Réponses aux questions fréquentes – 3e partie

Maladies sexuellement transmissibles Chlamydia, gonorrhée, syphilis

Fortbildung
Édition
2022/12
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2022.10479
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2022;22(12):367-371

Affiliations
a Medizinische Universitätsklinik, Infektiologie und Spitalhygiene, Kantonsspital Baselland, Bruderholz, Universität Basel; b checkin Zollhaus, Zollstr. 121, 8005 Zürich; c Department of Public and Global Health, Epidemiology, Biostatistics and Prevention Institute, University of Zurich, Zurich, Switzerland; d Médecine Générale FMH, Centre Médical de Lancy GE et IUMFE, Faculté de médecine, Université de Genève; e Checkpoint Zurich, Zurich, Switzerland; f Dermatologie, Universitätsspital Basel; g PROFA, Consultation de santé sexuelle - planning familial, Lausanne; h Allg. Innere Medizin FMH, Allschwil BL; i Notfallzentrum, Universitätsspital Basel; j Allg. Innere Medizin FMH, FA Homöopathie (SVHA), Richterswil ZH; k Regionalspital Rheinfelden, Chirurgische Klinik, Gesundheitszentrum Fricktal AG; l Positivrat Schweiz, Bern; m Allgemeine Innere Medizin FMH, Geschäftsleitung Sanacare, Sanacare Gruppenpraxis Luzern; n Universitätsklinik für Infektiologie, Inselspital Bern, Universität Bern; o Handchirurgie, Inselspital Bern, Universität Bern; p Hepatology, Department for Visceral Surgery and Medicine, Bern University Hospital, University of Bern, 3010 Bern; q Sigma Research, London School of Hygiene and Tropical Medicine; * Ces auteur·e·s ont participé au manuscrit de manière égale

Publié le 07.12.2022

Les chlamydias peuvent provoquer des complications graves telles que des grossesses extra-utérines et de l’infertilité, mais ceci arrive beaucoup moins souvent qu’on ne le pensait auparavant. Un dépistage de routine de la chlamydia chez les femmes sexuellement actives n’est pas recommandé. La chlamydiose anale et pharyngée est traitée par la doxycycline. La gonorrhée et la syphilis sont en augmentation, surtout chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH). La gonorrhée peut désormais être traitée par voie intraveineuse (ceftriaxone 1 g en une seule fois).

Série Infectiologie

Dans la pratique, les infections et les défenses immunitaires sont des thèmes centraux. Ils offrent d’excellentes opportunités de collaboration interdisciplinaire, de vérification de concepts courants et d’intégration de méthodes des médecines complémentaires. Philip Tarr est interniste et infectiologue à l’hôpital cantonal de Bâle-Campagne, et il mène un programme national de recherche PNR 74 sur le scepticisme vis-à-vis des vaccins. Il attache beaucoup d’importance à une médecine centrée sur les patients ainsi qu’à des articles pertinents pour la pratique, que nous allons publier régulièrement dans cette série du Primary and Hospital Care.

Chlamydia

Les chlamydias sont de plus en plus fréquentes en Suisse. Cette épidémie de chlamydia fait peur.

Avec >12 000 cas déclarés (2019) et une multiplication par cinq au cours des 20 dernières années, les chlamydias sont la maladie sexuellement transmissible (MST) la plus fréquemment diagnostiquée en Suisse [31, 73]. Une étude menée à Bâle suggère toutefois qu’il s’agit d’une pseudo-augmentation [77]; sur l’ensemble des échantillons envoyés, chaque année, de manière constante, seuls environ 5% étaient positifs chez les femmes (environ 10% chez les hommes), alors que le nombre d’échantillons envoyés lui a fortement augmenté. Il y a donc nettement plus de tests effectués, entre autres lors des contrôles gynécologiques annuels de femmes asymptomatiques [77].

La patiente craint les chlamydias et le risque de grossesse extra-utérine et de stérilité.

Des études à grande échelle menées au cours des 10 dernières années montrent que ces complications graves sont beaucoup plus rares qu’on ne le pensait auparavant [65, 66, 78]: En moyenne, pour 1000 infections à chlamydia, il y a 2 grossesses extra-utérines et, chez 1 à 5 femmes, une stérilité tubaire [79, 80].

