«Nous avons beaucoup à apprendre des enfants malades et de leurs familles»

Aktuelles
Édition
2022/02
DOI:
https://doi.org/10.4414/phc-f.2022.10609
Prim Hosp Care Med Int Gen. 2022;22(02):37-39

Publié le 09.02.2022

Les maladies et les handicaps impactent la vie de famille. C’est particulièrement vrai quand ils touchent les enfants ou les jeunes. Dans une telle situation, il importe de ménager un espace pour les beaux moments. Pour la famille, chercher aide et soutien est un premier pas.

Journée des malades 2022
Les maladies peuvent tout à coup survenir et changer la vie de famille. Or, il n’est pas toujours possible de vivre cette situation comme on le voudrait. Dans l’édition 2021 de son rapport sur la santé, l’Obsan estime qu’en Suisse, un cinquième des enfants, adolescents et jeunes adultes présente un risque de santé ou vit avec une affection ou une déficience chronique. Qu’est-ce que cela signifie pour les familles concernées? Pour la journée des malades 2022, sous la devise «Vis ta vie», cette question a fait l’objet de réflexions. La PD Dre méd. Eva Bergsträsser, directrice des soins palliatifs pédiatriques à l’hôpital pour enfants de Zurich, est convaincue que «nous avons beaucoup à apprendre des enfants et de leurs familles. Les enfants vivent leurs émotions, sont présents dans le moment, et ont le don, grâce à leur imagination, de créer quelque chose de magique.» Selon elle, il importe d’oser vivre ce qu’on considère comme important pour soi-même. «Discutez avec vos enfants, demandez-leur leur point de vue», conseille-t-elle. Cela peut aider à ouvrir des portes restées fermées, mais aussi à s’extraire des déconvenues du quotidien.

Des défis quotidiens – un exemple

Leonidas, 8 ans, est fort comme un lion, mais a besoin d’un accompagnement individuel quotidien. À la 30e semaine de gestation, on lui a diagnostiqué une sclérose tubéreuse de Bourneville. Cela signifie que ses parents doivent lui accorder une attention permanente, car les personnes atteintes de cette maladie rare peuvent faire des crises d’épilepsie à tout moment. En outre, ce garçon très vigoureux n’a aucune conscience du danger. Par son comportement incontrôlé, qui comprend coups et morsures, il peut à tout moment mettre en péril sa sécurité et celle des autres. Quand les enfants tombent ou naissent gravement malades, c’est une charge pour toute la famille. Il arrive souvent que la maladie, la thérapie et les aspects organisationnels prennent tant d’espace qu’il ne reste presque plus de place pour «vivre la vie». C’est pourquoi des spécialistes ainsi que diverses organisations s’engagent pour que le temps puisse aussi être rempli de beaux moments et de souvenirs précieux.

Des espaces de liberté grâce à une aide ­extérieure

Les parents de Leonidas passent leur temps à s’orga­niser, car leur enfant a besoin d’être accompagné 24 heures sur 24. Les modestes progrès de leur fils et le rire enfantin de sa sœur donnent courage et énergie à la famille, mais – ils tiennent à le souligner – cela n’irait pas sans aide extérieure. Et, aux familles dans la même situation qui ne l’auraient pas encore osé, ils conseillent de franchir le pas. Dans leur cas, cela se traduit par des séjours occasionnels de quelques jours dans des institutions de relève pour enfants handicapés. Depuis les 2 ans de Leonidas, ils sont également soutenus par les Soins pédiatriques à domicile Suisse. Enfin, cela fait six ans que des bénévoles de pro pallium sont là pour la famille. «Nous voulons améliorer la qualité de vie des enfants et des familles en offrant du temps à l’enfant malade ou à ses frères et sœurs, par exemple en contribuant aux tâches ménagères, afin que la famille puisse passer de beaux moments ensemble. Ce ne sont pas forcément les grandes choses qui comptent, mais aussi les petits moments du quotidien», explique Cornelia Mackuth-Wicki, directrice par intérim de pro pallium.

Reconnaître l’expertise et alléger la charge

«Les personnes concernées et leurs proches deviennent des maîtres de la planification et s’approprient souvent de nouvelles compétences, par exemple des connaissances sur le corps humain, la nutrition et le mouvement», affirme Caroline Brugger Schmidt, conseillère juridique et directrice du département Enfants, adolescents et parents de diabètesuisse. Elle-même atteinte de maladie cœliaque et mère d’une fille diabétique, elle n’a aucun mal à se mettre à la place de ces familles et à les soutenir dans la recherche d’une voie adaptée à leur propre situation. «À la maison, nous avons rempli une demi-pharmacie, et nos connaissances médicales s’améliorent sans cesse. Et à l’hôpital, nous sommes des habitués», résume la mère de Leonidas. Elle et son conjoint ne cessent d’organiser des rendez-vous chez des spécialistes. Un nouveau projet doit permettre de déterminer dans quelle mesure et sous quelle forme les pédiatres en cabinet peuvent et doivent contribuer à alléger la charge des parents d’enfants gravement malades.

