Fréquente mais pas banale

Anémie: aspects pratiques pour le cabinet du médecin de famille

Fortbildung
Édition
2021/06
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2021.10345
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2021;21(06):201-205

Affiliations
AIM Spital Emmental Burgdorf

Publié le 02.06.2021

L’anémie est l’un des constats les plus fréquents en médecine. Néanmoins, la pose du diagnostic de l’affection sous-jacente reste un défi. Une approche structurée est essentielle.

Définition

L’approche structurée [1] commence par la détermination de la présence d’une anémie et de la nécessité d’investigation des valeurs en question. Il existe un consensus sur la détermination du seuil anémique sur la base de la valeur d’hémoglobine (Hb). A cet égard, une analyse critique des recommandations courantes a été réalisée en 2005 [2]. Ces travaux ont révélé que les valeurs inférieures à 128 g/l chez les hommes et 119 g/l chez les femmes pouvaient être considérées comme pathologiques (chez les personnes à la peau foncée, ces valeurs sont légèrement inférieures: 124 g/l chez les hommes et 112 g/l chez les femmes). Ces valeurs diffèrent légèrement des valeurs de l’OMS, basées sur un rapport ­d’expert d’il y a presque 50 ans avec une très petite population d’étude. Les facteurs cliniques (tels que la polymorbidité) déterminent si une anémie doit faire l’objet d’investigations, et la décision est prise par le médecin traitant. Des indications fréquentes sont les symptômes, les baisses des valeurs d’Hb, les cytopénies supplémentaires, la longue espérance de vie, et le caractère judicieux ou non d’un éventuel traitement. De manière générale, une valeur seuil de 100 g/l est considérée comme nécessitant des examens. Les travaux mentionnés ci-dessus font état d’une autre valeur d’Hb essentielle: la valeur moyenne d’Hb est d’au moins 143 g/l chez les hommes et 135 g/l chez les femmes, indépendamment de l’âge. Même à un âge supérieur à 80 ans, l’humain ne développe pas d’anémie sans raison.

Principaux paramètres de laboratoire

Les appareils d’analyse hématologique indiquent sur une base routinière l’Hb, l’hématocrite (Ht), la numération érythrocytaire, le volume globulaire moyen (VGM), la teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine (TCMH), et la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH). L’évaluation d’une anémie doit en outre commencer par un frottis sanguin et une détermination des réticulocytes. Ces valeurs permettent de réaliser un diagnostic différentiel judicieux qui détermine la démarche à suivre. Nous recommandons de déterminer dans un premier temps les réticulocytes (pour savoir s’il existe une anémie hyperrégénérative, voir Vignette de cas 2), puis d’évaluer le frottis ­sanguin au microscope, et enfin de classer les diagnostics potentiels sur la base du VGM (micro-, normo- ou macrocytaire).

Pertinence de l’évaluation visuelle de l’hémogramme

Une femme de 70 ans est adressée par son nouveau médecin de famille pour l’évaluation d’une anémie. Elle est asymptomatique. Il lui aurait été dit depuis qu’elle est enfant qu’elle présente une anémie mais que cela n’est pas grave et ne l’empêchera pas de vivre une vie normale. L’Hb est de 95 g/l. Un coup d’œil dans le microscope permet de poser le diagnostic: une elliptocytose, dans le cas présent de forme vraisemblablement congénitale, éventuellement héréditaire, sans autres conséquences et ne requérant pas d’autres investigations cliniques (fig. 1).
Figure 1: Elliptocytose. On remarque les érythrocytes en forme de cigare (flèches).

Anémie microcytaire

On parle d’anémie microcytaire en présence d’un faible VGM. Un observateur averti reconnaîtra aussi les petits érythrocytes au microscope, mais les valeurs ­livrées par les appareils d’analyse sont plus pertinentes pour le diagnostic. Les anémies microcytaires sont ­généralement associées à une hypochromie, c’est-à-dire une faible TCMH.
Deux diagnostics différentiels sont centraux en cas d’anémie microcytaire: le plus souvent, il s’agit d’une anémie ferriprive, et en seconde ligne d’une thalassémie.

