L’absence fréquente des engrammes marquants pour les maladies rares, et ses conséquences

Des chutes fréquentes à la cause très rare

Case reports
Édition
2023/01
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2023.10496
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2023;23(01):

Affiliations
a Sanacare Praxis Paulusplatz, Luzern; b Allgemeine Innere Medizin Luzerner Kantonsspital, Luzern Antécédents et première consultation aux urgences

Publié le 10.01.2024

L’absence fréquente des engrammes marquants pour les maladies rares, et ses conséquences

Antécédents et première consultation aux urgences

Nous avons vu dans notre service des urgences une patiente de 56 ans d’origine bosniaque, qui présentait un manque de force persistant, une immobilité accrue et des troubles intermittents de la vigilance.
Quelques jours auparavant, la patiente avait fait une chute nocturne sans avoir été observée. Au cours des deux dernières années, elle avait perdu 10 kg. De plus, elle ressentait depuis 5–6 ans des engourdissements et des douleurs aux pieds et aux jambes, ainsi qu’une perte progressive de force dans les deux jambes. Sa démarche était devenue de moins en moins assurée, de sorte qu’elle ne pouvait plus exercer son activité d’agent d’entretien. Une artériopathie oblitérante des membres inférieurs avait déjà été exclue et les troubles avaient été interprétés comme une polyneuropathie diabétique.
Les diagnostics préexistants incluaient une hypertension artérielle, un diabète sucré de type 2, un infarctus du myocarde et une dépression. Son frère aîné avait également souffert d’une faiblesse musculaire des jambes et était décédé après une durée de maladie de quatre ans. Les médecins traitants avaient supposé un syndrome de Charcot-Marie-Tooth (SCMT).
Sur le plan clinique, la patiente s’est présentée dans un état cachectique; elle était parfaitement orientée, mais était nettement ralentie sur le plan psychomoteur et ne répondait que sporadiquement et de manière taciturne; elle était parfois apathique et présentait une compliance réduite; son score de Glasgow était de 13–15. Absence de méningisme. Pupilles rondes, moyennement dilatées, isocores et rapidement réactives à la lumière des deux côtés; poursuite oculaire/champ visuel non contrôlables de manière conséquente. Atrophie musculaire des jambes à prédominance distale au niveau du bas des jambes. Pas de déformations des pieds. Force musculaire brute au niveau des extrémités supérieures M4 des deux côtés et au niveau des extrémités inférieures M3 des deux côtés.
Réflexe achilléen et réflexe rotulien abolis des deux côtés. Signes pyramidaux négatifs au niveau de toutes les extrémités. Allodynie au niveau des deux jambes et pieds. Station debout et démarche non contrôlables. Examen au demeurant sans particularité.
Les analyses de laboratoire n’ont pas révélé d’anomalie. La tomodensitométrie crânienne a révélé une hémorragie ventriculaire bilatérale avec hydrocéphalie interne et gyri en partie effacés. A la ponction lombaire, la pression d’ouverture se situait dans la limite supérieure (17 cmH2O). Le liquide céphalorachidien présentait une xanthochromie et une augmentation des protéines (total 0,94 mg/l, albumine 656 mg/l, nombre de cellules 0). Les autres résultats, y compris la cytologie, n’étaient pas concluants.

Commentaire

L’hémorragie a été interprétée comme une conséquence de la chute, l’hydrocéphalie comme préexistante, car une anomalie aiguë de cette ampleur n’aurait pas été compatible avec la clinique. L’IRM crânienne a permis d’exclure une sténose de l’aqueduc en présence d’un fort signal de flux.

Examens complémentaires et diagnostic différentiel

Face au trouble de la marche, aux douleurs et à l’absence d’amélioration après une tentative de drainage du liquide céphalorachidien, nous avons demandé un électroneuromyogramme, qui a mis en évidence une polyneuropathie sensitivomotrice mixte axonale et démyélinisante ainsi que des signes de polyradiculopathie lombosacrée supplémentaire. L’IRM rachidienne complémentaire a montré de multiples prises de contraste nodulaires sur toute la surface de la moelle épinière ainsi qu’au niveau de la dure-mère (fig. 1). Une méningite carcinomateuse a donc été suspectée.
Figure 1: IRM du rachis avec produit de contraste (extrait): multiples accumulations nodulaires de produit de contraste sur toute la surface de la moelle épinière et au niveau dural. Les plus gros nodules se trouvent dans la partie inférieure du rachis thoracique (flèche rouge).
Nous avons par conséquent considéré que l’hydrocéphalie interne était due à une atteinte arachnoïdienne oblitérante.
Après consultation de différents spécialistes et réalisation de divers examens, y compris une TEP-TDM au FDG, aucune tumeur primaire n’a pu être mise en évidence. Lors du tumor board interdisciplinaire, il a été décidé de procéder à une excision exploratrice pour confirmer le diagnostic. L’IRM rachidienne, répétée à court terme pour préparer l’opération, a montré une nette progression du rehaussement leptoméningé. L’examen histologique de l’échantillon de tissu prélevé n’a pas pu confirmer le diagnostic de suspicion de tumeur et a révélé de manière surprenante une accumulation de transthyrétine (TTR) sous forme de dépôts amyloïdes. Les analyses de laboratoire n’ont montré aucun indice de polyneuropathie d’une autre étiologie. La patiente et ses proches ont nié toute consommation chronique d’alcool. La mise en évidence d’une mutation du gène de la TTR a permis de confirmer le diagnostic rare de polyneuropathie amyloïde familiale associée à la TTR (PAF-TTR), dont souffrait probablement aussi le frère décédé.