Un engagement de plus de 80 ans pour les personnes ­malades et handicapées

La Journée des malades est portée par l’association faîtière du même nom, qui, le premier dimanche de mars, et donc le 6 mars 2022 cette année, cherche à sensibiliser la population à un aspect particulier de la santé et de la maladie. Comptent parmi ses membres des organisations de patients aussi bien que des ligues pour la santé, des associations professionnelles comme mfe Médecins de famille et de l’enfance Suisse, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS), ainsi que d’autres associations et organisations actives dans la santé. Dans la rubrique «Activités» du site web www.journeedesmalades.ch, vous trouverez la description, le lieu et la date des évènements programmés, ainsi que des informations sur l’action «carte postale». Vous pouvez également y signaler vos propres activités. L’association est financée par les contributions des membres et les dons 
(compte: PC 89-187572-0).
Figure 2:
 Typologie du projet en un coup d’œil. 

Soutenir les pédiatres dans l’accompagnement des enfants gravement malades

Dre méd. Claudia Wandt, Dr Beat Sottas
Dans le cadre d’un projet national mené pour pro pallium, et en collaboration avec un conseil médical, Claudia Wandt et Beat Sottas étudient dans quelle mesure les pédiatres sont confrontés à des maladies réductrices de l’espérance de vie, quels sont les défis qui se posent alors, quelles différences régionales apparaissent, et quelles sont les aides souhaitées par les pédiatres et les familles.
On associe rarement les pédiatres en cabinet aux soins palliatifs. Et pourtant, puisqu’environ 5000 enfants atteints de maladies réductrices de l’espérance de vie vivent souvent plusieurs années à la maison, ces professionnels sont confrontés eux aussi à des évolutions graves de la maladie et à des situations palliatives.
Ces maladies recouvrent quatre types (cf. fig. 2)1:
  1. maladies menaçant le pronostic vital avec options de traitement (par ex. tumeur maligne, insuffisance cardiaque);
  2. maladies incurables avec espérance de vie réduite (par ex. fibrose kystique);
  3. maladies évolutives incurables sans option de traitement (par ex. dystrophie musculaire, troubles métaboliques);
  4. maladies incurables avec handicap lourd et durable (par ex. paralysie cérébrale).
Cette typologie montre que les soins palliatifs pédiatriques (SPP) ne sont pas en premier lieu des soins de fin de vie, mais consistent bien souvent en un accompagnement sur des années. Une bonne qualité de vie et de soins suppose un réseau multiprofessionnel, dans lequel les pédiatres jouent un rôle de charnière entre les spécialistes et la famille.
Les premiers résultats montrent qu’il faut agir
Le projet pro pallium, avec la Dre méd. Claudia Wandt, pédiatre (cf. fig. 1), le Dr Beat Sottas, sociologue, et Cornelia Mackuth-Wicki, BSc in Nursing, n’est pas encore terminé. Mais une enquête en ligne, des discussions avec les parents et 40 entretiens avec des pédiatres ont déjà montré qu’il restait beaucoup à faire pour améliorer la prise en charge ambulante des enfants gravement malades:
  • Bien souvent, les pédiatres en cabinet ne perçoivent pas les patients et patientes atteints d’affections chroniques lourdes comme des cas relevant d’un des types précités. D’autres possibilités de soutien sont ainsi occultées.
  • De nombreux pédiatres sont insuffisamment préparés aux situations de SPP. Ils sont demandeurs d’un soutien pratique, technique et organisationnel, et notamment d’une meilleure collaboration avec les spécialistes en clinique.
  • Pour assurer une bonne prise en charge à domicile, il ne suffit pas de répondre aux problématiques purement médicales. Les possibilités de relève et les structures de soutien sont inconnues de beaucoup. Elles varient énormément en fonction du lieu de résidence et du canton, ce qui conduit à une inégalité d’accès pour les familles concernées.
  • L’offre de soutien varie également en fonction du diagnostic. Une partie de ce qui est traditionnellement implémenté pour les patients et patientes oncologiques n’existe pratiquement pas, voire pas du tout, pour les enfants présentant d’autres symptômes.
  • Des contraintes administratives et diverses exigences mal connues des pédiatres empêchent une prise en charge optimale.
  • On constate des déficits dans la conduite des entretiens et la communication, en particulier pour ce qui concerne le pronostic, le système familial et les représentations culturelles.
  • Il apparaît également que de nombreux problèmes doivent être abordés au niveau systémique, car des améliorations ne sont possibles qu’au moyen d’interventions au croisement du système de santé et du système social.
Ces résultats nourriront un vade mecum et des formations continues, afin de permettre l’amélioration de la prise en charge et de la qualité de vie des enfants gravement malades et de leurs familles.
La fondation suisse de soins palliatifs pour enfants et jeunes adultes pro pallium
Depuis 2009, pro pallium met l’étendue de son savoir-faire au service des familles des enfants gravement malades. Sur de longues périodes, des bénévoles qualifiés aident ces familles à faire face aux défis du quotidien, et ménagent ainsi des moments de respiration. Cette collaboration sur le long terme avec une seule et même personne forme le socle d’une relation de confiance. Cet accompagnement est gratuit pour les familles et financé par des dons.
Responsabilité ­rédactionnelle:
Sandra Hügli-Jost, mfe
Sandra Hügli-Jost
Responsable ­communication
mfe – Médecins de famille
et de l’enfance SuisseSecrétariat général
Effingerstrasse 2
CH-3011 Berne
sandra.huegli[at]medecinsdefamille.ch