Anémie ferriprive

Lors d’une anémie ferriprive, l’ensemble des paramètres érythrocytaires tels que l’Hb, l’Ht, la numération érythrocytaire, le VGM et la TCMH sont faibles. La numération plaquettaire peut être normale à ­élevée. Le statut ferrique (ferritine, transferrine et saturation de la transferrine) confirme le diagnostic de suspicion. La clarification de la cause (questions sur les pertes de sang) et la supplémentation en fer (en première ligne par voie orale, à jeun, et par voie intraveineuse en l’absence de réponse ou en cas d’intolérance) sont les étapes suivantes pour l’investigation et le traitement d’une anémie ferriprive. Une étape importante à ne pas sous-estimer est le calcul de la quantité de fer manquante: il convient ici d’utiliser la formule de Ganzoni [3] (voir aussi Vignette de cas 1).

Vignette de cas 1

Une patiente de 20 ans se présente au cabinet du médecin de famille en se plaignant de fatigue et de troubles de la concentration depuis des mois. L’anamnèse systémique révèle en outre que la patiente présente d’importants saignements menstruels depuis des années. Sur le plan clinique, on remarque une peau et des muqueuses blêmes, des cheveux rêches et une perlèche. Les paramètres vitaux sont normaux.
L’hémogramme affiche les valeurs suivantes:
Erythrocytes 3,85 × 1012/l (3,58–5,20 × 1012/l), Hb 75 g/l (118–158 g/l), VGM 64 fl (80–101 fl), TCMH 20 pg (27–34 pg), réticulocytes 24,6 × 109/l (25,0–105,0 × 109/l), leucocytes 6,9 × 109/l (3,6–10,5 × 109/l), thrombocytes 290 × 109/l (160–370 × 109/l).
Il s’agit donc d’une anémie hypochrome microcytaire. Le statut ferrique permet de confirmer la suspicion d’anémie ferriprive sévère:
Ferritine 5 µg/l (13–150 µg/l), fer 2,1 µmol/l (5,83–34,5 µmol/l), capacité de liaison du fer 88,0 µmol/l (50,0–72,0 µmol/l), transferrine 3,87 g/l (2,00–3,60 g/l), saturation de la transferrine 2,16% (16,00–45,00%).
La cause est l’hyperménorrhée. Une supplémentation en fer est indiquée. Selon la formule de Ganzoni, le besoin en fer est calculé comme suit:
Déficit en fer = [Hb cible (g/dl) – Hb patient (g/dl)] × poids corporel (kg) × 2,4 (teneur en fer de l’hémoglobine × volume sanguin par kg de poids corporel) + réserves de fer (500 mg)
Dans le cas présent, cela correspond au besoin en fer suivant: (13,5 – 7,5) × 70 × 2,4 + 500 = 1508 mg
Une supplémentation par voie orale de 100 mg de fer et 5 mg d’acide folique par jour (besoin accru en cas de stimulation de l’érythropoïèse) permet l’absorption par le corps d’env. 500 mg en 3 mois.
Une carence manifeste en fer se détermine à l’aide des paramètres érythrocytaires. On parle de carence en fer latente en cas de carence en fer ne provoquant pas d’anémie.
Lors de l’évaluation du statut ferrique, il convient de ­tenir compte du fait que la ferritine est une protéine de phase aiguë, accrue lors des inflammations aiguës. Toutefois, d’autres protéines de phase aiguë sont également modifiées, comme la protéine C réactive, qui est généralement accrue. Ce n’est qu’après la diminution de l’inflammation que la ferritine peut être mise à contribution pour évaluer le statut ferrique.