Commentaire

Plus de 30 protéines différentes ont été décrites comme pouvant provoquer une amylose en raison d’un défaut de repliement et d’une accumulation. Les différentes formes d’amylose avec leurs protéines précurseurs correspondantes sont énumérées dans le tableau 1 [30].
La méthode de référence pour la détection des amyloïdes est la coloration au rouge Congo de l’échantillon de tissu [31]. Au microscope polarisant, les amyloïdes apparaissent alors avec la biréfringence jaune-vert lumineuse typique. En l’absence de coloration, l’amyloïde serait faiblement contrastée et impossible à différencier en microscopie optique, raison pour laquelle la coloration au rouge Congo doit impérativement être demandée en cas de suspicion d’amylose. Dans le cas contraire, le diagnostic est manqué. Ensuite, l’amyloïde est différenciée en fonction de ses protéines précurseurs par des procédés spéciaux et la maladie de base est définie.
L’amylose à chaînes légères (AL) est le type d’amylose le plus fréquent, suivi par l’amylose à transthyrétine (ATTR). Comme le montre le tableau 1, l’amylose AL est due à des dépôts de chaînes légères d’immunoglobulines monoclonales et est donc la conséquence d’une dyscrasie plasmocytaire. Il s’agit d’une forme acquise d’amylose, qui peut entraîner des dépôts amyloïdes systémiques et locaux. Contrairement à l’amylose AL, l’amylose ATTR est causée par le dépôt de transthyrétine anormale ou mal repliée et se présente sous forme systémique. Les traitements et les pronostics des deux types d’amylose sont très différents en raison de leurs genèses distinctes [1, 32].
Tableau 1: Extrait des amyloses connues et de leurs protéines précurseurs. La nomenclature suit les recommandations du International Society of Amyloidosis (ISA) nomenclature committee [31].
Type d’amyloseProtéine précurseur/mutation génétiqueS, LA, HAmylose/maladie de base
ALChaîne légère d’immunoglobulinesS, LA, HMyélome multiple, amylose AL primitive
AHChaîne lourde d’immunoglobulinesS, LAMyélome multiple, amylose AL primitive
ATTRvTransthyrétine mutéeSHPolyneuropathie amyloïde familiale (PAF)
Cardiomyopathie familiale
Forme leptoméningée
ATTRwtTransthyrétine, type sauvageSAAmylose cardiaque sénile
Polyneuropathie périphérique
Ligaments
Aβ2Mβ2-microglobulineSAHémodialyse chronique, articulations
AASérum amyloïde ASASecondaire, réactive
AApoAIApolipoprotéine AIS
L
HAmylose systémique héréditaire
Artériosclérose
AApoAIIApolipoprotéine AIISHAmylose rénale héréditaire
ALysLysozymeSHAmylose viscérale familiale
AFibChaîne α du fibrinogèneSHAmylose systémique héréditaire
ACysCystatine CSHAmylose familiale (type islandais)
APrPProtéine prionLHEncéphalopathie spongiforme
ACal(Pro)calcitonineLHCarcinome médullaire de la thyroïde
AMedLactadhérineLAAmylose de la média aortique
S = systémique, L = locale, A = acquise, H = héréditaire
Concernant l’amylose ATTR, il convient de distinguer deux formes:
Les principales différences entre l’amylose ATTRv et l’amylose ATTRwt sont présentées dans le tableau 2 [1].
Tableau 2: Principales différences entre l’amylose ATTRv et l’amylose ATTRwt.
 Amylose ATTRvAmylose ATTRwt
Prévalence<1:100 000Inconnue, mais plus fréquente que l’amylose ATTRv
Héréditaire/acquiseHéréditaire, autosomique dominanteAcquise
CauseMutations dans le gène de la TTR, transthyrétine anormalement mutéeInconnue. Pas de mutations génétiques.
Défaut de repliement de la transthyrétine normale.
Age au moment du premier symptômeVariable selon la mutation génétique>60 ans
Atteinte organiqueSystème nerveux périphérique et autonome
Cœur
Yeux
Leptoméninge
Principalement cœur
Poumons
Ligaments
Ténosynoviale
Manifestations cliniquesPolyneuropathie
Polyneuropathie autonome
Opacité du corps vitré
Forme leptoméningée
Cardiomyopathie héréditaire
Cardiomyopathie
Sténoses du canal rachidien
Rupture atraumatique du tendon du biceps
La PAF-TTR est une amylose héréditaire autosomique dominante qui se présente sous forme de maladie multisystémique neurodégénérative progressive et qui, en l’absence de traitement, est mortelle environ 7–10 ans après le début des symptômes [2, 9, 11]. La cause en est une mutation du gène de la TTR (chromosome 18q) [11]. La prévalence mondiale de cette maladie orpheline est estimée à environ 10 200 cas [12]. Certaines régions du Portugal, de la Suède et du Japon sont considérées comme des zones endémiques. Selon la littérature actuelle, il s’écoule 2–5 ans entre le début des symptômes et la pose du diagnostic dans les régions non endémiques [2, 8].
