Faire la fête jusqu’à ce que les oreilles en bourdonnent
Un bref aperçu des différents troubles de l’audition

Faire la fête jusqu’à ce que les oreilles en bourdonnent

Lernen
Édition
2017/17
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2017.01490
Prim Hosp Care (fr). 2017;17(17):332-333

Affiliations
Praxis für Innere Medizin, Zürich

Publié le 13.09.2017

La musique rock bruyante, les acouphènes et la perte auditive s’harmonisent bien avec la devise du congrès CMPR de l’année dernière «Laut und Leise». Au sein de l’atelier «Feiern bis die Ohren läuten» avec le Professeur Tobias Kleinjung, j’ai pu faire quelques découvertes intéressantes.
Le fonctionnement et la structure extrêmement complexes et géniaux de l’appareil auditif m’ont fascinée une fois de plus. J’ai pu observer la manière dont l’étrier transmet la pression acoustique via la fenêtre ovale de l’oreille interne. J’ai également pu suivre la façon dont les variations de volume déclenchées par les mouvements de piston de l’étrier provoquent une onde progressive au sein du canal endolymphatique de la cochlée et au niveau de la membrane basilaire, qui est plutôt rigide du côté proximal et plus mobile du côté distal! Cette onde provoque d’une part une faible amplitude pour les hautes fréquences au niveau proximal, et d’autre part des amplitudes toujours plus oscillantes pour les basses fréquences du côté de l’apex. J’ai également pu admirer la parfaite disposition en rangs de trois des cellules ciliées externes qui amplifient les signaux acoustiques et augmentent ainsi la sélectivité fréquentielle; ces cellules transmettent les fréquences renforcées aux cellules ciliées internes avoisinantes et ces fréquences sont ensuite traitées comme des influx nerveux dans le cerveau. J’ai trouvé la vidéo d’une cellule ciliée dansante, qui nous a été présentée par le Professeur Kleinjung, particulièrement passionnante; cette vidéo est disponible sur www.youtube.com/watch?v=08QG0eV6tx8.

Le bruit nuit à la santé

L’ouïe en bonne santé est certes fascinante, mais le thème proprement dit était celui des oreilles sourdes ou bourdonnantes.
Le terme de «perte auditive» (hypoacousie) désigne une diminution de la capacité auditive au sens large, allant des troubles auditifs subjectivement peu perçus jusqu’à la surdité. Elle est à distinguer d’autres formes de troubles auditifs comme l’hyperacousie (hypersensibilité au bruit), l’audition fluctuante ou les acouphènes.
Le bruit nuit à la santé: les volumes sonores inférieurs à 85 dB(A) provoquent une vasoconstriction et une augmentation de la fréquence cardiaque, des troubles du sommeil, un changement de la résistance cutanée, une modification du tonus de la musculature squelettique, des troubles de la concentration et, en cas d’exposition durable au bruit, des tendances dépressives. Le risque d’infarctus du myocarde, par exemple, augmente en cas d’expositions prolongées et chroniques à un bruit supérieur à 65 dB(A). A partir de 80–85 dB(A), l’oreille peut être endommagée; en cas d’exposition durable à un bruit supérieur à 85 dB (par ex. sur le lieu de travail ou à un concert de rock), la destruction continuelle et irréversible des cellules ciliées peut conduire à une perte auditive due au bruit. Celle-ci commence généralement à partir 4000 Hz et l’audiogramme révèle des particularités typiques (fig. 1).
Figure 1: L’audiogramme avec des particularités typiques d’une perte auditive 
due au bruit.
Pour moi, il était également intéressant de savoir jusqu’à quand une exposition au bruit reste sans danger. Lors d’un concert de rock (avec plus de 85 dB), seule une exposition jusqu’à 15 minutes au maximum – sans protection auditive – s’avère sans conséquence; une répétition de fanfare dans une salle de classe ne devrait pas dépasser les 2 heures sans protection auditive.
Des pertes auditives neurosensorielles aiguës peuvent par ex. survenir après un choc acoustique ou après une fracture transversale du rocher, en cas de Maladie de Ménière, après des oreillons ou la rougeole ou encore après une surdité subite. Par ailleurs, des médicaments tels que les agents chimiothérapeutiques à base de platine ou les aminoglycosides peuvent provoquer des effets indésirables ototoxiques.
En outre, il existe des pertes auditives neurosensorielles chroniques comme la presbyacousie, la perte auditive suite à une exposition au bruit (par exemple chez les cantonniers ou les musiciens), la surdité de l’oreille interne d’origine héréditaire ou la maladie de Ménière.
Dans de nombreux cas, les troubles auditifs s’accompagnent d’acouphènes. Cette nuisance sonore interne est due au dysfonctionnement de cellules ciliées. Celles-ci ne transmettent plus correctement l’influx de l’onde progressive ou sont à l’origine de «sonnerie» et ce, même lorsque tout est silencieux. Dans le contexte de cette réorganisation neurophysiologique maladaptative, une analogie avec le syndrome douloureux chronique s’impose.
Le Professeur Kleinjung a expliqué de manière très pratique la «Zurich approach» en cas de perte auditive subite: 40 mg de dexaméthasone durant 1–3 jours, puis 10 mg pendant 4–6 jours (attention aux effets indésirables!). Si une thérapie systémique n’est pas possible, des injections intratympaniques de dexaméthasone et d’acide hyaluronique peuvent être réalisées.
Principes essentiels en cas d’acouphènes: les prendre au sérieux, être à l’écoute, expliquer et, dans les cas aigus, initier un traitement par prednisone 50 mg pour une période de 1-3 jours, suivi de 20 mg sur 4-6 jours. Les acouphènes de survenue aiguë ont un bon pronostic.

La prudence est aussi de mise chez les enfants

Les enfants, eux aussi, sont exposés à des bruits d’intensité élevée et ce, à la crèche, à l’école et lors des jeux (cris, coups de sifflet, pistolets de jeu, instruments de musique). Leur ouïe n’est pas plus sensible que celle des adultes, mais les enfants devraient toutefois bénéficier d’une protection particulière (éléments d’isolation dans les pièces, utilisation responsable des jouets bruyants) car outre une potentielle perte auditive, le bruit peut entraîner des troubles de l’apprentissage, de la concentration et du comportement.
Par ailleurs, les adolescents et les jeunes adultes devraient être sensibilisés à une gestion saine du volume sonore élevé des concerts ou des écouteurs, que ce soit via l’utilisation de bouchons d’oreilles, via la réduction de la durée d’écoute ou via l’achat d’écouteurs dotés d’un Safe Sound System.
Grâce à l’actualisation de mes connaissances thérapeutiques, j’ai pu apporter un bon soutien à un de mes patients qui souffrait d’un choc acoustique suite à l’explosion d’un pétard dans un passage souterrain de la gare.
Dr med. Regula Capaul
Franklinstrasse 1,
CH-8050 Zürich
regula.capaul[at]hinmail.ch