Evolution des symptômes du ­COVID-19 motivant des ­consultations répétées

Forschung
Édition
2022/06
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2022.10552
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2022;22(06):170-173

Publié le 08.06.2022

Peu de données sont disponibles sur les patients ambulatoires atteints de la maladie Covid-19 et les raisons des consultations itératives ne sont pas bien identifiées. Cet article décrit les symptômes qui ont conduit à ces consultations. Il aide les médecins à comprendre l'évolution des symptômes des patients et à adapter leur prise en charge en fonction de l'évolution de la maladie.

Etude rétrospective sur les consultations Covid d’un service dédié d’un hôpital parisien

Préambule

Peu de données sont disponibles sur les patients ambulatoires atteints de la maladie Covid-19 et les raisons des consultations itératives ne sont pas bien identifiées. Cet article décrit les symptômes qui ont conduit à ces consultations. Il aide les médecins à comprendre l'évolution des symptômes des patients et à adapter leur prise en charge en fonction de l'évolution de la maladie.

Introduction

La COVID-19, virus endémique dont les premiers cas ont été identifiés en Chine en décembre 2019, a rapidement touché la France. La première vague s’est manifestée bruyamment en Ile-de-France dès Mars 2020.
L’hôpital Saint Antoine à Paris, a pris des mesures sanitaires et a modifié son organisation afin d’accueillir le maximum de patients atteints de la COVID-19. Un grand nombre de patients a consulté à plusieurs reprises devant la persistance, l’aggravation et/ou l’apparition de nouveaux symptômes cliniques. Ses consultations itératives avaient lieu soit à la policlinique soit aux urgences (SAU) de l’hôpital. La variation clinique des symptômes et de leur intensité en consultation ambulatoire a peu été étudiée pendant la crise sanitaire, mais les études parues font le constat que mieux connaître les plaintes des patients ambulatoires et préciser leur symptomatologie permettrait d’améliorer leur prise en charge [1] .
L’objectif de cette étude était de décrire les nouveaux symptômes de la COVID-19 présentés par les patients lors des consultations répétées dans les premières semaines de l’infection. Nous avons également étudié les examens médicaux prescrits (PCR par écouvillon nasal, imagerie thoracique), et le devenir des patients.

Méthode

A l’hôpital Saint-Antoine, les consultations COVID ont été regroupées dans une unité spécifique appelée ­Corpoli. Celle-ci se répartissait en deux localisations: au SAU, et à la policlinique. Lors de ces consultations, les médecins ont donc évalué l’état clinique des patients et les ont orientés: aux urgences, en hospitalisation si critères cliniques de sévérité de l’infection, sinon retour au domicile avec consignes de surveillance et si éligible inscription sur la plateforme en ligne ­Covidom. La population se présentant à Corpoli était tout venant de ville, se présentant à l’hôpital pour des symptômes compatibles avec une infection par la ­COVID-19.
Il s’agit d’une étude analytique rétrospective sur les symptômes des patients ayant consulté plusieurs fois à l’unité Corpoli, durant la période du 15.3.2020 au 11.4.2020. L’objectif était de décrire les nouveaux symptômes motivant les consultations itératives des patients dans les premières semaines suivants l’infection par la COVID-19. Du fait qu’elle soit rétrospective et non-interventionnelle, cette étude n’a pas fait de recours au comité d’éthique.
Les caractéristiques socio démographiques étaient le sexe et l’âge des patients, les antécédents médicaux ­associés à des facteurs de risques de forme grave de ­COVID-19 et la présence ou non d’un tabagisme actif.
Le critère de jugement principal était la présence de symptômes d’infection par la COVID-19 lors des différentes consultations. Les symptômes sélectionnés étaient ceux les plus fréquemment retrouvés dans les premières études sur des grands échantillons de patients contaminés par le virus: fièvre, toux, dyspnée, douleur thoracique, asthénie, myalgies, céphalée, troubles digestifs, malaise/vertiges, anosmie/agueusie [2, 3]. On a recueilli la date du début des symptômes et quels étaient ceux présents à la première consultation (C1), puis les dates des consultations itératives et les nouveaux symptômes apparus depuis C1. Deux groupes de consultations ont été formés: les consultations entre J7 et J21 (deuxième phase de l’infection, ­souvent d’aggravation secondaire des symptômes) et celles après J21 (temps de guérison décrit pour les formes modérées de COVID-19). Les critères secondaires étaient l’inscription sur Covidom, l’hospitalisation, la réalisation d’une PCR par écouvillon nasal, d’une radiographie ou d’un scanner thoracique.
Covidom est une solution de télé suivi à domicile pour les patients porteurs ou suspectés COVID-19 construite en mars 2020 [4].