La TTR est une protéine de transport tétramérique de la thyroxine et du rétinol. Elle est synthétisée à 95% dans le foie, mais également en petites quantités dans le plexus choroïde et la rétine. La mutation favorise une dissociation accrue et un mauvais repliement des monomères. Ces derniers forment des oligomères toxiques ou des fibrilles amyloïdes qui s’accumulent dans le système nerveux périphérique et autonome ainsi que dans différents organes, entraînant des troubles fonctionnels. Actuellement, plus de 150 mutations sont connues [7], la mutation Val30Met, mise en évidence pour la première fois en 1984 au Portugal, étant la forme la plus fréquente (47%), surtout dans les régions endémiques [9]. La mutation Ile127Met de notre patiente n’a été décrite qu’une seule fois dans la littérature [23]. Les porteurs ne développent pas nécessairement la maladie. Non seulement la pénétrance, mais aussi le phénotype varient: pour la mutation Val30Met, on observe au Portugal un early onset à partir de 30 ans avec des manifestations principalement neurologiques, alors qu’en Suède, on observe un late onset à partir de 50 ans avec des manifestations plutôt cardiaques. Les causes de ce phénomène ne sont pas connues. Des facteurs génétiques, des facteurs épigénétiques et divers facteurs environnementaux sont supposés [8].
Comme mentionné dans l’anamnèse, la maladie débute le plus souvent par des troubles sensori-moteurs des pieds et du bas des jambes (perte de la perception de la température, engourdissement, paresthésies, douleurs) qui, par la suite, touchent également les mains. Un syndrome du canal carpien bilatéral peut précéder et être considéré comme un symptôme précoce. Conjointement avec une faiblesse musculaire et une atrophie progressives, il en résulte une démarche incertaine avec une tendance à la chute. Les polyneuropathies d’autres étiologies, les sténoses du canal rachidien ou le SCMT sont des diagnostics erronés fréquemment posés [8, 10]. Les causes les plus fréquentes de la polyneuropathie sont décrites dans le tableau 3 [33].
Tableau 3: Causes les plus fréquentes de la polyneuropathie.
Endocrinologiques ou métaboliquesDiabète sucré
Alcoolisme chronique
Hypovitaminoses B12, B1, B6
Insuffisance rénale
Insuffisance hépatique
Hypothyroïdie
Inflammatoires ou immunologiques
Primaire
Polyradiculonévrite aiguë ou chronique en cas de:
– Syndrome de Guillain-Barré ou syndrome de Miller-Fisher
– Vascularite
– Collagénoses
Neuropathie secondaire en cas de:
– Gammapathies
– Prolifération lymphocytaire monoclonale
Toxiques-médicamenteusesAlcool
Cytostatiques, virostatiques, isoniazide
InfectieusesBactérienne: borréliose, diphtérie, lèpre, etc.
Virale: VIH, CMV, VZV, grippe, etc.
ParanéoplasiquesCarcinome bronchique à petites cellules
Autres causesNeuropathie de réanimation
Maladie de Charcot-Marie-Tooth
Amylose
IdiopathiquesEnv. 20–50% des polyneuropathies restent d’étiologie indéterminée.
L’atteinte du système nerveux autonome entraîne, entre autres, une dysrégulation orthostatique, des troubles de la vidange vésicale, un dysfonctionnement érectile et des problèmes gastro-intestinaux (diarrhée, constipation, perte d’appétit, cachexie). L’atteinte cardiaque fréquente se traduit par une insuffisance cardiaque et des troubles du rythme.
Pour le diagnostic non invasif d’une amylose cardiaque ATTR, la scintigraphie osseuse peut être réalisée avec une sensibilité et une spécificité élevées, à condition qu’une gammapathie monoclonale ait été exclue et que des signes typiques d’amylose soient déjà visibles à l’échocardiographie ou à l’IRM. Il est alors possible de renoncer à une biopsie endomyocardique. Le patient reçoit un produit de contraste contenant du 99mTc-DPD ou du 99mTc-HMDP, puis on détermine et compare l’accumulation du traceur au niveau cardiaque et squelettique. Le score de Perugini est utilisé pour évaluer l’accumulation du traceur au niveau cardiaque lors d’une scintigraphie osseuse. La détermination du score de Perugini et son interprétation sont présentées dans le tableau S4 (voir annexe en ligne) [1, 34].
Un score de Perugini de grade ≥ 2 indique une amylose cardiaque AATR.
Dans le cas de la très rare amylose leptoméningée, des hémorragies intracrâniennes, une hydrocéphalie, des céphalées, des crises d’épilepsie, des ataxies et des parésies peuvent survenir. Les manifestations oculaires sont entre autres un glaucome ou une atrophie papillaire. Enfin, outre les complications cardiaques et infectieuses, les conséquences des chutes sont également mortelles. En l’absence de traitement curatif à ce jour, les traitements précoces ciblant les symptômes et les amyloïdes permettent d’améliorer la qualité de vie. Dans notre cas, le diagnostic a été posé environ 5 ans après le début des symptômes. La PAF-TTR peut être schématiquement divisée en trois stades, en fonction de la mobilité des patients (tab. S5, voir annexe en ligne) [2]:

