Un atelier basé sur des cas ­concernant les principales fractures dans la médecine de famille

Lehre
Édition
2022/02
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2022.10603
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2022;22(02):49-51

Publié le 09.02.2022

Lumière sur l’enseignement aux étudiants en médecine de famille

Introduction

La voie du traitement conservateur a repris de l’importance dans de nombreux domaines ces dernières années, comme l’ont montré des études récentes, par exemple sur les fractures distales du radius [1], les fractures proximales de l’humérus [2] ou les fractures malléolaires [3].
En Suisse, les médecins de famille traitent régulièrement eux-mêmes des fractures sans complication dans leur cabinet, le plus souvent dans des centres touristiques où l’on pratique de nombreux sports de plein air. Les sept fractures les plus courantes, à l’exception de la fracture proximale du fémur, peuvent dans de nombreux cas être traitées de manière concluante par un médecin de famille compétent [4]. L’évaluation des fractures reste donc l’une des compétences essentielles des soins primaires [5]. L’enseignement des fractures dans les universités étant principalement assuré dans le cadre des disciplines chirurgicales, l’enseignement des soins conservateurs des fractures est souvent sous-représenté, comme c’est le cas dans les études de médecine à Berne. C’est pour cette raison qu’une enquête menée auprès des étudiants a révélé que l’intérêt pour un atelier sur ce thème était élevé.
Dans le cadre du dernier semestre de la 6e année d’études, le Berner Institut für Hausarztmedizin (BIHAM) a donc mis au point un nouvel atelier facultatif sur le «traitement conservateur des fractures». L’objectif de cet article est de décrire et d’évaluer l’atelier, qui a fait l’objet d’un pilote en 2019 et introduit définitivement en 2020.

Méthodologie et objectifs d’apprentissage

En général, nous suivons la séquence «objectifs d’apprentissage – niveau d’application – format d’enseignement» lors de la mise en place de nouveaux cours. La définition des objectifs d’apprentissage résulte de la formulation «Tous les étudiants peuvent + infinitif». Cela oblige l’enseignant à définir le niveau d’application d’un contenu pédagogique via le verbe final [6]:
À l’issue de cet atelier, concernant les fractures du radius distal, de l’humérus proximal et de l’articulation supérieure de la cheville (fracture malléolaire), les étudiants seront en mesure:
  1. d’identifier, de décrire et d’évaluer radiologiquement la ou les fractures 
  2. de citer les indications pour des examens complémentaires (tomodensitométrie/IRM)
  3. de déterminer la première étape du parcours de traitement après le diagnostic de la fracture (conservateur/chirurgical, orientation vers un spécialiste, suivi au cabinet du médecin de famille).
  4. d’expliquer la signification et les tendances de la réduction fermée en cas de fracture distale du radius.
  5. d’appliquer correctement des attelles et des plâtres chirurgicaux sur le poignet et l’avant-bras.
«Citer» implique une connaissance factuelle directe, qui peut être bien acquise dans l’enseignement frontal. Des verbes comme «décrire», «évaluer», «expliquer» exigent un niveau de réflexion plus poussé sur le contenu d’un sujet: les formats interactifs tels que les séminaires sont plus propices à ce type d’apprentissage. Et à partir de la forme verbale «appliquer correctement», il est immédiatement évident qu’un cours pratique est nécessaire pour ce niveau d’application. Une bonne vue d’ensemble des formats d’enseignement appropriés pour différents objectifs d’apprentissage appliqué peut être trouvée, par exemple, dans Kern [7].

Concept et organisation

Dans cet atelier interactif et axé sur la pratique, les étudiants, accompagnés d’un médecin de famille et d’un spécialiste en orthopédie, analysent et discutent en petits groupes de six des vignettes de cas documentées et illustrées. L’accent est mis sur l’évaluation correcte de la fracture et sa gestion optimale dans le cadre d’une gestion du temps cohérente. L’atelier se terminera par un cours d’introduction au plâtre (fig. 1).
Figure 1:
La structure et le programme de 4,5 heures de l’atelier. Dans la première partie, après un exposé, trois fractures typiques fréquemment rencontrées dans un cabinet de médecine de famille sont abordées en trois blocs d’apprentissage.

1. Radius distal; 2. humérus proximal; 3. cheville supérieure/malléole.

Chacun des trois blocs thématiques est structuré comme suit:
  • Présentation d’un cas exemplaire (anamnèse de l’accident, clinique, résultats radiologiques et prise en charge) par le médecin de famille et le spécialiste (exemple de vignette de cas dans l’encadré 1).
  • Travail en groupe
  • Chaque groupe (trois étudiants) dispose d’un ordinateur portable et reçoit une clé USB contenant deux vignettes de cas et les radiographies correspondantes
  • Chaque groupe reçoit également un goniomètre et radiographies correspondantes pour la mesure des fractures sur papier.
Les deux cas sont présentés en groupe entier et le diag­nostic et la prise en charge optimale sont discutés.

