Transition bien gardée – une ­transition enviable des jeunes en situation de handicap

Fortbildung
Édition
2022/05
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2022.10550
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2022;22(05):152-154

Publié le 11.05.2022

«Lost in Transition» – Comment s’est passé le passage des jeunes en situation de handicap de la pédiatrie à la médecine pour adultes? Le Docteur Sepp Holtz, directeur du cabinet de formation zurichois «Kind im Zentrum» et médecin-chef en ­pédiatrie du développement au Kinderspital Zürich, travaille sur cette question depuis plus de 20 ans. Lors du congrès national des Jeunes médecins de premier recours Suisses (JHaS), il présente dans son exposé basé sur vidéo les écueils, difficultés et possibilités lors du passage à la médecine pour adultes de jeunes en situation de handicap.

La formation postgraduée et continue du point de vue de la relève
Du médecin de l’enfance à la médecine pour adulte: habituellement, cette transition n’est aucunement problématique. «Un jour, les enfants en bonne santé ou leurs parents se manifestent et demandent les dossiers afin de se tourner vers un interniste», explique le Dr Holtz. Normalement, le changement se passe sans accrocs. Même chez les enfants et les adolescents présentant un handicap lourd, la transition est bien réglée. En passant à l’âge adulte, ces patients sont souvent intégrés à un projet de logement encadré, où un médecin est responsable d’eux. Il reste un large spectre d’adolescents ayant un handicap léger qui passent entre les mailles de ce filet. Comme l’a montré une étude pédiatrique en 2014, environ 23% de ces adolescents sont «perdus» dans ce système [1]. Chez eux, une planification rigoureuse de la transition vers la médecine pour adultes est nécessaire.
Transfert vs transition – où est la différence? Il est important de savoir qu’il n’y a pas que le transfert des jeunes adultes qui est déterminant – il y a aussi et surtout la transition. Celle-ci comprend la séparation, la réorganisation et la réinsertion des enfants et adolescents dans les systèmes médicaux correspondants [2]. Bouleversement et réorientation s’annoncent. «Cela ne concerne pas que les jeunes», précise le Dr Holtz à propos de la transition. «Les médecins de l’enfance et les internistes généraux se retrouvent face à un défi nouveau». Afin de maîtriser dignement une entreprise aussi complexe, une bonne planification et une bonne communication sont nécessaires.
Figure 1:
Transition idéale en médecine à l'aide du modèle de Van Gennep: Thun-Hohenstein L, Transitionsmedizin. Thun-Hohenstein L, Transitionsmedizin. Paediatr Paedolog 2016 [Suppl 1]: 51:S10–S15. https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/. © Springer Medizin Verlag GmbH. Reproduction avec l’aimable autorisation.

Comment se passe la reprise par les ­internistes généraux?

La médecine de transition s’occupe non seulement du transfert des adolescents dans la médecine pour adultes, mais elle s’occupe aussi et surtout des questions peu communes, de l’âge de développement chronologique vs effectif, et des problématiques systémiques complexes relatives à l’autonomie, à la protection et à la tutelle. La situation de départ diffère chez chaque enfant, et la transmission doit s’articuler en conséquence. Sur le plan scientifique, il existe d’importantes lacunes dans cette transition. Le Dr Holtz sait qu’après un transfert, l’observance des enfants baisse et les consultations d’urgence augmentent [3]. Le pédiatre cherche à contrer ce phénomène grâce à une planification sur mesure – «le transfert effectif est ici la plus petit étape».
De nombreuses questions se bousculent:
  • Qu’est-ce qui rend la transition si difficile?
  • Les adolescents sont-ils insuffisamment préparés au système de la médecine pour adultes?
  • Les médecins pour adultes sont-ils insuffisamment préparés aux besoins des adolescents?
  • A-t-on choisi le bon moment?
Le Dr Holtz décrit la situation comme suit: «La proximité et les bonnes relations avec les adolescents doivent être interrompues puis réinstaurées». Cela concerne non seulement la relation médecin-patient, mais aussi la relation parents-enfant [4]. L’implication des jeunes est ici souvent insuffisante, la disponibilité de médecins pour adultes intéressés et compétents limitée, et le concept thérapeutique pédiatrique actuel basé sur la famille diffère du concept thérapeutique de médecine pour adultes centré sur le patient [5]. La focalisation change subitement pour devenir plutôt centrée sur les organes, et il existe un risque que les aspects de développement et les thèmes psychosociaux soient relégués au second plan. L’implication parentale cède à l’autodétermination et les durées de consultation baissent. Tous ces éléments compliquent la mise en œuvre d’une transition bien réglée [6]. Mais le Dr Holtz est convaincu que cette entreprise peut être influencée de façon positive grâce à l’établissement d’une solide relation de confiance: «Toutes les parties doivent être impliquées dans le processus de transition afin de tendre à un déroulement sans accrocs».