Evolution à court terme et traitement

Par la suite, la patiente a présenté davantage de signes de pression intracrânienne augmentée, avec de fortes céphalées, des vomissements intermittents, une agitation et des crises d’épilepsie. Après la mise en place d’un shunt ventriculo-péritonéal, la patiente paraissait nettement plus éveillée et plus coopérative. Les céphalées et les vomissements ont presque complètement cessé. Aucune autre crise d’épilepsie n’est survenue sous lévétiracétam. Les douleurs polyneuropathiques ont été traitées par prégabaline et Oxycontin, et une thérapie nutritionnelle et physique ont été mises en place.
Notre cas date de 2016. Conformément à la recommandation de l’époque du centre de l’amylose de l’université de Heidelberg, un traitement off-label par diflunisal a été initié et la patiente, encore alitée, a été transférée en neuroréhabilitation. Après quatre semaines de traitement intensif, elle a retrouvé une mobilité autonome à l’aide d’un déambulateur. Un conseil génétique a été recommandé aux enfants de la patiente.

Commentaire

La transplantation hépatique (TH) a été, à partir de 1990, le premier traitement disponible pour réduire la TTR mutée. Cependant, la wtTTR du greffon continue de se fixer sur l’amyloïde préexistante, principalement cardiaque, et fait progresser la maladie [21]. Par conséquent, seuls des patients sélectionnés (<50 ans, mutations spécifiques) peuvent bénéficier d’une TH (survie médiane: 20 ans) [18]. En revanche, aucun effet n’est observé en cas d’amylose leptoméningée/oculaire, comme dans notre cas, car la synthèse de TTR y est locale [3,10]. Les transplantations combinées (foie et cœur/rein) sont envisagées lorsque les autres organes présentent déjà des insuffisances sévères. Etant donné que le foie retiré du patient atteint d’amylose est métaboliquement fonctionnel, il peut être transplanté à d’autres patients non atteints d’amylose et souffrant d’insuffisance hépatique (ce qu’on appelle une transplantation domino). La mutation du gène de la TTR dans le greffon peut également provoquer une amylose chez le receveur après plusieurs années [35].
En l’état actuel, la TH n’est considérée en Suisse que comme un traitement de deuxième ligne si le silencing génétique médicamenteux par patisiran, un small interfering mRNA (RNAi), n’est pas efficace ou n’est pas toléré et s’il s’agit d’une PAF-TTR early-onset avec un phénotype principalement neurologique [1].
Les options thérapeutiques médicamenteuses disponibles restent limitées.
Le silencing génétique permet de réduire efficacement la traduction de l›ARNm de la TTR. Depuis 2018, l›inotersen (oligonucléotide antisens) et le patisiran (RNAi) sont utilisés à l’étranger pour le traitement de la PAF-TTR aux stades 1 et 2 [14, 15]. En Suisse, seul le patisiran est autorisé. Pour la prise en charge des coûts par la caisse-maladie, la pose de l’indication, la demande de garantie de prise en charge et le suivi doivent être effectués par l’un des deux centres d’amylose habilités (CHUV Lausanne, USZ) [1]. Les stabilisateurs de la TTR empêchent la dissociation et donc l’étape décisive de la formation d’amyloïde. Le tafamidis se lie de manière très sélective à la TTR et n’est autorisé en Suisse que depuis mars 2020 chez les patients atteints de cardiomyopathie amyloïde associée à la TTR, mais il n’est pas remboursé, de sorte qu’il faut là aussi demander une garantie de prise en charge des coûts avant de commencer le traitement. Il n’existe toutefois pas