Résultats

Sélection de la population – Flow Chart

Sur les 679 consultations médicales réalisées à la policlinique dans l’unité Corpoli, 418 ont été effectuées entre le 15 mars 2020 et le 11 avril 2020. Les consultations à Corpoli pour des motifs autres que symptômes d’infection à COVID-19 ont été exclus. 309 patients n’ont consulté qu’une seule fois à Corpoli. 54 patients ont consulté plus d’une fois à Corpoli soit 75 consultations à la policlinique et 68 consultations au SAU: 143 consultations au total ont été incluses dans l’analyse. Ces données sont présentés dans la figure 1 représentant le flow chart.
Figure 1:
Flow Chart: Sélection de la population.

Population étudiée et caractéristiques de la ­population à l’inclusion

Cinquante-quatre patients ont été retenus comme ­répondant aux critères d’inclusion. Ils sont décrits tableau 1.
Tableau 1:
Description de la population.
POPULATION (n = 54)valeur absolueen%
Sexe
féminin2750
masculin2750
Age
moyenne (en années)44 [24–77]
Antecedent personnel
tabagisme actif1018,52
Antecedents medicaux a risque de forme severe de Covid-19
cardiaque/vasculaire dont HTA916,67
pulmonaire (BPCO/asthme)814,81
immunodépression (VIH/cancer)47,41
diabète47,41
obésité (IMC >30)35,56
La figure 2 représente les symptômes décrits par les patients lors de leur première consultation. La triade de symptômes typiques de la COVID-19 «toux» (70,4%), «fièvre /frissons» (63,0%) et «dyspnée» (50,0%) étaient les plus fréquents. Ces symptômes étaient tous présents initialement pour 29,6% des patients.
Figure 2:
Évolution des symptômes déctrits par les patients lors des consultations ­itératives.

Critères principaux: symptômes présents lors des consultations itératives

Nouveaux symptômes entre J7 et J21

47 patients (87,0%) ont consulté au moins une fois lors de la période J7 à J21.
Parmi eux, 48,2% ont consulté une seule fois dans cet intervalle, 31,5% à deux reprises, 5,6% à trois reprises et 1,9% à 5 reprises. Les nouveaux symptômes présentés lors de ces consultations ont été représentés figure 2. La douleur thoracique était le plus fréquemment signalé comme nouvellement apparu lors de cette période (16,7%).

Nouveaux symptômes après J21

26 patients (48,2%) ont consulté au moins une fois après J21 et dans les deux mois suivant la première consultation.
Parmi eux: 38,9% ont consulté une seule fois dans cet intervalle, 3,7% à deux reprises, 5,6% à trois reprises. Les nouveaux symptômes apparus sont représentés figure 2. La douleur thoracique était encore le symptôme le plus fréquemment signalé comme nouvellement apparu lors de cette période (16,7%).

Critères secondaires

Examens paracliniques

Une radiographie thoracique a été réalisée pour 35,2% des patients: 7,4% étaient typiques de la COVID-19. Un scanner thoracique a été demandé pour 13,0% des patients: 9,3% des scanners étaient typiques de l’infection.
Un écouvillon nasal par PCR a été réalisé chez 38,9% des patients et 18,5% étaient positifs. La PCR est revenue positive pour le Sars-Cov-2 pour 55,6% des patients hospitalisés.