Axes centraux du programme de transition

Afin de réduire la «perte» d’adolescents dans la médecine pour adultes, les points suivants de la médecine de transition devraient être traités de manière individuelle chez chaque patient [7]:
  1. Transition médicale
  2. Accompagnement psychosocial
  3. «Enabling support» (permettre le soutien actif), indiquer les moyens auxiliaires
  4. Hébergement, forme de logement

Difficultés et chances

Aujourd’hui, 90% des patients présentant une maladie chronique atteignent l’âge adulte. A propos des patients atteints de fibrose kystique, le Dr Holtz se ­souvient qu’auparavant, les enfants dans cette situation atteignaient rarement l’âge adulte. Il est également impressionné par les spécialistes qui prennent en charge les enfants. «Les spécialistes ont déjà réussi cette transition plus précise des enfants atteints d’une maladie chronique vers la médecine pour adultes spécialisée.» Mais en pédiatrie générale aussi, cette tâche difficile est de plus en plus fréquemment thématisée.
Pendant l’adolescence, les jeunes sont confrontés à de nombreuses réalités nouvelles: l’acceptation de son corps, l’indépendance émotionnelle, l’intégration professionnelle et la recherche de l’identité. En outre, les adolescents handicapés sont souvent confrontés à leur dépendance aux médicaments et traitements qui façonnent leur vie – cela provoque chez eux et chez d’autres un sentiment de surmenage. Même les parents d’enfants sans handicap connaissent souvent des difficultés avec leurs enfants pendant l’adolescence. Les comportements d’addiction et de découvertes, même dans le domaine thérapeutique, se retrouvent également chez les jeunes présentant un handicap. D’autres facteurs aggravants sont la peur croissante de ne pas être accepté, les limitations professionnelles, mais aussi le refus du soutien parental et les conflits liés à l’autonomie – qui doivent souvent être réglés par le biais de la maladie [8]. Le Dr Holtz recommande d’aborder ces questions, tracas et peurs au cas par cas, et de les clarifier l’un après l’autre.
Il convient également de noter que l’âge de développement des adolescents ne correspond parfois pas à l’âge chronologique – une puberté tardive ou un développement de l’autonomie doivent être intégrés au processus. C’est précisément ici que ces jeunes doivent être accompagnés: là où ils en sont actuellement dans leur développement – la fardeau des handicaps chroniques peut compliquer cette tâche mais la rend encore plus essentielle. Quand est-ce le bon moment? Où en sont les jeunes? De quoi ont besoin les parents? En quoi les médecins peuvent-ils aider? Toutes ces questions doivent être traitées avec une certaine sensibilité et fiabilité.

Aspects utiles de la transition

De quoi ont besoin les parents?
Une recommandation du pédiatre pour trouver le médecin pour adultes le plus adapté à l’enfant est souvent très utile pour les parents. En outre, une planification précoce est essentielle pour permettre à toutes les parties de se pencher sur les changements correspondants et de s’approprier la connaissance d’une autre approche. De la même manière, les éventuelles questions doivent être clarifiées à temps par le professionnel compétent.
De quoi ont besoin les jeunes?
L’inclusion des jeunes est centrale afin d’éviter le sentiment d’être ignoré. Rien ne doit être décidé dans leur dos. En outre, il convient de veiller à ce que l’accompagnement au long cours par l’équipe de pédiatrie comme socle de la confiance ne soit pas rompu. Le suivi, une communication ouverte et le sentiment de ne pas être rejeté jouent en effet un rôle clé dans la transition. Il est également primordial que les internistes viennent chercher les jeunes. «Quand la chimie n’est pas bonne, l’observance baisse», explique le Dr Holtz.
De quoi ont besoin les médecins?
Pour les internistes, la compréhension du concept d’accompagnement pédiatrique est capitale. De plus, la communication, la préparation et le temps accordé aux jeunes sont également des éléments centraux pour la transition.