d’autorisation pour la polyneuropathie associée à la TTR isolée [1]. Le diflunisal, un AINS stabilisant la TTR, a été utilisé en 2016 comme traitement off-label lorsque les critères pour le tafamidis ou la TH n’étaient pas remplis [2, 3, 19, 20]. Le diflunisal n’est pas disponible en Suisse. Parmi les autres traitements médicamenteux, mais qui sont considérés comme expérimentaux, on trouve dans la littérature l’utilisation de l’épigallocatéchine gallate, un extrait de thé vert aux propriétés stabilisatrices de TTR, et l’approche thérapeutique de la désagrégation et de l’élimination de l’amyloïde par la doxycycline et l’acide taurodésoxycholique, qui ont déjà été utilisés dans le cadre d’études portant sur un petit nombre de cas [3, 22].
A l’avenir, la thérapie génique basée sur CRISPR-Cas 9 sera certainement une option thérapeutique majeure. Les premiers résultats d’études indiquent une réduction de la TTR allant jusqu’à 96% [29].

Evolution à long terme de la patiente

La patiente s’est rendue au service ambulatoire de neurologie pour des contrôles réguliers. Les troubles autonomes et moteurs ont augmenté au fil du temps malgré le diflunisal (plusieurs chutes avec fractures, troubles de la vidange vésicale, incontinence fécale), si bien qu’au bout d’un an, la patiente était en fauteuil roulant. Trois ans après la pose du diagnostic, la patiente est tombée de son fauteuil roulant, ce qui a provoqué des hématomes sous-duraux bilatéraux qui ont entraîné un engagement uncal et transtentoriel. En raison d’un pronostic très défavorable, un traitement de confort a été mis en place. La patiente est décédée des suites de l’hémorragie intracrânienne d’origine traumatique.

Commentaire

En raison de l’âge (plus de 50 ans) et de l’absence d’effet thérapeutique sur l’amylose leptoméningée, la TH n’était pas une option thérapeutique. Etant donné qu’il existait déjà une PAF de stade III et qu’aucune cardiomyopathie amyloïde n’a pu être détectée à l’échocardiographie, du tafamidis n’a pas été administré. Une IRM cardiaque n’a pas été réalisée.
Lors du traitement de la patiente en 2016, du diflunisal a été utilisé en off-label.

Messages à retenir

La PAF-TTR est une amylose rare et d’évolution fatale en quelques années. En cas de polyneuropathie sensorimotrice et autonome progressive associée à un syndrome du canal carpien bilatéral, à des dysfonctions végétatives et à une anamnèse familiale positive, il faut penser à la PAF-TTR. Une anamnèse familiale négative n’exclut pas la maladie.
Les diagnostics erronés les plus fréquents sont la polyneuropathie axonale idiopathique, la polyneuropathie inflammatoire démyélinisante chronique, la polyneuropathie diabétique, la sténose du canal rachidien et le SCMT.
La transplantation hépatique est rarement judicieuse. Les stabilisateurs de TTR et les inhibiteurs de la traduction de la TTR sont des traitements médicamenteux efficaces et autorisés. A l’avenir, la thérapie génique basée sur CRISPR-Cas 9 sera certainement une option thérapeutique majeure.
En cas de suspicion d’amylose, le patient doit être adressé rapidement à un centre d’amylose en Suisse, où le diagnostic interdisciplinaire correspondant peut être réalisé et le traitement mis en place.
Nous remercions le Dr méd. Alexander von Hessling, du service de neuroradiologie de l’Hôpital cantonal de Lucerne, pour le cliché IRM.
Aferdita Reci
Sanacare AG
Paulusplatz Luzern
Obergrundstrasse 73
CH-6003 Luzern
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