Qu’en est-il de la salpingite/annexite (pelvic inflammatory disease, PID) après une chlamydiose?

La salpingite est également beaucoup plus rare qu’on ne le pensait auparavant et est généralement en net recul dans de nombreux pays, que ceux-ci pratiquent ou non le dépistage de la chlamydia [79, 80].

La patiente doit-elle faire un test de dépistage des chlamydias chaque année chez son gynécologue?

Non. Le dépistage des chlamydias (chez les femmes asymptomatiques et sexuellement actives) n’est pas recommandé de manière générale en Suisse [65, 66]. Certes, les chlamydias touchent surtout les femmes en âge de procréer, 85–90% n’ont pas de symptômes [81] et un dépistage des chlamydias peut être utile chez les femmes qui changent de partenaire. Toutefois, les programmes de dépistage de la chlamydia à grande échelle sont coûteux et peu efficaces pour réduire l’incidence et la transmission des chlamydias, l’infertilité ou les grossesses extra-utérines [82].

La femme sexuellement active asymptomatique insiste pour que le médecin procède à un dépistage de la chlamydia. Faudrait-il en même temps chercher des gonocoques?

Non [83] car chez les adultes hétérosexuels le résultat sera plus souvent un faux positif qu’un vrai positif, ce qui peut, entre autres, compromettre les relations de couple et entraîner des antibiothérapies inutiles.

Dois-je traiter les chlamydias avec l’azithromycine ou la doxycycline?

Il existe une nette tendance à s’éloigner de l’azithromycine – en particulier dans le pharynx et l’anus l’azithromycine n’est pas suffisamment efficace [65, 66, 84]. Une autre raison contre l’azithromycine est l’augmentation des résistances contre les macrolides chez Mycoplasma genitalium, qui peuvent apparaître comme des coïnfections asymptomatiques de la chlamydia. L’azithromycine présente l’avantage d’une prise unique et est recommandée en cas d’adhérence douteuse ou de grossesse.

Le sexe oral peut-il entraîner une stérilité chez les femmes?

Plutôt non, même si c’était le titre provocateur d’un article paru dans une revue scientifique réputée. Il s’agit de l’hypothèse selon laquelle une infection à chlamydia acquise par voie orale chez la femme peut entraîner un portage intestinal pendant des années, une excrétion anale de chlamydia et, indirectement (auto-inoculation vaginale depuis l’anus), une chlamydiose vaginale et urétrale [85–87]. La persistance anale des chlamydias est une explication possible du fait qu’une PCR vaginale reste positive après un traitement apparemment efficace. C’est pourquoi: chez les femmes présentant une infection persistante à chlamydia, il faut considérer un frottis anal, même si le sexe anal est nié.

Gonorrhée

Si l’écoulement urétral est clair (transparent), il s’agit des chlamydias, et si l’écoulement est trouble (purulent, laiteux), il s’agit de la gonorrhée – est-ce vrai?

Il n’est pas possible de différencier cliniquement les deux agents pathogènes de manière fiable. Cette distinction visuelle n’est pas spécifique à cent pour cent mais de nombreux spécialistes la trouvent utile.

Le.a patient.e a vu une émission sur la résistance aux antibiotiques et craint maintenant de mourir d’une gonorrhée résistante.

Les chlamydias, la syphilis ou l’herpès résistants ne sont pas un sujet pertinent à ce jour [88–90]. En revanche, les gonocoques présentent des tendances inquiétantes à la résistance, c’est pourquoi seul le traitement parentéral avec la ceftriaxone est recommandé (malgré toutes les craintes, les gonocoques résistants à la ceftriaxone ne sont, à ce jour, toujours pas encore documentés en Suisse) [91]. Les antibiotiques oraux (céfixime ou ciprofloxacine) ne sont recommandés que si les gonocoques y sont sensibles – donc non de manière empirique.

Sur le résultat de laboratoire, je ne vois qu’un résultat positif pour les gonocoques. Où est le test de résistance?

La PCR ne permet d’amplifier seulement l’ADN des gonocoques – pour le test de résistance, il faut la culture. En cas de PCR positive pour les gonocoques, le laboratoire devrait automatiquement procéder à une culture. La culture dure deux jours mais qui plus est, les gonocoques sont un peu délicats: Le germe ne pousse pas toujours en culture. Une détection génétique (basée sur la séquence d’ADN) de la résistance n’est pas encore disponible pour les tests de routine.

