique’. Représentations et attitudes thérapeutiques. Revue française des affaires sociales. 2018;4:239–58.
 9 Linder A, Widmer D, Fitoussi C, de Roten Y, Despland JN, Ambre­-
sin G. Les enjeux de la collaboration entre médecins généralistes et psychiatres. Le cas de la dépression chronique en Suisse romande. S.F.S.P. Santé Publique. 2019;4(31):543–52.
10 Fitoussi C, Linder A, Widmer D, De Roten Y, Despland JN, Ambre­
sin G. La médecine de famille face à la dépression chronique. [Facing chronic depression in family practice]. Rev Med Suisse. 2020 sept. 30;16(708):181821.
12 Charmaz K. Constructing Grounded Theory. 2nd edition. Introducing Qualitative Methods. London, Thousand Oaks, Calif: Sage; 2014.
13 Bonjour F, et al. Comment le médecin généraliste induit le processus du changement chez son patient: l’exemple de la douleur chronique.  Exercer. 2018;143:204–11. https://archive-ouverte.unige.ch/unige:107143
15 Wonca. Family doctors’ role in providing non-drug interventions (NDIs) for common mental health disorders in primary care. http://www.globalfamilydoctor.com/site/DefaultSite/filesystem/documents/Groups/Mental%20Health/WPMH%20role%20of%20FPs%20in%20non%20drug%20interventions.pdf
16 Widmer D, Herzig L, Jamoulle M. Quaternary prevention: is acting always justified in family medicine? Revue Medicale Suisse. 2014 May 14;10(430):1052–6.
17 Wonca. Addressing the needs of patients with Medically Unexplained Symptoms (MUS). https://www.globalfamilydoctor.com/site/DefaultSite/filesystem/documents/Groups/Mental%20Health/MUS%2018.pdf
18 Launer J. Narrative-Based Primary Care: A Practical Guide. Abingdon: Radcliffe Medical Press; 2002.