Encadré 1: Exemple d’une vignette de cas

Pianiste professionnel de 31 ans ayant chuté en patinant, douleurs sévères. Le cas est suivi après le traitement initial pour quatre consultations (jour 7, semaine 3, 6 et 12) pour les décisions de traitement, l’évolution, les contrôles de l’évolution par radiographie, la guérison. (Explication diapositive 1: fracture distale du radius droit, inclinaison dorsale de 10°, traitement conservateur en première intention: réduction (essai) et plâtre circulaire fendu Scotchcast™ pour l’avant-bras).
Dans la deuxième partie pratique de latelier, un cours d’introduction au plâtre pour le traitement initial des fractures distales du radius à l’aide d’attelles de poignet et de plâtres circulaires sera dispensé. Les étudiants seront guidés par groupes de trois par une infirmière spécialiste du plâtre expérimentée et accompagnés par un spécialiste de l’orthopédie et deux médecins de famille.
L’atelier, qui dure 4,5 heures, est composé de six petits groupes de trois étudiants chacun et de l’équipe pédagogique suivante:
  • Spécialiste en orthopédie d’un hôpital universitaire
  • Médecin de famille spécialisé en traumatologie, cabinet dans une ville touristique
  • Infirmière spécialiste des plâtres, salle des plâtres d’un hôpital universitaire
  • Personnel du BIHAM et ancien médecin de famille (organisation et modération).

Évaluation

Pour l’évaluation de l’atelier, nous avons interrogé les étudiants participants (n = 34) à l’aide d’un questionnaire structuré (huit questions, note finale), et leur avons demandé un retour en texte libre. L’évaluation globale moyenne du cours était de 5,38/6. Les études de cas radiologiques (4,65/5), la gestion interdisciplinaire de l’atelier (4,65/5) et le cours pratique sur les plâtres (4,62/5) ont été soulignés positivement.
En raison des nombreux retours au format texte libre, les améliorations suivantes ont pu être apportées:
  • Bref rafraîchissement des connaissances sur les bases anatomiques
  • La fracture du métatarse n’est plus traitée par manque de temps.
  • Les résultats des radiographies sont discutés plus en détail lors de la présentation du cas et du travail en groupe
  • La durée du cours sur les plâtres est prolongée de 30 minutes.

Discussion et conclusion

L’atelier sur le traitement conservateur des fractures a été piloté avec succès et ancré dans le programme en tant qu’atelier facultatif. Le nombre élevé d’inscriptions confirme la nécessité et la pertinence du sujet. Les enseignants ont constaté que les étudiants avaient des connaissances de base plutôt faibles en ce qui concerne le sujet spécifique de l’atelier, ce qui a conduit à certains ajustements.
La structure complexe de notre format d’enseignement, avec un enseignement frontal et en groupe, une discussion plénière et une partie pratique, exige un enseignement ciblé et une animation disciplinée, ainsi qu’un respect strict de l’emploi du temps. Par conséquent, il s’agit d’un format plutôt complexe qui ne peut pas être ajusté de façon arbitraire. Les retours des étudiants ont été très positifs, bien que cette évaluation n’ait porté que sur la satisfaction des participants et non sur la réussite directe de l’apprentissage.
Outre le contenu technique, le sujet permet également d’illustrer aux étudiants la polyvalence de la profession de médecin de famille et de montrer que l’acquisition de compétences spécifiques enrichit les activités de consultation d’un médecin de famille.
Même à l’heure de la médecine numérique avec l’utilisation de la télémédecine, des chatbots et de l’intelligence artificielle, le métier de médecin de famille se ­caractérise par des connaissances solides et des compétences spécifiques. Ces éléments sont importants pour une grande satisfaction des patients et, comme dans le cas présent, pour la réussite du traitement des fractures.
Je tiens à remercier le Dr Michael Schär, médecin-chef et chef d’équipe en orthopédie à l’Inselspital Bern, et le Dr Marc Müller, médecin de famille à Grindelwald, qui ont accepté de participer à l’organisation de cet atelier. Leurs précieuses contributions issues des mondes de l’hôpital et du cabinet ont été enrichissantes pour les étudiants et pour moi.
Dr méd. Markus Schmid
Médecine interne générale FMH
Personnel enseignant,
Berner Institut für ­Hausarztmedizin
Mittelstrasse 43
CH-3012 Bern
markus.schmid[at]biham.unibe.ch
1. Arora R, Lutz M, Deml C, Krappinger D, Haug L, Gabl M, et al. A prospective randomized trial comparing nonoperative treatment with volar locking plate fixation for displaced and unstable distal radial fractures in patients of sixty-five years of age and older. Nederlands Tijdschrift voor Traumatologie. 2012;20(5):161-2.
2. Olerud P, Ahrengart L, Ponzer S, Saving J, Tidermark J. Internal fixation versus nonoperative treatment of displaced 3-part proximal humeral fractures in elderly patients: a randomized controlled trial. Journal of Shoulder and Elbow Surgery. 2011;20(5):747-55.
3. Donken C, Verhofstad M, Edwards MJ, van Laarhoven C. Twenty-one-year follow-up of supination-external rotation Type II-IV (Orthopaedic Trauma Association type b) ankle fractures: a retrospective cohort study. J Orthop Trauma. 2012;26:e115-e22.
4. Bissig PB, H.; Spycher, J. Die konservative Frakturbehandlung – eine Übersicht für die Praxis. Primary Care. 2013;13(21):378-81.
5. Eiff MP, Hatch RL. Fracture Management for Primary Care Updated Edition E-Book: Elsevier Health Sciences; 2017.
6. Miller GE. The assessment of clinical skills/competence/performance. Acad Med. 1990;65(9):S63-7.
7. Kern DT, P.; Hughes, M. Educationsl Strategies. Table 5.2 Matching Educational Methods to Objectives. Curriculum Development for Medical Education - A Six-Step Approach2009. p. 60.