Portraits de jeunes chercheurs et chercheuses en MIG

Aktuelles
Édition
2021/12
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2021.10627
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2021;21(12):

Publié le 30.11.2021

La Suisse est une nation de recherche – à laquelle les chercheurs et chercheuses en médecine interne générale (MIG) apportent leur contribution. À quel moment les internistes décident-ils de faire carrière dans la recherche? Quelles étaient leurs motivations, et que conseillent-ils aux jeunes internistes qui se demandent s’ils doivent s’engager dans une carrière académique? Nous avons posé ces questions à des chercheurs et chercheuses suisses, parmi lesquels le Dr méd. Manuel Blum, membre de la Commission pour la recherche de la SSMIG. Avec l’étude OPERAM, ce chercheur a montré que parmi les patients et patientes âgés multimorbides, 9 sur 10 se voyaient prescrire des médicaments en partie inutiles ou inappropriés et qu’il est possible de les réduire avec succès sans que cela n’affecte l’état de santé.

Commission pour la recherche de la SSMIG: entretien avec le Dr méd. Manuel Blum, MSc
Comment l’étude OPERAM a-t-elle confirmé ton ­enthousiasme pour la recherche clinique?
Au tout début, j’ai participé à la configuration de l’étude dirigée par le Prof. Nicolas Rodondi, et à la fin, j’ai pris part à l’interprétation des données, à la composition du manuscrit et à sa publication. L’étude OPERAM (cf. encadré 1) est un remarquable exemple de recherche clinique, et ce pour plusieurs raisons: une problématique importante pour notre population de patients et patientes, majoritairement constituée de personnes âgées et multimorbides; une collaboration internationale d’experts et expertes de spécialités et d’orientations diverses; et enfin, la publication dans le British Medical Journal (BMJ) de résultats qui concernent directement la pratique clinique.
À quel moment de ta carrière as-tu décidé de suivre une carrière académique, et quelles étaient tes motivations? Qui t’a aidé à prendre cette décision à l’époque?
À l’occasion d’un entretien de motivation pour un poste comme Médecin-assistant à la clinique de médecine interne générale de l’Inselspital, à Berne, le Prof. Rodondi m’a demandé si j’aimerais prendre un poste d’assistant de recherche. J’ai accepté spontanément, et c’est ainsi que j’ai pu me faire une idée de l’activité de recherche clinique. Ce qui m’a plu, c’est d’arriver par une approche méthodologique à faire des découvertes qui trouvent souvent leur application dans le quotidien clinique.
Que conseilles-tu aux jeunes internistes qui se ­demandent s’ils doivent s’engager dans une carrière académique?
D’abord, je leur conseille de parler avec des gens directement impliqués dans la recherche, afin de leur demander avis et conseils; ensuite, de profiter des nombreuses possibilités existantes de s’informer, au sein de la clinique, par le biais de la SSMIG ou des Swiss Young Internists, etc. Enfin, il peut être aussi utile, comme ça a été le cas pour moi, d’accumuler de l’expérience, sans idées préconçues, dans le cadre d’un assistanat de recherche.

La personne

Le Dr méd. Manuel Blum, MSc, est chef de clinique à la clinique universitaire de médecine interne générale (MIG) de l’Insel­spital de Berne, chargé de cours et directeur de la promotion de la relève à l’institut bernois de ­médecine de premier recours ­(BIHAM), et membre de la Commission pour la recherche de la Société Suisse de Médecine Interne Générale ­(SSMIG).
Commission pour la recherche de la SSMIG
La Commission pour la recherche de la SSMIG a vu le jour en 2019. Elle élabore des mesures pour promouvoir la recherche clinique centrée sur les patients et les patientes dans le domaine de la MIG, ainsi que la relève académique. Elle fait en outre des recommandations pour améliorer la situation de la recherche en MIG dans les différentes universités, dont elle promeut également la collaboration.
Président
Prof. Dr méd. Nicolas Rodondi, MAS, institut bernois de médecine de premier recours ­BIHAM, médecin chef et directeur de policlinique à l’hôpital universitaire de Berne
Membres
Prof. Dr méd. Drahomir Aujesky, MSc; PD Dr méd. ­Kevin Selby, MAS; Dr méd. Andreas Plate, MSc; PD Dre méd. Marie Méan; Prof. Dre méd. Carole Clair, MSc; Dr méd. François Bastardot, MSc; Dr méd. Hervé Spechbach; PD Dre méd. Christine Baumgartner, MAS; Dr méd. Manuel Blum, MSc; PD Dr méd. Tobias Tritschler, MSc; Dr méd. Christoph Becker

Encadré 1: Plus d'informations sur l’étude OPERAM

La multimorbidité et la polypharmacie sont fréquentes chez les patients et patientes âgés, et peuvent conduire à des médications excessives ou inappropriées, ainsi qu’à des hospitalisations inutiles. L’étude OPERAM s’est demandé si une évaluation structurée et basée sur les preuves pouvait permettre de laisser de côté des médicaments inutiles, ou d’ajouter des médicaments indiqués mais manquants, et si ceci avait des effets sur la santé.
OPERAM était une étude randomisée, multicentrique, clinique, financée dans le cadre du programme de recherche européen HORIZON 2020, et rassemblant neuf partenaires, la directionétant confiée à la clinique universitaire de médecine interne générale de l’Inselspital. Ont participé à l’étude 2008 personnes de plus de 70 ans, présentant au moins trois affections chroniques et prenant régulièrement cinq médicaments ou plus. Les ­médecins traitants étaient randomisés en deux groupes, dans lesquels les patients et patientes ­faisaient l’objet soit d’une prise en charge traditionnelle, soit d’une évaluation structurée des médicaments. Cette évaluation était menée par une équipe de médecins et de pharmaciens et pharmaciennes, avec l’aide d’un logiciel permettant d’identifier les prescriptions médicamenteuses non indiquées. Des recommandations pour une optimisation de la médication étaient ensuite transmises à l’équipe traitante ainsi qu’au médecin de famille. L’étude OPERAM a montré que parmi les patients et patientes âgés multimorbides, 9 sur 10 se voyaient prescrire des médicaments en partie inutiles ou inappropriés. Dans le groupe avec optimisation structurée, les recommandations concernaient une moyenne de 2,75 médicaments inappropriés ou manquants par personne, tandis que lesdites recommandations étaient appliquées chez environ deux tiers des patients et patientes. Une réduction statistiquement significative des hospitalisations associées à la médication (critère principal) n’a pas pu être établie. Pour résumer, l’étude OPERAM a pu établir pour la première fois que la polypharmacie chez les patients et patientes multimorbides pouvait être réduite sans que cela ait des effets négatifs sur leur état de santé.
Pour plus d’informations: Blum MR, Sallevelt BTGM, Spinewine A, O’Mahony D, Moutzouri E, Feller M, et al. Optimizing Therapy to Prevent Avoid­able Hospital Admissions in Multimorbid Older Adults (OPERAM): cluster randomised controlled trial. BMJ. 2021 Jul 13;374:n1585. doi: 10.1136/bmj.n1585.
Responsabilité ­rédactionnelle:
Lea Muntwyler, SSMIG
Lea Muntwyler
Responsable communication/marketing
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