Puis-je aussi traiter la gonorrhée par voie intraveineuse? Une perfusion au moyen de canule papillon serait pratique.

En Suisse, on recommande désormais aussi bien le traitement intramusculaire (ventroglutéal) que le traitement intraveineux avec 1 g de ceftriaxone [92]. La concentration dans l’urine 24 h après l’administration intraveineuse est certes un peu plus basse qu’après l’administration i.m. mais elle est compensée par l’augmentation de la dose à 1g (auparavant: 500 mg).

Qu’en est-il de l’azithromycine? Auparavant, la gonorrhée était traitée par une combinaison de ceftriaxone i.m. et de 1g d’azithromycine p.o.

Prudence en raison de l’augmentation des résistances (notamment en cas de lien épidémiologique avec la région Asie-Pacifique)! Une monothérapie par ceftriaxone est cependant encore suffisante aujourd’hui en Suisse [67, 68, 93]. Le traitement combiné avec l’azithromycine [93] n’est plus recommandé en Suisse, car il existe trop peu de données solides pour les considérations théoriques de l’époque (synergie possible, prévention des résistances par le traitement combiné).

Syphilis

Mon patient a régulièrement des rapports sexuels oraux réceptifs. Il a maintenant un nodule indolore sur la lèvre, mais le test de dépistage de la syphilis (CLIA) est négatif. Qu’est-ce que cela pourrait être?

Il s’agit probablement quand même d’une syphilis primaire. La période d’incubation est généralement d’environ 3 semaines [21], mais la sérologie de la syphilis peut encore être négative dans les 4 à 6 premières semaines après l’exposition: Au moment de la syphilis primaire, 30% sont encore séronégatifs [100, 101]. En cas de suspicion clinique et de sérologie négative, il ne faut donc pas donner une fausse levée d’alerte, mais faire un frottis (pour la PCR de T. pallidum) et répéter la sérologie syphilis après 2 semaines.

Comment puis-je être sûr.e qu’un ulcère oral est bien la syphilis? Ne pourrait-il pas s’agir aussi d’herpès ou de variole du singe?

Cliniquement, la syphilis primaire se présente généralement comme un ulcère indolore. L’herpès, en revanche, se caractérise généralement par plusieurs vésicules ou ulcères douloureux sur fond rouge. Les lésions de variole du singe peuvent effectivement ressembler à une syphilis primaire. En cas de doute, faire un prélèvement (PCR pour T. pallidum, HSV-1/2 et variole du singe) sur l’ulcère [21].

Quel est le meilleur test sérologique en cas de suspicion de syphilis?

Dans un premier temps, une sérologie de dépistage (il s’agit généralement aujourd’hui d’un EIA syphilis ou d’un CLIA). Si elle est positive, la deuxième étape est un test de confirmation (TPPA, immunofluorescence IgM/IgG, Western blot) et un test d’activité (titre RPR/VDRL). En fonction du laboratoire, le dépistage peut se faire également par TPPA et/ou IgM/IgG. Important: le tout premier test positif n’est confirmé que par un deuxième test positif – en cas de doute (résultats discordants), consultez l’infectiologue. Les tests de dépistage et de confirmation restent généralement positifs toute une vie. Seul le VDRL/RPR convient pour le contrôle de l’évolution. Le niveau du titre TPPA n’a pas d’importance - donc pas de contrôle du titre TPPA après un traitement ou une réinfection éventuelle.

Comment donc diagnostiquer une réinfection par la syphilis?

Uniquement si le titre VDRL augmente d’au moins quatre fois.

Mon patient a eu des rapports sexuels sans préservatif, pendant les vacances il y a cinq semaines de ceci. Il a maintenant une éruption cutanée sur le corps ainsi que les pieds et une commissure des lèvres tombante. Est-ce qu’une syphilis secondaire et une neurosyphilis peuvent apparaître simultanément?

Oui, ce n’est pas si rare, surtout chez les personnes immunodéprimées. Au stade 1 ou 2, 1 à 3% des patients ont une neurosyphilis en même temps (voir l’illustration 2).
Figure 2: Évolution naturelle de la syphilis non traitée adaptée de [106, 107]. Illustration: © Bettina Rigoli, Bâle (bcrigoli@yahoo.com), reproduite avec aimable autorisation.