Devenir des patients

Mise en place d’une surveillance Covidom

L’inscription sur la plate-forme de surveillance en ligne a été faite pour 75,9% des patients. Deux patients hospitalisés n’avaient pas été inscrits sur Covidom.

Hospitalisation

Neuf patients (16,7%) ont été hospitalisés. Seul un patient n’avait pas d’antécédent médical à risque de forme sévère de COVID-19. Cinq patients hospitalisés étaient des femmes (56,0%). L’âge moyen d’hospitalisation était 42,7 ans. Le tableau 2 donne les caractéristiques des patients hospitalisés.
Tableau 2:
Caractéristiques des patients hospitalisés.
Des antécédents à risques de forme sévère de COVID-19 étaient fréquemment retrouvés: 8 patients soit 88,9% avaient des antécédents cardiovasculaires, respiratoires, de déficit immunitaires, d’obésité ou de diabète. Les patients ont consulté en moyenne 1,89 fois avant d’être hospitalisé. Les consultations à Corpoli en post hospitalisation étaient fréquentes: 55,6% des patients ont reconsulté. La durée moyenne d’hospitalisation était courte: 4,78 jours.
Par ailleurs, il n’y a eu aucune hospitalisation dans un service de réanimation ni aucun décès parmi les patients étudiés.

Discussion

Cette étude avait comme objectif d’identifier quels symptômes apparaissant dans les premières semaines de l’infection de la COVID-19 avaient motivé de consultations itératives.
La triade de symptômes d’infection par la COVID-19 «fièvre/frissons», «toux», «dyspnée» est la plus fréquemment retrouvée et établit le diagnostic clinique en période de pandémie [2, 5, 6, 7]. Ces symptômes étaient tous trois initialement présents pour un tiers des patients. La fièvre et la dyspnée sont régulièrement apparues dans un second temps ce qui a été plus rare pour la toux. On a constaté que la douleur thoracique était un symptôme tardif fréquent. Un seul diagnostic d’embolie pulmonaire a été réalisé grâce aux explorations complémentaires et il n’y a pas eu de complication cardiaque.La douleur thoracique a été retrouvée dans d’autres études comme un symptôme fréquent et peut être expliquée par l’infection pulmonaire et l’intensité de la toux mais ne doit pas être banalisée aux vues des complications cardio-vasculaires et emboliques de la COVID-19. Des recommandations établies par la Société Française de Médecine Vasculaire ont été mises en place sur l’indication d’une anti coagulation préventive en ambulatoire pour les patients les plus à risques [5]. L’anosmie / agueusie sont des symptômes fréquemment retrouvés dans les formes légères de l’infection [3, 8]. Dans notre étude ils ne correspondaient pas à des symptômes tardifs.
Une des limites de notre étude est la faible proportion de PCR nasales pour l’infection à COVID-19 réalisées, peu disponibles à cette période, avec de ce fait une difficile corrélation entre les symptômes recueillis et la confirmation biologique de l’infection. D’autre part l’étude était monocentrique, avec un nombre limité de consultations et donc de patients inclus, et un recueil médical non superposables lié à la diversité des médecins consultants. Les patients qui ont un médecin traitant et qui ont pu le reconsulter à la suite de la prise en charge dans l’unité Corpoli suite à la première consultation n’ont pas été pris en compte.
La période de mars à avril 2020 a été une période d’adaptation rapide de l’hôpital pour la prise en charge de patients symptomatiques de la COVID-19. Les établissements de santé ont adapté l’accueil des patients symptomatiques aux urgences et établis des circuits ambulatoires et hospitaliers afin de mieux gérer les flux de patients et nous en avons des exemples de différents pays [9, 10]. La prise en charge ambulatoire a été simplifiée progressivement par la plate-forme Covidom soulageant les médecins du suivi des patients non ­sévères. Les consultations itératives ont augmenté ­l’activité des services d’urgence et de consultation ­ambulatoire avec la nécessité de renforcer les équipes médicales en secteur COVID. Un accueil spécifique a permis une augmentation des performances de soins pour les patients. L’expérience du suivi des patients ambulatoires à l’hôpital permet de mieux appréhender les vagues d’infections suivantes et de déléguer plus ­facilement le suivi aux plates-formes à distances grâce à une meilleure connaissance de l’évolution des symptômes.