Thalassémie

Le second diagnostic différentiel majeur de la microcytose est la thalassémie. Contrairement à l’anémie ferriprive, la thalassémie est typiquement caractérisée par une numération érythrocytaire élevée. La ­numération érythrocytaire permet donc de poser un diagnostic de suspicion. Le reste du diagnostic s’articule autour de l’électrophorèse de l’hémoglobine et des analyses de génétique moléculaire. Celles-ci sont idéalement réalisées lors d’une consultation hématologique spécialisée suivie de conseils. Dans le contexte de la mobilité mondiale, ce diagnostic augmente également chez nous, et il est essentiel de savoir que la propagation de la thalassémie ne touche pas seulement le bassin méditerranéen mais forme une ceinture le long de l’équateur, où les thalassémies se ­manifestent en association avec d’autres hémoglobinopathies.

Anémie macrocytaire

On parle d’anémie macrocytaire en présence d’un VGM élevé. Pour le diagnostic différentiel de l’anémie macrocytaire, ce sont les troubles de la maturation des érythrocytes ou les réticulocytoses qui entrent en compte en premier lieu.

Troubles de la maturation

Les troubles de la maturation sont les causes les plus fréquentes d’une anémie macrocytaire. Une distinction est faite entre la carence en vitamine B12 ou ­carence en acide folique, le syndrome myélodysplasique, l’abus d’alcool (carence en acide folique et toxique), et les causes médicamento-toxiques (hydroxyurée, méthotrexate, sulfaméthoxazole/triméthoprime, notamment).

Carence en vitamine B12

Une carence en vitamine B12 peut être déterminée dans le sérum. Les neutrophiles hypersegmentés dans le frottis sanguin fournissent également une indication (fig. 2).
Figure 2: Leucocyte neutrophile hypersegmenté. Il y a plus de cinq segments du noyau.
Souvent, une lymphopénie et une thrombocytopénie sont également des signes de troubles de l’hématopoïèse, et le lactate déshydrogénase (LDH) est accru en cas d’erythropoïèse inefficace. En cas de carence en vitamine B12 , le méthylmalonyl-CoA est métabolisé de manière accrue en acide méthylmalonique à la place du succinyl-CoA. Un taux sérique accru d’acide méthylmalonique indique donc une carence fonctionnelle en vitamine B12. Toutefois, en cas d’insuffisance rénale, cette valeur est toujours accrue et ne peut donc pas être prise en compte pour le diagnostic. La cause d’une carence en vitamine B12 est à env. 50% d’origine nutritive (malnutrition chez les personnes âgées ou alimentation végane sans compléments), et à env. 50% d’origine auto-immune. La forme auto-immune («anémie pernicieuse») est diagnostiquée par la mise en ­évidence d’anticorps anti-facteur intrinsèque ou anti-­cellules pariétales, et le cas échéant via une gastroscopie avec biopsie.
La supplémentation en vitamine B12 s’effectue par voie parentérale et souvent sur le long cours. Il faut tenir compte du fait que le foie est en mesure de constituer une réserve de vitamine B12 pour environ deux ans; ensuite, le taux sanguin retombe en cas d’arrêt de la supplémentation et de besoin persistant.

Carence en acide folique

L’acide folique est un stade préliminaire du coenzyme tétrahydrofolate et il est requis pour la synthèse de la purine et de la pyrimidine (éléments essentiels de la synthèse de l’ADN). La carence en acide folique entraîne le même tableau morphologique qu’une carence en vitamine B12. La supplémentation s’effectue par voie orale.

Syndrome myélodysplasique

Le syndrome mélodysplasique constitue un autre diagnostic différentiel de l’anémie macrocytaire. La pose du diagnostic exige impérativement un examen de la moelle osseuse, et l’investigation s’effectue généralement lors d’une consultation hématologique. C’est pour cette raison que cet article ne traitera pas le sujet en profondeur. Au préalable, il convient d’exclure à l’anamnèse l’abus d’alcool et les médicaments toxiques, qui peuvent perturber l’examen de la moelle osseuse.