Le transfert seul ne suffit pas

Le transfert en lui-même ne fait pas tout. Hébergement, perspectives professionnelles – de nombreuses questions ouvertes viennent à l’esprit des jeunes, des pédiatres, des parents et des internistes. Pour structurer cette montagne de tâches et ne rien oublier, le Dr Holtz renvoie aux directives NICE 2016 (National Institute for Health and Care Excellence), qui traitent de toutes ces questions (cf. code QR). Les directives NICE sont un concept à la mesure de chaque patient avec coordination, horizon temporel, planification du transfert et suivi post-transfert, accessible à tous et censé faciliter la transition.
https://pathways.nice.org.uk/pathways/transition-from-childrens-to-adults-services

Take-home messages

  1. La planification de la transition des jeunes en situation de handicap doit commencer tôt.
  2. La transition comprend bien plus que la simple planification du transfert et dure (éventuellement) plusieurs années.
  3. Le moment du transfert doit être planifié minutieusement en intégrant le jeune et en concertation avec toutes les parties (spécialistes, pédiatres en cabinet, médecins de famille).
  4. La collaboration comme clé du succès:
  • Médecin avec patient et parents
  • Spécialiste avec pédiatre en cabinet et futurs spécialistes
  • Pédiatre avec médecin pour adultes
La prise en compte de tous ces points augmente la probabilité d’un passage réussi à la médecine pour adultes.
Jasmin Borer
Managing Editor
Primary and Hospital Care
EMH Schweizerischer ­Ärzteverlag
Farnsburgerstrasse 8
CH-4132 Muttenz
office[at]primary-hospital-care.ch
1. Rutishauser C, European Journal of Pediatrics. Transition of young people with chronic conditions: a cross-sectional study of patient perceptions before and after transfer from pediatric to adult health care 2014;173(8):1067-74
2. Thun-Hohenstein L, Transitionsmedizin in Pädiatrie & Pädologie. 2016;[Suppl 1]: 51:10–15
3. Syverson EP. McCarter R, He J, D’Angelo L, Tuchmann LK. Adolescents‘ perceptions of transition importance, readiness, and likelihood of future success: The role of anticipatory guidance. Clin Pediatr. 2016;55:1-6. Cohen E, Gandhi S, Toulany A, Moore C, Fu L, Orkin J et al. Health care use during transfer to adult care among youth with chronic conditions. Pediatrics. 2016;137:e20152734. doi:10.1542/peds.2015-2734. Lotstein DS, Seid M, Klingensmith G, Case D, Lawrence JM, Pihoker C et al. Transition from pediatric to adult care for youth diagnosed with type 1 diabetes in adolescence. Pediatrics. 2013;131:e1062-e1070.
4. Callahan ST et al, Transition from pediatric to adult-oriented health care: a challenge for patients with chronic disease. In current opinion in pedriatics 2001; 13(4):310-6
5. Greenburg AS, Jan S, Szalda D, Trachtenberg S, Steinway C, Miller R et al. Transfer engagement lessons learned (TELL): using patient perspectives to inform and improve transition processes. J Adolesc Health 2016.Busse FP. Hiermann P, Galler A, Stumvoll M, Wiessner T, Kiess W et al. Evaluation of patients‘ opinion and metabolic control after transfer of young adults with type 1 diabetes from a pediatric diabetes clinic to adult care. Horm Res. 2007;67:132-138.Chaturvedi S, Jones CL, Walker RG, Sawyer SM. The transition of kidney transplant recipients: a work in progress. Pediatr Nephrol. 2009;24:1055-1060.
6. Watson A, Problems and pitfalls of transition from paediatric to adult renal care in pediatriatic nephrologie, 2005; 20(2):113-7
7. Transition1525 Medizinische und integrative Transition für junge Behinderte und chronisch Kranke. 2021 Apr 19: https://www.transition1525.ch/transitions-programm
8. Suris J-C et al., Arch Dis Child, The adolescent with a chronic condition in British Medical Journal 2004; 89(10): 943–949.