Conclusion

La pandémie de COVID-19 a engendré de nombreuses études scientifiques sur ses conséquences auprès des patients hospitalisés mais peu concernant les patients ambulatoires. Ceux-ci sont les plus représentés en population générale avec des formes de COVID-19 légères à modérées, ne nécessitant pas d’hospitalisation. Ces formes peuvent par la suite devenir des formes longues, avec des répercussions à moyen et long terme pour les patients. Des recommandations issues de l’expérience du terrain sur les examens à réaliser en cas d’apparition de symptômes à risques en ambulatoire faciliteraient la prise en charge des patients consultants de façon itérative.
Dr Laetitia Audiffred
Hôpital Saint-Antoine
Praticien hospitalier contractuel
184, rue du faubourg Saint-Antoine
FR-75012 Paris
laetitia.audiffred[at]aphp.fr
1. . Signs and symptoms to determine if a patient presenting in primary care or hospital outpatient settings has COVID-19. Cochrane Database Syst Rev. 2021 Feb;2(2):CD013665. http://dx.doi.org/10.1002/14651858.CD013665.pub2 PubMed
2.  Clinical characteristics of 138 hospitalized patients with 2019 novel coronavirus-infected pneumonia in Wuhan, China. JAMA. 2020 Mar;323(11):1061–9. http://dx.doi.org/10.1001/jama.2020.1585 PubMed
3.  Sudden and complete olfactory loss function as a possible symptom of COVID-19. JAMA Otolaryngol Head Neck Surg. 2020 Jul;146(7):674–5. http://dx.doi.org/10.1001/jamaoto.2020.832 10.1001/jamaoto.2020.0832   http://dx.doi.org/10.1001/jamaoto.2020.0832 PubMed
4.  On Behalf Of The AP-HP / Universities / Inserm COVID-19 Re-search Collaboration : Covidom, a Telesurveillance Solution for Home Monitoring Pa-tients With COVID-19. J Med Internet Res. 2020;22(10):e20748. Available from: https://www.jmir.org/2020/10/e2074810.2196/20748330069381438-8871  http://dx.doi.org/10.2196/20748 PubMed
5.  Risk factors associated with acute respiratory distress syndrome and death in patients with coronavirus disease 2019 pneumonia in Wuhan, China. JAMA Intern Med. 2020 Jul;180(7):934–43. http://dx.doi.org/10.1001/jamainternmed.2020.0994321675242168-6114   http://dx.doi.org/10.1001/jamainternmed.2020.0994 PubMed
6. . Early clinical and CT man-ifestations of coronavirus disease 2019 (COVID-19) pneumonia. AJR Am J Roentgenol. 2020 Aug;215(2):338–43. Available from: https://www.ajronline.org/doi/full/10.2214/AJR.20.2296110.2214/AJR.20.22961321816721546-3141  http://dx.doi.org/10.2214/AJR.20.22961 PubMed
7. . Epidemiological and clinical characteristics of coronavirus disease (COVID-19) cases at a screening clinic during the early outbreak period: a single-centre study, journal of medical microbiology, volume 69 issued 8 (2020). https://www.microbiologyresearch.org/content/journal/jmm/10.1099/jmm.0.0012318. Lapostolle F, Schneider E, Vianu I, Dollet G, Roche B, Berdah J, et al. Clinical features of 1487 COVID-19 patients with outpatient management in the Greater Paris: the COVID-call study. Intern Emerg Med. 2020 Aug;15(5):813–7. http://dx.doi.org/10.1007/s11739-020-02379-z324748501970-9366
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