Réticulocytoses

Les réticulocytoses surviennent en cas de saignements subaigus (les signes cliniques sont ici indicateurs), d’anémies en cours de traitement (par ex. anémie ferriprive avec crise réticulocytaire env. dix jours après le début de la supplémentation en fer) ou d’hémolyses. En ce qui concerne le diagnostic différentiel, les paramètres hémolytiques tels que la LDH, la bilirubine (avant tout indirecte), l’haptoglobine, et le test direct à l’antiglobuline (TDA) fournissent des indications précieuses. Ce dernier est positif en cas de processus auto-immun (anémie hémolytique auto-immune), traité en première ligne par stéroïdes.

Sphérocytose héréditaire

Une des anémies hémolytiques non immunologiques les plus fréquentes est chez nous la sphérocytose héréditaire. Dans ce cas, le VGM n’est accru qu’en présence d’une réticulocytose marquée; il est en général ­normal. La TCMH est quant à elle typiquement accrue. Le trouble génétique du cytosquelette des érythrocytes entraîne une forme sphérique typique et une baisse de la déformabilité des érythrocytes (fig. 3). Cela provoque une dégradation accrue dans la rate au sens d’une anémie hémolytique. Les signes et symptômes comprennent les manifestations générales d’anémie et d’hémolyse ainsi qu’une splénomégalie (activité de la rate accrue de façon chronique pour la dégradation des érythrocytes malformés) et cholécystolithiase (calculs pigmentaires) avec risque accru de cholédocholithiase (Vignette de cas 2).
Figure 3: Sphérocytose. Les érythrocytes ne présentent aucune bosse (ils sont sphériques), sont de tailles différentes (cercle), avec pour partie de très grands éléments, correspondant vraisemblablement à des réticulocytes (flèche).

Vignette de cas 2

Un patient de 29 ans se présente aux urgences avec une baisse progressive de la force et un ictère indolore. Les antécédents médicaux révèlent une crise aplasique à l’âge de 6 ans (Hb 54 g/l, réticulocytes 17,9%) et un calcul biliaire asymptomatique à l’âge de 17 ans. La grand-mère paternelle du patient avait également connu des calculs biliaires à l’âge de 35 ans. Sur le plan clinique, on remarquera l’ictère et une splénomégalie palpable au niveau de l’abdomen.
Les analyses de laboratoire affichent les valeurs suivantes:
Hb 131 g/l, VGM 101 fl, indice de production des réticulocytes (IPR; voir remarque ci-dessous) 8,8, bilirubine totale 115 μmol/l (0,0–21 µmol/l) (90% bilirubine indirecte), LDH 367 U/l (0–250 U/l), haptoglobine sous le seuil de détection, TDA négatif.
L’échographie abdominale met en évidence la splénomégalie (23 × 15 cm) ainsi que quatre calculs biliaires.
Le microscope permet d’observer un phénomène typique (Fig. 3).
Le diagnostic d’une anémie hémolytique en présence d’une sphérocytose est alors posé. Le patient subit ensuite une splénectomie. Trois mois après l’opération, il fait état d’une nette augmentation de sa force, le flux sanguin s’est normalisé, et les analyses de laboratoire affichent les valeurs suivantes:
Hb 161 g/l, IPR 1,5, bilirubine totale 23 µmol/l, LDH 250 U/l, haptoglobine faible.
A propos de l’IPR: Lors de l’évaluation de l’IPR, il convient de tenir compte de la valeur d’Hb. En cas de valeur d’Hb normale, un IPR de 1,0 est normal, mais dans les situations avec érythropoïèse accrue comme lors d’une anémie hémolytique, il doit dépasser 2,0 (généralement 3,0 à >4,0). En cas d’infection à parvovirus, des crises aplasiques peuvent toutefois se produire et masquer des affections sanguines avec augmentation de l’érythropoïèse comme la sphérocytose [7].

Anémie normocytaire

L’anémie normochrome normocytaire (VGM et TCMH normaux) reste la forme d’anémie la plus fréquente et, d’un point de vue hématologique, la moins spectaculaire.