Mon patient a eu des rapports sexuels sans préservatif. Trois jours plus tard, son partenaire lui annonce qu’il est atteint de syphilis. Mon patient se sent en bonne santé et ne présente aucun symptôme – dois-je quand même le traiter?

Oui: recommander une fois 2,4 millions d’UI de benzathine-pénicilline i.m. ventroglutéal [102], car la syphilis est très contagieuse. Environ 50 à 75% des personnes sont infectées si leur partenaire sexuel est atteint d’une syphilis primaire ou secondaire.

Qu’est-ce que la benzathine-pénicilline?

Il s’agit d’une pénicilline à libération prolongée ou dite «retard» (également appelée benzylpénicilline-benzathine) injectée par voie i.m. ventroglutéale. Les taux sériques sont très bas, mais détectables pendant plusieurs semaines. La benzathine-pénicilline représente – sans changement depuis des décennies – le médicament de référence dans le monde entier pour le traitement efficace de la syphilis [103, 104]. La benzathine-pénicilline n’est pas autorisée en Suisse et doit donc être commandée à l’étranger (p. ex. Tardocillin®, Pendysin®). La solution la plus pratique pour les médecins de famille qui l›utilisent rarement est probablement d’adresser les patients à un.e spécialiste en infectiologie/dermatologie pour l’injection.

Comment organiser le suivi de mon patient atteint de syphilis?

Un traitement de la syphilis efficace se traduit par une diminution du titre du VDRL ou du RPR d’au moins quatre fois (important: le titre du VDRL ne doit pas devenir négatif) [105]. Cela prend généralement 6 à 12 mois en cas de syphilis primaire ou secondaire et 12 à 24 mois en cas de neurosyphilis. C’est pourquoi il est recommandé de contrôler les titres VDRL après 3, 6 et 12 mois (et 24 mois s’il n’y a pas eu de chute adéquate du titre, ainsi qu’en cas de neurosyphilis) [101]. Tous les autres tests sérologiques de la syphilis ne doivent être interprétés que de manière qualitative (positive ou négative): le titre du test TPPA, TPHA ou IgM/IgM ne sont donc pas pertinents. Le suivi uniquement par VDRL/RPR a également l’avantage de ne pas nécessiter de nouvelle déclaration à l’OFSP car celle-ci est déclenchée exclusivement par le TPPA/TPHA.

En cas de syphilis confirmé, quand faut-il chercher une neurosyphilis?

La thérapie à la benzathine-pénicilline n’est pas efficace de manière adéquate dans le SNC, c’est pourquoi il faut envisager une ponction lombaire à bas seuil: en cas d’anomalies neurologiques, d’atteinte des yeux ou des oreilles, de céphalées inexpliquées, d’infection VIH (en particulier si le CD4<350, VDRL/RPR >1:32, ou en l’absence de traitement antirétroviral), et si le titre VDRL ne diminue pas de manière adéquate (voir ci-dessus).

Mon patient présente une remontée du VDRL de 1:1 à 1:8 12 mois après le traitement d’une syphilis primaire. Le traitement a-t-il échoué?

Probablement pas. Une recrudescence du VDRL (définie: par un facteur >4) peut certes s’expliquer par un traitement inadéquat (par ex. si une neurosyphilis non diagnostiquée était présente, mais que le patient n’a été traité «que» par benzathine-pénicilline). Il s’agit bien plus souvent d’une réinfection, d’où l’importance de l’anamnèse et du statut concernant la syphilis primaire, secondaire et la neurosyphilis. Il est également important d’envisager une PCR locale en cas de lésions et de déclarer le patient à l’OFSP avec un «nouvel épisode de maladie». Si l’anamnèse et le statut ne révèlent pas de syphilis primaire, secondaire ou neurologique, il faut traiter la réinfection comme une syphilis latente précoce avec 2,4 millions d’unités de benzathine-pénicilline i.m.
Prof. Dr. med. Philip Tarr
Medizinische Universitätsklinik
Kantonsspital Baselland
CH-4101 Bruderholz
philip.tarr[at]unibas.ch
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