Anémie des maladies chroniques

Souvent, l’anémie normochrome normocytaire prend la forme d’une anémie des maladies chroniques (en anglais «anemia of chronic disease»), ce qui regroupe au sens large les anémies en cas d’inflammations, d’infections et de tumeurs. En cas d’inflammation, le taux de cytokines pro-inflammatoires est accru, ce qui accroit la synthèse de l’hepcidine dans le foie. De ce fait, la ferroportine – une protéine qui exporte le fer des cellules – est dégradée et le fer est bloqué dans les cellules (dans les entérocytes, les hépatocytes et les macrophages) [4]. Une supplémentation en fer n’est pas judicieuse. Il convient en premier lieu de viser le traitement de la cause.

Anémie rénale

Par ailleurs, une insuffisance rénale chronique de degré élevé (généralement stade KDIGO G3 ou supérieur) joue un rôle causal dans l’anémie normocytaire. Lors de cette anémie rénale, une baisse de la synthèse de l’érythropoïétine (EPO) se produit dans le cadre d’une insuffisance rénale. Cette carence en EPO a pour conséquence une plus faible stimulation de la synthèse des érythrocytes malgré la présence de substrats en quantité suffisante, et conduit à une anémie normocytaire. Au cours des dernières années, la recherche a identifié Hypoxia-Inducible Factor-2 alpha (HIF-2α) comme un des acteurs centraux de l’érythropoïèse. L’HIF-2α ­stimule au besoin (par ex. en cas d’hypoxie) aussi bien l’absorption du fer (via le divalent metal transporter entéral DMT1) que l’érythropoïèse (via l’augmentation de la synthèse de l’érythropoïétine). L’HIF-2α est dégradé via l’action de prolyle hydroxylases (PHD); les premiers inhibiteurs de la prolyle hydroxylase font actuellement l’objet d’expérimentations cliniques dans le cadre de l’anémie rénale [5, 6].
Le myélome multiple constitue un dernier diagnostic différentiel essentiel de l’anémie normocytaire. L’anémie naît en premier lieu d’une répression de l’érythropoïèse normale dans la moelle osseuse. Sur le plan morphologique, la formation de rouleaux est observable au microscope (fig. 4).
Figure 4: Formation de rouleaux des érythrocytes (flèches). Les rouleaux apparaissent du fait de la présence de la paraprotéine monoclonale.
Etant donné qu’il s’agit d’une affection des cellules plasmatiques, le plus souvent un anticorps monoclonal se forme, entraînant une accélération de la sédimentation. Celle-ci se détermine au laboratoire du cabinet. Les analyses de laboratoire complémentaires comprennent une électrophorèse des protéines du sérum et immunofixation, la détermination des chaînes légères libres dans le sérum, des immunoglobulines, de la créatinine, du calcium et du NT-proBNP (en tant que signe de la formation d’amyloïde), ainsi que la recherche d’une protéinurie (dans le spot urinaire). Les ostéolyses font l’objet d’une recherche radiologique. Ces examens visant à poser un diagnostic de suspicion peuvent être réalisés sur ordonnance du médecin de famille. La pose du diagnostic s’effectue dans le cadre d’une consultation spéciale d’hématologie et comprend un examen de la moelle osseuse. Dans le cas du myélome multiple, il s’agit d’une maladie chronique incurable dans le cadre de laquelle l’utilisation d’immunomodulateurs et d’anticorps monoclonaux permettent d’obtenir des pronostics de plus en plus positifs (Vignette de cas 3).

Vignette de cas 3 – myélome multiple

Un patient de 78 ans est conduit à l’hôpital en urgence par le service de secours à la suite d’une chute et de maux de dos. Le service de secours rapporte que lors de son arrivée auprès du patient, ce dernier était conscient et présentait une glycémie de 3,6 mmol/l. Après l’administration de 10 g de glucose, la glycémie était remontée à 5,4 mmol/l. Du point de vue de l’anamnèse, le patient indique avoir déjà fait plusieurs chutes, mais que son état s’était toujours normalisé sous une heure. De manière générale, il n’avait plus envie de rien et voulait uniquement être dans son lit.
Les analyses de laboratoire affichent les valeurs suivantes:
Hb 101 g/l, VGM 94 fl, glucose 3,37 mmol/l (4,11–6,05 mmol/l), créatinine 554 µmol/l (59–104 µmol/l), DFGe (CKD-EPI) 8 ml/min/1,7 (>60 ml/min/1,7), urée 22,82 mmol/l (2,76–8,07 mmol/l), sodium 140 mmol/l (136–145 mmol/l), potassium 5,8 mmol/l (3,4–5,1 mmol/l), calcium 2,73 mmol/l (2,20–2,55 mmol/l), VS 68 mm/h (0–20 mm/h).
En ce qui concerne le diagnostic différentiel, il convient de réaliser des investigations à la recherche d’un myélome multiple en présence d’anémie normochrome normocytaire, d’insuffisance rénale, d’hypercalcémie et de vitesse de sédimentation accrue. Une électrophorèse des protéines avec immunofixation est réalisée et montre une bande sur la piste des chaînes légères lambda. Après avoir été orienté vers une consultation d’hématologie, le diagnostic d’un myélome multiple à chaînes légères lambda est posé. Lors de la biopsie de la moelle osseuse, une infiltration plasmacellulaire d’env. 80% est observée. La biopsie rénale révèle une néphropathie à cylindres myélomateux avec dépôts intratubulaires typiques, lésion tubulaire aiguë prononcée, et nette lésion chronique glomérulaire et tubulaire. La tomodensitométrie à faible dose selon le «schéma parisien» montre plusieurs zones ostéolytiques dans la région du corps vertébral ainsi qu’une fracture pathologique du corps vertébral.
Une initiation rapide d’une chimiothérapie combinée avec dexaméthasone entraine la régression des chaînes légères lambda et de l’insuffisance rénale.

Résumé

L’évaluation initiale d’une anémie d’après les réticulocytes et la taille des érythrocytes (VGM) est efficace. L’observation du frottis sanguin permet d’établir des diagnostics visuels centraux. Des analyses sanguines complémentaires conduisent au diagnostic. La majorité des investigations dépeintes dans cet article peuvent être réalisées au cabinet du médecin de ­famille, de même que l’ensemble des traitements de substitution. En ce qui concerne les formes plus rares d’anémie, qui peuvent déjà être suspectées au cabinet du médecin de famille, une évaluation dans le cadre d’une consultation d’hématologie est judicieuse.
Pract. med. Nico M. Frei
Oberburgstrasse 54
CH-3400 Burgdorf
nico.frei[at]spital-emmental.ch
1 Merlo C. Investigation pratique de l’anémie. Prim Hosp Care. 2017;17(16):314–8.
2 Beutler E, Waalen J. The definition of anemia: what is the lower limit of normal of the blood hemoglobin concentration? Blood. 2006;107(5):1747–50.
3 Ganzoni AM. Neue Aspekte des Eisenmangels [New aspects of iron deficiency]. Schweiz Med Wochenschr. 1970;100(16):691–7.
4 Weiss G, Ganz T, Goodnough LT. Anemia of inflammation. Blood. 2019;133(1):40–50.
5 Schödel J, Ratcliffe PJ. Mechanisms of hypoxia signalling: new implications for nephrology. Nat Rev Nephrol. 2019;15(10):641–59.
6 Li ZL, Tu Y, Liu BC. Treatment of Renal Anemia with Roxadustat: Advantages and Achievement. Kidney Dis. 2020;6(2):65–73.
7 Servey JT, Reamy BV, Hodge J. Clinical presentations of parvovirus B19 infection. Am Fam Physician. 2007;75(3):373–6.